J'irai te chercherMusique importante
Les roses étalées sur le sol sont froide, aussi froides que la flamme de ces centaines de chandelles qui éclairent le couloir, ce même couloir qu'elle avait arpenté des milliers de fois dans la pénombre des rideaux de velours à présent ouverts. A la lueur de la lune et des bougies, cette demeure était si belle, si chaleureuse, si luxueuse. Les anges peint sur le plafond posaient leurs yeux plein d'admiration sur la femme qui passait là, sous la voûte, en courant. Dans son sillage, elle sème les pages de cette partition, de ce chant qui la hante après qu'elle l'ai trouvé sur le piano et qu'elle a voulu jouer, croyant à un ultime présent.
Elle n'était pourtant qu'à un pas, qu'à une poignée de minutes. Mais pour la première fois, c'est son âme qui a été touchée par cette musique. Qui a bien pu l'écrire, et le laisser là à son attention ?
Résignée, enchaînée au destin tragique qui attend toutes celles qui ont porté ce visage, celle qui avait écrit ce chant avait aimé de toutes ses forces. Sa mélodie était pourtant un cri de désespoir. Elle en avait perdu la raison.
Le ballerines qui couvrent ces pieds fins dévalent les escaliers de l'entrée, l'hermine blanche qui la couvre peine à la protéger des violentes bourrasques neigeuses qui s'engouffrent dans le manoir alors qu'elle tire sur la poignée pour ouvrir la lourde porte. Le jupon se fond dans la neige, elle s'enfuit sur le perron sans ralentir, sauf sur la dernière marche.
"Lyssa !"
Sa voix, ce n'est pas la voix d'un fou, c'est bien la voix d'un homme. Sur la terrasse, là-haut, elle doit se retourner et lever les yeux pour le voir. Osera t-elle ? Il l'appelle encore.
"Lyssa...!"
Elle se tourne, il la fixe. Son regard n'est pas dur, il n'est pas cruel, il n'est pas non plus dans l'incompréhension, il parait dans l'attente. Si calme, et pourtant elle devine sa main gantée qui serre la rambarde du balcon. Il ne dit rien.
Le malheur suit chacun de ses pas. Les tragédies frappent tour à tour celles qui portent ce visage. Quelque soit son sort, comment pourrait-elle jamais le partager avec toi ?
Un homme mauvais, quelle crainte peut-il y avoir à partager ce sort ?
Ce cœur qui bat dans ma poitrine, qui bat pour lui. Qu'il se taise...Viens avec moi... celui qui t'a tiré de cette maison pour te mettre à l'abri, qui te désire depuis le premier jour, tu n'es qu'à un pas de pouvoir vivre enfin au grand jour.
Mais en mesures-tu les risques ?Quelle folie m'a prise ces trois dernières années, à me plonger dans ce lent sommeil léthargique... Je réalise maintenant ce que j'ai fait, ce que je n'ai pas fait.
Mais tu l'aimes, tu l'aimeras toujours. Qu'importe ce qu'il est...Il la regarde sans bouger, il tend la main.
"Lyssa, viens avec moi..."
Il y a tant de choses qui la poussent à dire "oui", mais elle ne le peut. Quelque chose la retient encore.
Et la neige tombe sur le pavé gris. Cet hiver qu'elle n'avait vu que dans ses rêves, depuis le ciel, tombe sur leurs épaules. Aux portes du manoir, l'elezenne blonde sort au moment où Lyssa arrache son regard à celui du spectre qui hantera désormais son cœur. Elle prend a fuite, tout de blanc vêtue, dans la neige. Alors que la garde du corps s'apprête à la poursuivre, une voix la retient.
"Non. Laisse la s'en aller."
La blonde lève les yeux pour le regarder. Malgré son calme apparent elle seule parvient à lire une certaine forme de résignation. Il finit néanmoins par afficher un mince sourire, empreint d'une certaine tristesse.
"Elle me reviendra. Je ferai lever le voile par d'autres... et ensuite j'irai la chercher."
Il n'allait pas renoncer, mais il devait la laisser partir, disparaitre dans la nuit Il l'avait sauvée, il l'avait changée, il l'avait aussi beaucoup éprouvée, mais il ne voulait pas la façonner comme on crée une poupée de cire ; elle était, et serait toujours ce spectre qui hante son âme et son cœur, insaisissable et pourtant à lui seul.
"Fuis ma Lyssa, brise ces chaînes et envole-toi. Quand tu regarderas le monde depuis les cieux tu verras que je suis encore là, à te fixer. Fuis, mon fantôme, pour me revenir enfin ; tu hantes déjà mes pensées. Où que tu sois au milieu des étoiles j'irai te chercher."
La neige n'avait jamais été plus belle, plus blanche. La neige si froide et pourtant si douce qui lui faisait penser à elle. Il faudrait la retrouver avant que l'hiver n'arrive...
FIN
