Eylion Grenn

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Ennrael
Messages : 228
Inscription : 09 mars 2018, 13:21

Chapitre 71: La Lionne d'Ébène (Partie 2)

Message par Ennrael » 31 août 2021, 00:05

Image
[ Afin de préserver mon plaisir d'écrire, je rédigerai à nouveau à l'imparfait pour les suivants chapitres. À garder note que les événements suivants se sont déroulés dans le Passé. ]

Il ne savait pas depuis combien de temps sa Conscience voguait. Elle flottait, entre deux mondes, jusqu'à finir par retrouver son réceptacle. Le premier sens qui lui revint partiellement fut le toucher. Sa joue contre un sol froid, dur. Ses muscles engourdis. Ses mains... ... Elles étaient attachées?? Il tenta de bouger ses poignets. De la corde de chanvre, épaisse, brûla sa peau à l'essai.

Le suivant sens fut l'odorat. Une odeur de renfermé, dense, humide. Étouffante. Il lui fallait voir. Où était-il?! Son regard dissemblable cligna péniblement, aussitôt agressé par une lumière pourtant tamisée.

Eylion: Gh...

Un grognement pénible, guttural, s'extirpa de lui. Il... ... Il y avait quelqu'un avec lui. Penché? Oui, penché. Sa vision floue ne lui permettait pas de distinguer encore nettement ses alentours.

Eris: Bonjour, mon petit tigre... bien dormi?
Eylion: ... Que...

Sa Conscience capta enfin l'information que ses poignets essayaient de lui transmettre depuis son réveil. Instinctivement, il se mit à les bouger, la morsure du chanvre se rappelant à lui.

Eylion: Merde...! siffla t'il entre ses canines.

Devant lui, la Crépusculaire était accroupie en le regardant avec un air moqueur. Ce fut là qu'il s'aperçut que non seulement il était attaché mais aussi... nu.

...

Nu?

Putain de bordel de merde.

C'était donc pour ça qu'il avait froid.

Eylion: ...!!!

Satisfaite, sa ravisseuse esquissa une moue faussement compatissante.

Eris: Moooh, surpris de me voir, hm ? Ne panique pas, voyons. ~ Tu ne me verras bientôt plus.
Eylion: C'est quoi ce cirque...? grogna t'il.
Eris: Disons que je te considère comme un homme dangereux. Et les hommes dangereux, je m'en débarrasse! ajouta t'elle, sifflante.

Il s'immobilisa à cette phrase. La regarda, les yeux légèrement écarquillés... avant d'éclater de rire. Face à la réaction, elle arqua un sourcil sceptique.

Eris: Cette nouvelle t'a bouleversé, on dirait.
Eylion: Ah, ah, ah... Elle est bien bonne, musa t'il avec un sourire provoquant en coin. Juste pour ce motif, je me retrouve là, à poil, attaché?

Malgré le malaise engendré par les restes de la drogue dans ses veines, le Mage commençait à reprendre la main sur son esprit et à cerner dans quelle situation il se trouvait. À en juger par les murs décrépis, les quelques caisses ci et là, ils se trouvaient dans une cave. Il était à la merci d'une sorcière tarée et n'avait aucun outil à sa disposition. Ni son grimoire, ni ses outils d'évasion cachés habituellement dans sa tenue. Était-il si dangereux à ses yeux qu'elle ne lui avait même pas concédé de garder son caleçon?

Elle avait eu raison.

En bon paranoïaque qu'il était, chaque objet sur lui avait été pensé pour le tirer de là. Peut-être pas le caleçon... Quoique, c'était quelque chose qu'il allait penser à l'avenir.

Donc ni Magie, ni outils. Tout ce qu'il avait pour se tirer de là était son Verbe. Ça tombait bien. De tout son arsenal, c'était, de loin, son arme de prédilection. Une joie primaire ne pouvait s'empêcher de monter en lui. Voilà bien des années qu'il n'avait pas laissé libre cours aux aspects les plus vicieux de sa personnalité, depuis qu'il était devenu le Docteur de l'Occulte. Il lui avait bien fallu faire descendre d'un ton son venin s'il voulait que ses patients lui parlent.

Un Défi. Un Défouloir. La Noirceur dans ses veines se bataillait avec son Pragmatisme. Feu et Glace se mêlèrent jusqu'à trouver leur équilibre. Son sens de l'observation à son paroxysme. Il escomptait bien lui faire regretter chaque pan de l'humiliation qu'il vivait actuellement. Œil pour œil, dent pour dent.

Il allait devoir lui tirer les vers du nez sur ce qu'elle allait faire de lui et pourquoi exactement. Dans ces deux éléments, il y avait là la clé de sa Liberté. Mais dans un premier temps, il allait devoir faire en sorte d'inverser leurs rôles. À cet instant, elle n'avait aucune raison de le craindre. Elle était la prédatrice, lui une proie. Le fait qu'il était à terre et elle le surplombant renforçait cette image en elle.

N'ayant pas les pieds attachés, il se débattit pour se redresser. S'asseoir dans un premier temps. Après une certaine galère, il y parvint. Un vertige le prit aussitôt, la drogue faisant hurler son organisme à l'agonie. Ugh. Ne rien montrer.

