La patience d'une Kunoichi

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Cyrcée
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La patience d'une Kunoichi

Message par Cyrcée » 01 août 2017, 20:19

La patience…. Les yeux fermés, assise en seiza, les doigts agilement enchevêtrés dans un signe complexe et étrange, elle n’avait pas bougé depuis des heures….. Patiente et concentrée.

En-dessous d’elle, la vie s’activait dans la maison : bruits des servantes travaillant en se racontant les derniers commérages, musique douce de la vaisselle s’entrechoquant, les odeurs du repas, celle plus enivrante du thé, puis les frôlements et raclements lorsqu’elles firent le ménage dans la maison du Maître.

La Kunoichi était arrivée tôt dans la matinée, juste après le départ du Seigneur des lieux, se glissant rapidement dans la demeure, évitant silencieusement les domestiques, ainsi que les quelques gardes en faction.

Ils ne faisaient pas partie du corps d’élite protégeant le Maître jour et nuit, ils n’étaient donc pas un réel danger.

Aussi discrète qu’une souris, elle était venue s’installer dans les combles, posant ses deux ninjatos à côté d’elle. Elle ne devrait pas avoir à s’en servir…. Si c’était le cas, cela voudrait dire que sa mission était un échec et qu’elle devrait se tuer. La fine fiole de poison qu’elle avait de coincé à l’intérieur de sa bouche était là à cet effet.

Cela faisait plus de deux lunes que cette nuit avait été préparée, revue dans les moindres détails, elle s’était entraînée encore plus consciencieusement que d’habitude.

C’est en rentrant un soir chez elle qu’elle avait aperçu le discret symbole de son Seigneur dessiné sur le sol de l’écurie. Sans un mot, elle l’avait effacé du pied, impassible, pour ressortir en pleine nuit, touchant l’éthérite, se laissant emporter jusqu’à Kugane.

Elle s’y était harmonisée il y avait des mois de cela, quand, suite à son divorce, elle avait eu besoin de se ressourcer auprès de l’homme qui lui avait tout appris des techniques de combat ayant transformée la combattante violente et sauvage qu’elle était, en une Kunoichi maîtrisant son corps et son mental, la faisant devenir une tueuse de l’ombre spécialisée dans les armes blanches et les poisons.

Comment l’avait-elle rencontrée ? Pratiquement deux ans auparavant, quand une rumeur courant parmi les shinobis implantés en Eorzea, parlant de la prétendue arrivée de Doma d’un Maitre Ninja, avaient attirés son attention. Curieuse comme un coeurl, ayant du temps à perdre, elle l’avait pisté, puis retrouvé, fière de son exploit, avant de comprendre qu'il n'avait fait que patiemment jouer au jeu du chat et à la souris et que le rôle du félin ne lui avait jamais été attribué.

Une élève surdouée ? Non, mais une femme habituée à se battre depuis sa naissance, lui donnant ainsi une faculté d’apprentissage plus rapide, voilà ce qu'elle était en arrivant auprès de celui qui allait devenir son Mentor et ami. Pleine d'une rage sauvage qu'elle n'arrivait plus à canaliser, elle glissait lentement vers une sorte de folie destructrice devenant un danger ; De ceux qu’il faut éradiquer.

L’immense Raen l’avait cerné en peu de temps, lui apprenant à juguler sa violence, l’épuisant à force d’entrainements, l’apaisant lentement. Durant de longs mois, il avait complètement façonné son élève pour en faire une Kunoichi redoutable.

Aussi, quand il fit appel à ses services, elle accepta sans l’ombre d’une hésitation. Elle lui était dévouée, même si elle n’était plus sa disciple, même si elle avait dorénavant sa propre organisation. Il était son Seigneur et Maître.

C’est pour lui qu’elle était depuis des heures dans ce grenier étouffant et poussiéreux, assumant pleinement le risque de devoir se donner la mort.

La cible était un homme connu pour sa cruauté. Un être abject que la politique, ainsi que des actes perfides et immoraux, avaient hissés sur les hautes marches des Seigneurs de Kugane ayant encore du pouvoir dans cette ville contrôlée par Garlemald.

L’espionnage, les complots, et la collaboration étaient son domaine. Il avait le sang de beaucoup de rebelles sur les mains, et sa tête était mise à prix depuis longtemps.

Plusieurs tentatives d’assassinat avaient échoué, déjouées par sa garde personnelle composée exclusivement de Samouraïs triés sur le volet.

Des combattants entrainés pour repérer les Shinobis, d’une rapidité et dextérité sans égale en combat, se frotter à l’un d’eux n’avait qu’une seule résultante : la mort. Mais avant cela, ils étaient réputés pour manier l’art de la torture avec un raffinement tel, que personne ne pouvait leur résister. Voilà pourquoi mieux valait qu’elle ne soit pas prise vivante : Même si elle avait une haute tolérance à la douleur, rien n’était totalement sûr, et si elle parlait, beaucoup d’autres viendraient à avoir la tête tranchée.

