C’était d’ailleurs l’activité à laquelle s’adonnaient de nombreux passagers du convoi marchand, fatigués du voyage de trois jours depuis Ul’dah. Le calme régnait au sein des branchages sombrelinçois.
Parmi les quelques braves encore bien éveillés se trouvait une jeune fille à la peau sombre et aux oreilles pointues, à qui l’on n’aurait pas donné plus de six ans, du point de vue d’un être humain normalement constitué. Il se trouvait que la petite lalafelle avait en réalité la quinzaine, ce qui n’en restait pas moins relativement jeune pour une telle pérégrination en solitaire. Un voyage somme toute assez calme, mais dépaysant pour quelqu’un qui n’avait jamais rien connu d’autre que les marais et le désert depuis son enfance. Et, bien que les ravages du septième fléau un an auparavant fussent encore bien présents, la nature reprenait peu à peu ses droits.
Maeko admirait donc, ses yeux grands ouverts depuis le départ, le paysage qui défilait devant elle. Un sourire heureux ornait son visage. Voilà que l’avenir lui tendait les bras. Elle avait foi en tout ce que Gridania pourrait lui apporter, et avait la très ferme intention de rester ici jusqu’à ce qu’elle devienne une élémentaliste digne de ce nom, qu’importe le temps que ça prendrait.
« Nous sommes arrivés, n’oubliez pas vos affaires personnelles en partant. L’auberge est à deux pas, n’hésitez pas à y faire un tour, ils servent un excellent whisky et les chambres sont confortables. »
La jeune lalafelle ne perdit pas de temps pour se confronter à ce nouvel endroit, un foyer qu’elle comptait bien adopter le plus vite possible, si ce n’était pas déjà fait. Son grand sac en bandoulière sur son épaule, elle marcha jusqu’à atteindre un cristal bleu d’une taille impressionnante – au moins une dizaine de yalms, à vue d’œil. C’était la troisième fois de sa vie qu’elle voyait une éthérite, et le spectacle de ces balises ne la lassait pas. Elle accosta un garde pour lui demander le chemin de la guilde des élémentalistes, qui haussa un sourcil en voyant arriver la jeune fille à la peau foncée. Après quoi, non sans un haussement d’épaule, il indiqua le chemin à Maeko, qui le salua en souriant avant de reprendre sa route.
Après s’être perdue deux fois dans les enchevêtrements de la cité, avoir demandé son chemin à une dizaine d’inconnus qui ne s’arrêtèrent même pas et glissé dans la boue, elle arriva enfin à un massif coloré où des personnes en robe discutaient entre elles. De toute évidence, il s’agissait de la guilde des élémentalistes. Elle continua d’avancer, dépassant la clairière, pour se retrouver dans un tunnel de terre qui déboucha sur une gigantesque salle où se trouvaient des hommes et des femmes également parés de robes et de chapeaux pointus. Des sortes d’alvéoles lumineuses étaient disposées dans les murs, éclairant l’endroit d’une lumière blafarde mais apaisante.
« Bonsoir, jeune fille. Vous cherchez quelque chose ? »
Maeko sursauta et se tourna vivement vers l’endroit d’où provenait la voix. Il s’agissait d’une sorte d’accueil en bois où se tenaient d’autres élémentalistes. L’un d’eux, une femme au regard rassurant, fixait la jeune lalafelle en souriant.
« Je m’appelle Morgane, je suis chargée d’accueillir les visiteurs. Vous n’êtes jamais venue ici n’est-ce pas ? »
Maeko répondit en secouant la tête, tout à coup intimidée, comme si elle venait enfin de se rendre compte qu’elle était en terre inconnue et qu’elle ne connaissait rien de ces gens, de cet endroit et même de l’endroit où elle dormirait cette nuit. Après quelques secondes de léthargie, elle s’avança jusqu’au comptoir et s’expliqua :
« Bonsoir, je m’appelle Maeko Aeko, je suis venue seule du Thanalan afin d’apprendre l’élémentalisme.
- Enchantée, Maeko. Tu es venue seule dis-tu ? Ça me semble être un voyage assez long et risqué pour une fille comme toi. Enfin, je veux dire, quel âge as-tu ? Dix ans ?
- Quinze en réalité.
- Ah. Mes excuses, c’était impoli de ma part. Ecoute Maeko, en théorie, la guilde reste ouverte toute la journée et la nuit, mais nous allons tous prochainement aller dîner avant de nous mettre à prier les esprits. Il fera bientôt nuit noire, alors je te propose de te prendre une chambre à l’auberge et de prendre un bon repas. Je vais t’inscrire sur le registre, et tu pourras ainsi rencontrer maître E-Sumi-Yan dès demain matin, à six heures, pour qu’il t’explique précisément en quoi consiste notre discipline et te trouve un formateur. Ça te va ?
- Ça me semble honnête, je vous remercie.
Maeko s’inclina pour saluer et fit demi-tour pour retourner à l’auberge près de l’éthérite. Le chemin fut de plus courte durée que l’aller.
Une fois sur place, elle prit la chambre la moins chère, sous les combles, y monta ses maigres bagages et s’installa. Elle descendit rapidement dîner, et se repu d’un étrange ragout au goût hasardeux, qu’elle accompagna d’une pinte de bière brune épaisse. La réalité la rattrapa alors brusquement : la jeune femme était sans le sou et devrait travailler avec acharnement à côté de ses études pour payer sa soupe et son lit.
C’est plongée dans ces pensées peu rassurantes et pleine de doutes que Maeko s’endormit sur son rustique lit de paille. La journée qui suivait allait être décisive pour son avenir.