Eylion: Fiou... Mieux, lança t'il en tâchant de se montrer le plus nonchalant possible.
Eris: Hm, oui, amorça t'elle dans un sourire. Je prend mes précautions. Avec. Chaque. Homme.
Eylion: Ma pauvre, il faut vraiment être névrosée pour en arriver à ce stade, décocha t'il avec un sourire en coin. En soi, je me dis que ça doit être une maigre consolation sur les plaies béantes qu'il t'a laissé, hm...?
Eris: Oh, tu tentes l'attaque psychologique, hein? se pâma t'elle dans un rictus. Très bien. Regarde là, cette plaie béante. Qui coule et hurle... mais?!

Elle feignit une moue surprise.

Eris: Oh mais tu en as une toi aussi!

La main cendrée, aux longs ongles peints, coula sur le torse balafré du Mage qui se tendit à ce contact tout en grimaçant.

Eylion: Il y a une différence, moi, je ne l'utilise pas pour attacher le tout venant dans ma cave, siffla t'il. Ne me touchez pas.

L'attitude ne fit qu'agrandir le sourire provocant de la Crépusculaire.

Eris: Oh, quelle fragilité... Quel...

Elle plongea son regard dans le sien.

Eris: Écorché...

La main sur le torse se mit à le caresser, ajoutant le geste à l'insulte. Le surnom familier crispa la mâchoire du Lunaire.

Eylion: ... Lucrétia.

Il leva ensuite son pied, le posant sur le ventre de l'Elézéenne.

Eylion: Ne m'obligez pas à frapper là où ça fait mal, dit-il, froidement, en soutenant son regard.

En réalité, il aurait bien volontiers frappé dans l'immédiat. Mais il était inutile de pousser de trop les limites de son interlocutrice. Son objectif était la survie. À cette vue, elle s'écarta bien.

Eris: Nul besoin de vous donner tant de mal, voyons.
Eylion: Vous m'y poussez facilement, dit-il dans un sourire grinçant. Alors, quoi, vous êtes de mèche avec elle?

Elle haussa les épaules en réponse.

Eris: Moui. Lorsque j'ai compris qu'une autre femme vous avait déjà manipulé par le passé, j'ai su que je n'arriverais pas à vous contrôler. Et de son côté, Lucrétia avait très, TRÈS envie de passer du temps avec vous... ajouta t'elle dans une moue sensuelle.
Eylion: ... C'est elle qui vous l'a demandé? dit-il, son oreille droite se dressant.
Eris: Oh, vous en doutiez? ricana t'elle.
Eylion: ...

...

Il baissa la tête, le haut de son visage se faisant masquer par ses mèches, pendant qu'elle toisait, implacable, assurée de sa position.

ENfiN!

Après un certain instant, un sourire des plus jubilatoires apparut sur le bas du visage pâle. Dément. Carnassier. Une Joie littéralement sauvage illumina ses traits tandis qu'un rire éclatait sur les murs souterrains.

Eylion: Ah, ah... Ah, ah, ah, ah!
Eris: Décidément, vous me surprenez, fit-elle, surprise. Et c'est moi la folle.
Eylion: Oh, par Azeyma...

Il roula sa tête sur le côté, son regard dissemblable revenant à Eris.

Eylion: Vous ne comprenez décidément pas...

Il releva un Azur mordant sur sa ravisseuse.

Eylion: Vous venez de me rendre le plus beau, le plus merveilleux service que vous pouviez me rendre, musa t'il avec une cruauté froide.
Eris: Oh... avec plaisir, lança t'elle, de plus en plus irritée. Et aurais-je l'honneur de savoir pourquoi?

Elle mordait à l'appât. Il se débrouilla pour se lever tout à fait. Le vrai Spectacle pouvait commencer. Dans une posture calculée, il se rapprocha d'elle pour la regarder, tête légèrement inclinée, se penchant de façon à la regarder en contrebas.
Image
Eylion: Vous venez de me donner non seulement une raison valable pour la tuer... sans vous rendre compte dans quelle position vous venez de vous mettre.

Elle tiqua, un éclat de semi panique et de fureur passant dans son regard. Elle le repoussa avec colère.

Eris: Mais regardez-vous! Dans quelle position suis-je, à votre avis?!
Eylion: Celle d'une personne qui ne se rend pas compte qu'elle a mis un pied dans la tombe, musa t'il avec un sourire suave. Qui suis-je, Eris, dites moi...?

Il tâcha de reprendre ses assises un peu plus loin, malgré ses poignets toujours liés. Il avait du mal à tenir debout à cause de la drogue qui hantait ses veines mais il se força à supporter le désagrément.

Eris: Un homme qui disparaitra bientôt de ma vie! lâcha t'elle en le foudroyant du regard. Oooh, comme j'aurais dû vous bâillonner, tant qu'il en était encore temps!

Aussitôt, elle chercha des yeux un quelconque tissu qui pourrait faire l'affaire. Ce qui arracha un léger rire au Lunaire. Suivante note.