Tout espoir d’abattre cet homme s’était envolé quand le Seigneur de la Kunoichi avait accepté le contrat.

La Patience….. C’est grâce à elle qu’un plan totalement insensé avait pris forme dans la tête du Raen.

Pour l’exécuter, la Ninja dû s’exercer longuement et durement à ne faire aucun bruit, aussi indétectable qu’une araignée marchant sur sa toile. Puis rester immobile d’interminables heures, le souffle lent, ses mouvements réduit au plus strict minimum.

Enfin, un repérage minutieux des lieux, sur plusieurs jours puis de nuits. Grâce à des plans détaillés qu’ils avaient réussi à se procurer, la maison fut reconstruite à l’identique dans le plus grand secret loin de Kugane. Une petite parcelle des terres eorzeenes se parant d’une note orientale durant trois semaines, le temps que la femme connaisse les lieux par coeur, arrivant pratiquement à se diriger les yeux fermés dans le dédale de la somptueuse demeure.

La réplique de la maison fut détruite sans que qui que ce soit puisse en admirer l’architecture.

Le jour fatidique arriva et la Shinobi ne se retourna pas en quittant son domicile, elle ne le devait pas. Pas un mot pouvant éveiller les soupçons chez ceux qu’elle chérissait. Soit elle revenait et personne n’en saurait jamais rien, soit elle devrait se tuer, et disparaitre sans laisser de trace.

Elle retrouva son Seigneur, pour un dernier tour d’horizon, un dernier conseil et un regard qui en disait long……

Elle était maintenant depuis des heures dans les combles de la villa se permettant de grignoter une galette de riz, et quelques fruits secs, ne laissant aucune miette, ni odeur, avant de recouvrir sa bouche et reprendre sa position.

Assise, les yeux fermés, ne somnolant pas, bien au contraire, totalement en alerte sur le moindre bruit lui parvenant, elle attendait sa cible.

Un frémissement parcouru les domestiques, une intonation de voix plus apeuré. Elle rouvrit lentement ses yeux ambre piquetés d’émeraude, seule partie visible de son corps entièrement recouvert d’une combinaison en caoutchouc noir mat.

Le Maître des lieux arrivait, entouré de ses Samouraïs, tous, le visage fermé, concentrés, alors que l’homme qu’ils protégeaient braillait des ordres et des remontrances à peine la porte de sa Villa franchie.

Elle referma paisiblement les yeux, ses mains se mettant à effectuer une série de signes plus étranges les uns que les autres : des mûdras, une sorte de Mantra silencieux, chaque geste éloignant des pensées pouvant parasiter sa concentration : Un à un, les moments clefs de sa vie, puis des souvenirs précieux, et enfin les visages des personnes chers à son cœur disparurent, l’un d’eux, le dernier, un homme aux yeux couleur acier, lui souriant tendrement, s’accrocha encore avant qu'elle ne le fasse lâcher.

Lorsque ses paupières se relevèrent, son regard n’était que pure concentration, ni peur, ni angoisse, ni regret. Rien, elle était non seulement prête à tuer, mais acceptait aussi la mort qui pouvait être au bout du chemin.

En-dessous, l’homme invectivait encore une des servantes, le bruit d’une gifle, un cri de douleur et de surprise, le léger trottinement de pieds menus sur le sol.

La Kunoichi détendit lentement ses jambes repliées, venant se coucher sur le sol, toujours sans un bruit.

Sa cible se mouvait dans la chambre pile sous elle. Elle entendit le cliquètement des armures des samouraïs alors qu’ils se plaçaient pour la nuit : Deux devant la porte, deux devant la fenêtre. Rien n’aurait pu entrer ou sortir de la chambre sans qu’ils ne le voient et le tuent.

Patience encore…..

Une autre domestique fut appelée. La Ninja resta de marbre en l’entendant pleurer et supplier alors que le Seigneur ricanait en prenant son plaisir.

Une fois fait, la servante s’en alla, laissant l’homme seul, affalé sur son lit.

Patience toujours…..

Ce n’est qu’en l’entendant ronfler, que la Kunoichi enleva très lentement le bout d’étoffe noire recouvrant un petit trou fait dans le plancher donnant dans le plafond de la chambre du dormeur….. Juste au-dessus de son lit.