Eylion: Et pourtant, il serait dans votre intérêt de m'écouter... Mais si vous voulez que je me taise, à votre guise, dit-il en gardant son sourire insupportable en coin.

Elle finit par trouver ce qu'elle cherchait, revenant d'un pas qui se voulait tranquille, longue bande de tissu à la main.

Eris: Je vous écoute. Votre dernière volonté.

Il fit mine de soupirer.

Eylion: ... Lucrétia... Vous a t'elle dit que je me suis déjà évadé du Manoir...?
Eris: Oui, mon chaton! dit-elle en roulant des yeux. Et alors?
Eylion: ... Qui vous dit que je ne pourrai pas recommencer? lança t'il avec un sourire amusé en coin. Oh, ou mieux... Tout dépend en fait le degré d'emmerde dans lequel j'aimerai vous plonger... Je pourrai... très bien accorder à Lucrétia ce qu'elle souhaite. Ce qu'elle a toujours voulu de moi... Et qui écoutera t'elle alors, hm...? Et encore, ce n'est que la petite partie "plaisante" car... ma disparition va engendrer des questions. J'ai des proches et des alliés... Chose à laquelle je me suis employé depuis l'ouverture de l'Abéhys et du Tournoi. Rouage Éthérique, Opale, Ordre de Rivesthern, Tribu des Ua...

Enfin, en soi, il extrapolait largement pour l'Ordre de Rivesthern, avec lequel il n'avait qu'un accord d'échange de recherches. Mais l'Ordre était spécialisé dans la traque du Néant, n'est-il pas? Et puis, en bon Roublard qu'il était, ajouter un nom ou deux, quelle importance? Tant que ça avait l'effet escompté...

Eylion: Dites moi, que pensez vous qu'il pourrait advenir s'il m'arrivait un quelconque pépin...?

Elle le regarda avec fougue, un demi-sourire sur le coin des lèvres.

Eris: Bien évidemment, j'ai fait attention à ne pas laisser trop de traces. Je sais que vous êtes influent, darling, et c'est pour ça que je veux vous éliminer. Quand à votre petite menace... êtes vous certain d'être prêt à vous donner tout entier à cette Démone juste pour ma petite personne?

Il esquissa un sourire froid.

Eylion: Qu'aurai-je à y perdre? Après, la balle est dans votre camp... Vous pouvez continuer à prendre des risques stupides et inutiles... Ou commencer à réfléchir sérieusement à vos options.

Elle éclata de rire.

Eris: Mes options! À ce stade-ci, je n'en ai plus, voyons! Nous avons déjà atteint un point de non retour, et je le sais très bien.
Eylion: Vraiment? Je dirai que non... Vous n'êtes pas ma cible... Combien même votre comportement me donnerait envie de vous arracher sincèrement la gorge.

Elle serra les dents à la mention.

Eris: Vous... vous pensez que je devrais vous libérer? dit-elle en regardant le sol, songeuse.
Eylion: "Penser"? Non... C'est même une certitude...

Elle étira un rictus en relevant la tête.

Eris: Je ne vois aucune garantie que vous ne m'attaquerez pas, ni même que je serais plus "sauve" de votre côté. Votre petit jeu ne fonctionne pas, avec moi. Permettez...

Elle s'approcha avec la ferme intention de lui enfoncer dans la bouche ce qu'elle tenait. Il recula aussitôt avec un sourire. Hors de question qu'elle le prive de son arme.

Eylion: Premièrement. Je n'ai pas d'arme. Deuxièmement, vous me seriez plus utile vive que morte. Troisièmement, parce que votre raison pour m'attaquer est aussi fallacieuse que celle pour laquelle vous couchez avec tous ces hommes en morcelant à chaque fois un peu plus votre âme.

Elle répéta sur le même ton, continuant de le poursuivre dans un étrange jeu de chat et de la souris.

Eris: Premièrement, cela ne marche pas, après vos menaces. Deuxièmement, raison de plus pour vous éliminer, manipulateur. Et troisièmement, mon âme va très bien, merci. ~
Eylion: Manipulateur... Je dirai "quelqu'un avec un intérêt pour sa survie". Troisièmement, votre âme? Ah! Qu'en reste t'il? Vous pensez avoir le contrôle sur tous ces hommes, vous pensez jouir du pouvoir que vous avez sur eux mais vous voulez savoir quoi? C'est totalement illusoire car ceux qui jouissent entre vos cuisses jouiraient tout aussi bien entre elles qu'entre n'importe lesquelles qui seraient à leur portée. Vous n'êtes et ne demeurez que l'outil dans lequel votre premier amour vous a coincé et jamais vous n'étancherez ce Vide, ni cette Perdition qu'il vous a laissé. Là où vos griffes passeront, ce ne sera que pour tracer un sable qui reviendra toujours. Vous pensez blesser, vous pensez tuer aussi bien que lui mais il n'en est rien... Et c'est exactement comme tel que chaque homme dans votre couche vous considérera. Et le jour où vous rencontrerez quelqu'un qui vous aimera telle que vous êtes? Alors vous l'aurez égorgé stupidement sans vous rendre compte même que vous avez eu entre les doigts ce qui aurait pu vous guérir.

Face au Miroir, elle franchit aussitôt la distance d'un bond pour le griffer avec toute la force de sa haine. Elle souffla avec fureur, ses dents visibles tant ses traits étaient déformés par ce qui l'étreignait.

Eris: Mais que savez-vous donc de tout ça, hein? De l'amour, du vide, et du désespoir! Oh vous faites le fier, mais vous avez enfoui tout ça! Je vais vous dire... vous êtes comme moi! La violence qui sommeille en vous menace de vous brûler chaque jour, chaque minute, et chaque seconde! Oooh, et tout comme vous, je serais incapable d'aimer de nouveau. Vous vous bercez d'illusions, en pensant pouvoir trouver votre Absolu? Ah ah ah, quel nom adorable, pour une chose que vous ne trouverez jamais plus! Vous êtes brisé!

Ils y étaient. Là où il voulait les mener. Il avait l'origine de la situation. Pas les racines. Mais ça ne le rendait pas plus heureux pour autant.

Votre Absolu.

Elle avait osé. La Démone avait osé lui confier cette partie de lui qu'il haïssait tant. Il devait garder son calme, son sang-froid. Maintenant, plus que jamais. Il serra les canines. Il savait qu'il y aurait un prix à payer. C'était soit ça, soit il échouerait et finirait à nouveau au Manoir. Alors il payerait.

Eylion: ... C'est vrai, je n'y crois plus. Et oui, je sais très bien la Haine brûlante qui couve, cette envie de voir le Monde brûler, dit-il en la regardant en biais, laissant le sang s'écouler des griffures qu'elle lui avait infligé. Mais il y a une différence entre vous et moi... C'est que je me refuse de jouer avec le corps et le cœur des gens. Ce qu'elle m'a fait... Jamais je ne l'infligerai à mon tour à un autre. Elle peut me hanter, me corroder, jamais...

Ses canines se serrèrent davantage, au point d'en devenir douloureux. L'apprentie Occultiste soupira, semblant reprendre possession de ses moyens.

Eris: "Jamais personne ne revivra le même calvaire"... Pourquoi, pensez-vous que je joue avec le cœur des hommes? Jamais. Je suis toujours claire, dès le début. Pas de sentiments. Juste de la recherche. De la connaissance. Vous ne comprendrez jamais, mais je fais connaissance avec vous à travers vos pulsions. Je sais... quand un homme est bon... est "moins pire", en fonction de ses pulsions.

Une lueur douce passa à travers son regard, comme un souvenir, qu'elle chassa rapidement.

Eris: Et non, je ne ferais jamais revivre à quelqu'un ce que j'ai vécu!

Il esquissa un sourire aussi incrédule qu'amer.

Eylion: ... Dis celle qui m'a mis dans cette position.
Eris: Tsssk. Ce n'est clairement pas la même chose.
Eylion: En quoi ça ne l'est pas, hm...? À ce que je sache, à part être désagréable et refuser vos avances, que vous ai-je fait?
Eris: Je ne vous connais pas. Je n'ai pas pu vous connaître. Et le seul homme que je n'ai pas cherché à connaitre m'a plongé au cœur d'un abîme noir et sans fond. Alors, oui, je veux me débarrasser de vous ~ Vous êtes un Brisé. un homme qui n'a plus rien à perdre. Vous. êtes. dangereux.
Eylion: Basiquement, parce que vous n'avez pas pu me contrôler... Alors vous avez peur... énonça t'il avec un ton détaché, méthodique. Oh ça, je ne vous démentirai pas... Je n'ai plus rien à perdre. Mais si j'avais vraiment voulu vous attaquer, n'aurai-je pas cherché à vous approcher? À sonder votre cœur comme lui l'a fait?

Il planta son regard dans le sien.

Eylion: Même là, à présent, vous m'êtes limpide.
Eris: Oh, oui, j'ai peur, dit-elle en esquissant un rictus. J'ai toujours peur. Il n'a j...

Elle se stoppa, détournant les yeux.

Eris: Vous avez la langue douce, comme lui. Je vous hais!

Elle se força à revenir à lui, à soutenir l'Azur et le Carmin, une vague de colère tremblant dans un coin de son esprit.

Eylion: Il n'a jamais...?
Eris: Il n'a jamais été mauvais avec moi, dans ses paroles! Jamais un cri, jamais une insulte, jamais un reproche... mais... mais ses actes...

Sa voix siffla, acérée.

Eris: Ses actes étaient immondes, avec moi, et avec les autres femmes!
Eylion: ... Actes?
Eris: Oh...

Elle reprit une inspiration, son visage se calmant.

Eris: C'est un interrogatoire?

Doucement, doucement...

Eylion: ... Connaître tous les tenants et aboutissants d'une situation, je pense que vous êtes familière avec le terme, dit-il toujours en la fixant.
Eris: Oui, et c'est bien pour ça que je vais me taire, répliqua t'elle en le toisant. J'en ai déjà pas mal dit, vous pouvez vous estimer heureux.

Il esquissa un mince sourire défiant.

Eylion: Hm, vous savez, à ce stade, il n'y a pas grand chose que vous pourriez cacher.

Elle haussa les épaules.