En effet, un dernier fils avait été tissé dans la toile qui allait servir à attraper leur proie : Une espionne en sommeil avait été réveillée après des années au service de la cible sans jamais avoir à faire quoi que ce soit : après les plans, elle avait été en charge de percer ce petit trou, présent depuis deux semaines sans que personne ne s’en aperçoive. Est-ce lui qu’elle fixait ce soir alors que l’homme la violait ? Peut-être….

La Kunoichi pris délicatement la ficelle placée à ses côtés, l’insérant lentement dans l’orifice, laissant le lest placé à son extrémité la faire descendre doucement vers l’homme.

Elle attendit que le petit mouvement de balancier s’arrête, avant de prendre une fiole déjà débouchée depuis quelques minutes.

Elle s’était personnellement occupé du poison : pas de goût, pas d’odeur, juste trois gouttes. Trois petites gouttes transparentes devant atteindre les muqueuses de la cible.

Elle retint son souffle au moment de verser le plus adroitement possible le liquide toxique sur la ficelle, le regardant couler lentement tout le long, pour grossir en une perle cristalline à son extrémité.

Une… Mentalement, la femme commença un compte à rebours ……Deux…Trois gouttes…. Sous son masque, elle fit un fin sourire en remontant la cordelette, ses gants la protégeant du contact avec la toxine.

Elle stoppa son décompte en même temps que le ronflement s’arrêtait, plus aucun souffle ne passant les lèvres ouvertes de sa proie.

Le moment critique était atteint, les Samouraïs n’allaient mettre qu’une poignée de secondes avant, d’eux aussi, percevoir que la respiration sonore de leur Maître s’était tue pour toujours.

Répétant des gestes qu’elle avait fait durant des heures, elle mit la cordelette et la fiole rebouchée dans la poche arrière de sa combinaison, rengainant sans un bruit ses lames, se levant souplement, semblant plus glisser que marcher vers la trappe par laquelle elle était arrivée, se faufilant, pour atterrir silencieusement sur le sol richement décoré de la Villa.

Un cri d’alerte, et le mortel sifflement des katanas que l’on dégaine. Les Samouraïs avaient été plus rapides qu’elle ne le pensait….

D’un bond, elle passa une porte, courant félinement dans cette maison dans laquelle elle pénétrait pour la 1ère fois et qu’elle connaissait pourtant sur le bout des doigts.

De sa langue, elle effleura la fiole collée à sa joue, remplie du même liquide qu’elle venait d’utiliser. S’ils arrivaient à l’empêcher de fuir, elle n’hésiterait pas. Un coup de dent, et la mort l’emporterait avant même que l’un d’eux aient pu la toucher.

Ils s’interpellaient entre eux, la cherchant frénétiquement, sachant pertinemment qu’elle n’avait pas encore eu le temps de fuir, de quitter la Villa, conçue comme un labyrinthe afin de piéger ceux qui, comme elle, avaient cherchés à tuer leur Maître.

Leur rage était presque palpable dans leurs cris, elle avait réussi à l’assassiner, et ils allaient lui faire payer cet affront, avant d’eux-mêmes se donner la mort pour avoir échouer dans leur mission, laissant à d’autres le soin de retrouver chacun des complices dont elle aura donné le nom pour mettre fin à son supplice.

Sa combinaison d’un noir sans reflet lui permettait de se mouvoir dans la nuit sans que la lune ne puisse accrocher le moindre éclat, elle courait, concentrée sur sa fuite, comptant les fausses portes, ouvrant les bonnes, passant d’une pièce à l’autre sans un seul regard pour les magnifiques bibelots, et autres somptueuses soieries, focalisée sur une seule chose : une simple fenêtre. Celle donnant sur une ruelle sombre, elle-même menant dans les égouts : un autre royaume dans lequel les Samouraïs ne viendraient pas s’aventurer.

Un hurlement derrière elle, l’un d’eux l’avait aperçu… Une cavalcade…. Un fracas d’arme entaillant le bois.

Trop tard…. La silhouette noire avait sauté dans la ruelle, filant dans la nuit, se fondant en elle, impossible à rattraper.

Un silence pesant enveloppa lentement la Villa. Le Maître était mort…. Il ne restait plus à ses Samouraïs qu’une seule option : se tuer.

Ce n’est qu’aux premières lueurs du matin, alors que la rumeur de l’assassinat de l’homme et du suicide de sa garde d’élite commençait à enfler, qu’une femme aux yeux ambres piquetés de vert vint nonchalamment effleurer l’ethérite de Kugane.

Arrivée à destination, elle soupira d’aise en sentant l’air iodé, et c’est avec un léger sourire en coin qu’elle ouvrit la porte de chez elle.

Un éclat de rire, une conversation animée, des visages se tournèrent vers elle, des sourires.

« Salut Cyrcée ! Ben tu étais où ? Tu t’es levée sacrément tôt ce matin !"
Ne jamais se fier aux apparences

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