Eris: Alors cela ne vous dérangera pas si je m'arrête là. En attendant... je serais vraiment curieuse de savoir ce qui vous a poussé à manquer de vous sacrifier pour cette femme, dans les grottes, ce fameux jour, lança t'elle dans un sourire carnassier.

Il grimaça à cette énonciation.

Eylion: ... Elle est allée jusqu'à vous raconter ça? fit-il avec une pointe de dégoût dans le ton de sa voix.

Le sourire de la Lionne s'agrandit.

Eris: Pourquoi ne pas me raconter, hm?

Si elle voulait se la jouer ainsi... Il allait devoir utiliser une technique bien connue des escrocs d'Ul'dah.

Eylion: ... Gratuitement? souffla t'il dans un léger rire bas. Si éventuellement, vous me détachiez, je peux promettre de me tenir là où je suis, de ne pas chercher à m'échapper et de vous répondre. Je dois avouer qu'avoir ce genre de conversation, mains attachées, n'est pas ce qu'il y a de plus plaisant.

Celle qui était connue sous le nom de "Porte dans le nez". Effectuer une demande outrageuse...

Eris: Ah.

Elle eut un petit rire, en sortant la langue, amusée.

Eris: C'est très tentant, mais non.
Eylion: Un gain pour un gain, je ne vais pas commencer à déblatérer sur ce pan là pour rien.
Eris: Oh?

Elle croisa les bras.

Eris: J'estime vous avoir dit pas mal de choses, déjà, sur moi. C'était gratuit?
Eylion: ... Je dirai que j'ai également révélé des choses à mon tour... Dans ce cas, si je parle... Me parlerez vous des actes qui vous défrisent? Quitte à ce que je m'humilie, je n'ai pas vraiment envie d'être seul dans ce carcan.

Elle prit le temps de réfléchir un peu puis acquiesça.

Eris: C'est un marché.

... Pour mieux faire passer la véritable demande. Il soupira et dévia son regard dissemblable. Il était temps de payer sa part, même s'il n'avait aucune envie de le faire.

Eylion: ... Je ne sais pas ce qu'elle vous a dit exactement sur mon ancienne Femme mais elle était avec moi aussi... entreprenante que vous, à flanquer ses atours en pensant que ça suffit à séduire. Autant dire que ça ne marche pas avec moi ce genre de connerie. Non pas que je sois insensible aux charmes d'une femme mais m'Unir demande un peu plus qu'un corps et une tête vides. Elle est venue à moi pour un traitement... Et m'a provoqué sur ma Fierté et mon Courage jusqu'à ce que j'accepte d'étudier son cas loin de l'Académie dans laquelle je séjournais.

Nitrischa: Nitrischa Artyom, s’était elle présentée. Vous avez bien reçu mon message, je suppose?
Eylion: …? Celui de Rhian?
Nitrischa: Oui, celui-ci, avait-elle dit, satisfaite.
Eylion: Pourquoi être passée à travers lui plutôt que de me contacter directement?
Nitrischa: Je voulais… votre pleine attention. Voyez-vous, j’ai un petit problème de… corruption. Mais avant que je ne poursuive, êtes-vous seul?

La Crépusculaire tiqua.

Eris: Tsssk. Un corps et une tête vide. Ce n'est pas parce que nous donnons notre corps que la tête est vide.
Eylion: Ça ne change pas plus si le but est juste le Plaisir sans prendre en compte l'Esprit, répliqua t'il en claquant la langue.
Eris: Alors vous n'avez toujours pas compris ma manière de procéder, fit-elle en roulant des yeux.
Eylion: Qui est? demanda t'il, incrédule.
Eris: Continuez, je vous écoute, lâcha t'elle en tiquant encore de la langue. J'y reviendrais.
Eylion: ...

Après l'avoir observé un moment, il reprit.

Eylion: Pour en revenir à ce que je disais... reprit-il sombrement. C'est ainsi que je me suis retrouvé dans un marécage, loin de tout.

Le souvenir eut le don de lui faire rouler des yeux. Il pouvait encore sentir l'odeur nauséabonde des lieux. Revoir les murs étroits, délabrés du cabanon.

...

Ses yeux d'un vert poison.

Eylion: ... Elle a alors cherché à me tester, me vendant des mensonges gros comme le poing et était satisfaite de voir que je cherchais plus loin que le bout de mon nez. De mon côté, je perdais patience car elle ne me révélait rien de ce que je devais étudier. "Corruption" me chantait-elle, sans détails. Et j'ai fini par comprendre qu'elle souffrait d'une forme de corruption quand j'ai commencé à étudier dans ce cabanon à la con... Elle adorait me défriser, jouant parfaitement de son aspect de Sorcière, allant jusqu'à chanter la nuit des comptines lugubres.
Eylion: ... Voir me laisser voir un de ses prétendants l'embrasser proche du cabanon tout en me provoquant le jour. Finalement... Elle a fini par me laisser tranquille.

Il soupira, nauséeux de devoir replonger dans ces souvenirs qu'il avait renié.

Eylion: Mais ce ne devait être que de courte durée... En réalité, elle était allée enquêter sur mon passé.

Nitrischa: Tu vas me dire la Vérité et toute la Vérité, avait-elle vociféré. Et si tu mens, cette caverne contient mon sceau, je n’aurai aucun mal à te tuer!
Eylion: Quelle Vérité?! avait-il hurlé en retour, défrisé.

Eylion: Furieuse, à son retour, elle m'a traîné dans cette grotte, m'intimant de dire la Vérité ou elle me tuerait... Ce jour-là, nous avons failli nous battre à mort. Mais nous avons révélé nos passés communs et... Heureuse d'apprendre que je n'étais pas ce qu'elle croyait, elle m'a entraîné dans la danse la plus stupide et idiote possible, elle complètement boueuse après avoir dû fuir les autorités qui me recherchaient. Et aussi con cela soit-il... J'ai crû voir autre chose sous le Masque de la Sorcière à ce moment là... Une Femme qui s'en foutait des conventions, aux joies simples.

Il grimaça davantage, son mépris envers lui-même montant dans la gorge.

Eylion: L'imbécile que j'étais... Du Temps s'était écoulé et elle ne comprenait pas pourquoi je ne lui sautais pas dessus... Pourquoi je voulais prendre mon Temps...

Nitrischa: Pourquoi n'es-tu pas comme les autres? Pourquoi cherches-tu à me réparer comme si j'étais un mécanisme cassé?
Eylion: Je veux simplement qu’on prenne le Temps de se connaître. Et je cherche surtout à te guérir. À te montrer qu’il existe autre chose que des rêves noirs. Les autres ne t’ont aimé que pour l’Image que tu leur reflétais. Ce n'est pas rendre service, ce n'est pas rendre heureux d'aimer une image. Et tu n'es pas une image.
Nitrischa: Je voudrais pouvoir. Et si loin, j'ai juré de vouloir. Et encore plus loin, j'ai agi. Alors... Est-ce qu'être moins ou plus que, sans égalité, à chacun son tour... est interdit ? Est-ce que cela ne parviendrait à te rendre heureux, toi? Ou j'ai bien entendu, l'inverse? Je voudrais pouvoir dire sans détour, comme j'y parviens parfois. J'aimerai que cette rudesse et ce manque de pitié me délie la langue en toute circonstance. Tu m'entends... Tu écoutes. Mais je ne peux pas.

Je ne peux pas.

Eylion: Pourquoi je n'étais pas comme tous les autres.

Il ferma les yeux.

Eylion: ... Elle a continué de me provoquer mais là, les choses étaient différentes... les sentiments étaient là... Le Désir également, la Passion...

La Crépusculaire lui lança un regard taquin et provocateur, savourant d'avance la suite. Chose qu'il préféra ignorer.

Eylion: Nitrisch’...
Nitrischa: Laisse toi aller…
Eylion: On doit prendre… notre Temps…
Nitrischa: … Vraiment?

Eylion: J'ai... ... Cédé et dans ma stupide Passion, je lui ai donné beaucoup trop de mon Ether, dit-il dans une grimace douloureuse, Douleur qu'il essaya de cacher derrière son dégoût. Et oui, j'ai failli en crever.

Quel genre d'homme faillit crever durant sa première fois?

Eylion: Satisfaite? siffla t'il.

Elle le jaugea un instant, hésitante.

Eris: Pas du tout, non. Enfin, si, peut-être.

Elle esquissa un sourire.

Eris: Vous voyez, ce n'était pas si difficile que ça.

Il roula les yeux avant de la regarder, blasé, en silence comme s'il attendait. Elle lui rendit son regard, longtemps, pour réaliser finalement.

Eris: Qu... Bon, lança t'elle dans un soupir. Un marché est un marché. Mon manipulateur...

Il soutint son regard, écoutant avec attention.

Eris: Je l'ai rencontré vers mes 16 ans, alors que je venais de sortir, pour voir le monde extérieur. Je viens d'une famille traditionnelle de crépusculaires. Et...

Elle soupira, tentant de ne pas laisser transparaître d'émotions, alors que son captif l'enjoignait à continuer silencieusement du regard.

Eris: Je rêvais de découvrir le monde. De coudre des vêtements aux designs extraordinaires, pour le monde entier. Enfin.

Elle balaya la question d'un geste, comme si ce n'était rien.

Eris: C'est là que je l'ai rencontré. Ce Hyur. Sur la Route de la Fourrure. Il était charmant, et m'a écouté attentivement, comme un père. Comme un prince. Comme...

Elle le regarda, blasée, laissant flotter un "comme vous" muet. Ce qui ne manqua pas d'arracher un air aussi perplexe que blasé au Lunaire. "Charmant" et "Prince" n'étaient pas vraiment dans la bouche des gens qu'il rencontrait.

Eris: Et... il m'a promit de réaliser tous mes rêves. De m'emmener en Orient, loin, sur bateau, et de m'y apprendre tout son art.

Magnus: Et qu'est-ce que tu vends, petite marchande?
Eris: Des... Ce sont des totems, avait-elle affirmé en tâchant de reprendre contenance. Des talismans protecteurs dont le savoir-faire se transmet de génération en génération.
Magnus: Tu as bien plus de potentiel qu'une simple marchande itinérante. Que dirais-tu d'une petite balade? avait-il laissé échapper dans un rire bref, moqueur.

Elle eut un instant d'hésitation, mais elle continua.

Eris: Comme vous vous en doutez, cela ne s'est pas passé comme ça. Après la traversée, il m'a enfermée, me répétant sans cesse que je devais d'abord lui rembourser le voyage, et... m'obligeant à participer à son... trafic de femmes. De la prostitution, et tout ce qu'il y avait de plus illégal.

Magnus: Je ne maltraite personne ici, n'est-ce pas? Non, tu es même plutôt bien nourrie. Tu devrais me remercier.
Eris : NON! avait-elle hurlé en l'interrompant. Non, je n'aime pas cet endroit, il est horrible! Laissez-moi partir!

Les yeux mordorés se détournèrent au fil du récit, sentant que la partie inconfortable arrivait.

Eris: Je...

Elle se mua dans un lourd silence, un frisson glacé lui parcourant l'échine.

Eris: J'ai eu énormément de mal à m'en sortir. Je me suis d'abord battue, abimée, afin que plus aucun homme ne veuille de moi. Mais il avait toujours réponse à tout.

Magnus : Tu m'appartiens, avait-il susurré avec froideur. Tu me dois la vie et la traversée de la mer, alors tu n'as plus ton mot à dire. À présent, tu vas me faire le plaisir de ne plus te mutiler et de rester consommable, afin de payer tes dettes. Une fois mon argent rendu, tu pourras partir. C'est aussi simple que ça.

Eylion: ... Il vous a vendu avec le reste, dit-il avec un ton laconique.
Eris: Il me punissait, en envoyant des "clients" toujours plus violents sur moi, dépassant mes limites, toujours plus loin.

Elle le foudroya ensuite du regard.

Eris: Toujours... Et oui, c'était mon premier amour. Mais un amour de gamine. Sa trahison ne me fait plus d'effet, aujourd'hui.
Eylion: ... Le premier Amour de mon ancienne Femme était son ami d'enfance... qui s'est tourné rapidement vers la Magie de l'Occulte. Obsédé par la puissance des Primordiaux, il voulait créer son propre culte. Son propre dieu. Fou de mon ancienne Femme, il voulait en faire une Déesse... quitte à la charcuter. Les rituels occultes les plus interdits demandent de la Souffrance, de creuser à même la Chair, l'âme... Il la condamnait à devenir une coquille vide à terme, un réceptacle pour son Dieu... L'Oubli la guettait entièrement au fil des transformations de son corps.

Il poursuivit, plus laconique encore.

Eylion: De sa Corruption. Il l'a torturé pendant des mois avant qu'elle ne parvienne à s'enfuir... Ou du moins, qu'il n'ait plus le cœur à la poursuivre après les tourments qu'il lui avait infligé. Et j'étais l'outil idéal pour sa Vengeance.
Eris: ... Et il a finalement réussi, je me trompe? Votre ancienne femme. Vous l'avez enfermée.

Il secoua la tête.

Eylion: Non... J'en ai fait quelque chose de bien pire pour la "sauver"... Un choix de notre Folie commune là où j'aurai dû écouter la Raison et la rendre à son Humanité.

Eylion: Es-tu sûre de toi, mon Araignée? Est-ce bien ce que tu cherches?

Par Amour, il avait violé tous les Principes qu'un Mage devrait avoir. Jamais personne n'avait su ou pu prouver ce qu'il avait fait. Mais si ça se savait... ... Si ça se savait, il ne connaissait que trop bien les conséquences.

Eris: Quoi...?

Elle fronça les sourcils, la méfiance reprenant.

Eris: Vous pouviez lui rendre son humanité?

Il la fixa... mais ne lui répondit pas.

Eylion: ... À terme... Une fois sa Vengeance obtenue, je ne lui étais plus d'aucun intérêt et quand son regard s'est porté sur un autre homme, elle m'a vendu aux autorités qui me recherchaient et a grossi le trait en se présentant comme une pauvre victime de l'ignoble tortionnaire que j'étais. Mais elle n'avait pas prévu que j'avais une alliée qui a su mettre à jour ses crimes... Quand le Procès s'est retourné contre elle, elle a eu recours à la violence. C'est là où, oui, je l'ai scellé après un combat sanglant...

L'Occultiste secoua la tête, la fatigue la rattrapant petit à petit.

Eris: Ce n'est pas...

Elle soupira et se tut, en l'observant.

Eylion: Ce n'est pas...?
Eris: Par pitié, arrêtez de répéter tout ce que je dis, dit-elle en souriant. C'est une manie chez vous, hm? Non, je ne sais pas. Je ne sais plus. Vous êtes stupide de vous être offert à elle.
Eylion: Au moins, vous m'avez écouté, fit-il avec un sourire grinçant. On dirait presque que vous fatiguez... Se pourrait-il que vous n'ayez pas dormi...?

Elle lui jeta un regard noir puis lui tira la langue dans un amusement lubrique.

Eris: En effet. J'ai eu deux nuits compliquées, avec deux hommes différents.

Puis son expression se voila et elle reprit.

Eris: Il y a deux jours, mon mari, évidemment, qui revient souvent, en pensant pouvoir m'écraser. Et la nuit dernière... C'était... différent. Un homme que j'ai bien cru ne jamais pouvoir percer à jour, tout comme vous.
Eylion: Parce que vous pensez m'avoir percé à jour? musa t'il avec un sourire provoquant.
Eris: Eh bien, j'aurais pu tirer une belle expression de votre joli minois, au final, décocha t'elle dans un rire.
Eylion: ...?
Eris: Ici aussi, encore. Vous avez une palette impressionnante, mon cher. Mais... je me pose encore une question. Lucrétia... comment vous est-elle tombée dessus?
Eylion: ... Je suis plutôt tombé sur elle, répondit-il, blasé. Fut un temps, des portails s'ouvraient de manière aléatoire en Eorzéa. J'ai fait parti de ceux que ces fichus portails ont piégé dans son Manoir.

Il dodelina ensuite de la tête, sentant la fatigue également monter, d'autant avec la drogue.

Eris: Oh, je vois... Vous avez le don pour vous attirer les ennuis.

Elle nota alors son état de fatigue, et serra les dents.

Eris: Ce n'était clairement pas un somnifère qu'elle vous a administré, n'est ce pas?
Eylion: ... Avec elle, vaut mieux tabler sur le pire et vous seriez presque correct.

Il secoua la tête pour tenter de se maintenir éveillé.

Eris: Tsssk. Je vous déteste, vous et toutes vos histoires. Une dernière question, avant que vous ne sombriez... Pourquoi devrais-je vous libérer, alors que votre dernier duel contre elle s'est soldé d'un arrachage de langue?

Elle faisait référence à un duel qui s'était déroulé au sein de l'Athanor.

Lien du Texte "Duel Lucrétia et Eylion

Eylion: ...! ... Elle vous l'a raconté ou vous l'avez vu?

Elle haussa les sourcils en réponse, ce qui lui fit rouler les yeux.

Eylion: Alors vos yeux n'ont pas clairement vu... Allons... Vous pensez vraiment qu'un bon Mage révèle toutes les cartes à sa disposition d'un coup?
Eris: Oh bien, le coup du "je l'ai fait exprès", quoi encore?

Le Lunaire esquissa un sourire.

Eylion: Exprès, je ne dirai pas ça. Oui, Lucrétia est une Démone Majeure et dangereuse de surcroît. Maintenant, une petite énigme: est-ce que quelqu'un serait assez con pour ne pas prendre ce point en compte?
Eris: Bien entendu, non. Vous aviez prévu un moyen de la tuer, c'est ça? Mais votre promesse vous l'en empêchait.

La promesse à Solid. Ce qu'il l'avait haï mais il l'avait tenu. Par Émotion. Par Raison.

Le sourire se fit équivoque. Pour le duel, ce qu'elle évoquait n'était pas entièrement juste. Il s'agissait d'une simple question de garder ses cartes en main. Il ne pouvait pas laisser sa némésis savoir qu'il avait développé un sort contre elle. Un sort peaufiné sur les années. Mais il sentait que sa conscience lui échappait. Il devait encore tenir... ... lancer un ultime grappin. Ultime pari puisqu'il ne pourrait pas tenir jusqu'au bout.

Eylion: ... Je doute que ma conscience tienne plus longtemps alors... Vous avez quelques choix devant vous... Vous pouvez choisir de me livrer... Avec tous les risques et les conséquences qui s'ensuivent. Vous pouvez choisir de me libérer et nous verrons ce que nous ferons à partir de là. Ou... vous pouvez choisir de jouer la Montre avec Lucrétia et me laisser là.
Eris: Laisser un démon en liberté pour une promesse! Mais que cet homme est stupide! lâcha t'elle en le toisant. Je vous crois. Faisons un marché. Je vous libère, vous ne posez jamais une seule patte sur moi, et je ne poserai plus jamais ne serait-ce que l'ombre de ma griffe sur vous.
Eylion: ... Avec quelle garantie?

Elle planta son regard dans le sien.

Eris: Aucune. Juste la certitude que vous êtes assez stupide pour laisser un démon en liberté pour une promesse, et que je suis assez folle pour défier ce démon pour une autre.

Il esquissa un sourire avant de hocher la tête.

Eylion: ... Pour cette promesse, je l'ai faite à mon ancien compagnon, qui croyait en Lucrétia. Et oui, c'est probablement stupide.

Elle grogna et sortit une petite lame de sa sacoche.

Eris: Si je perds la vie pour la confiance d'un homme, ce serait une belle ironie!

Elle s'en alla le détacher pour le toiser ensuite.

Eris: Vos affaires sont en haut. Arrêtez de promettre la lune, pauvre idiot. Si Lucrétia avait été capable de guérir un jour... alors je l'ai entrainée dans le mauvais côté de l'abîme.

Il se massa les poignets endoloris pour mimer ensuite une révérence ironique, quoique maladroite, alors qu'un vertige de plus en plus grand le prenait.

Eylion: Vous m'avez donné la raison nécessaire pour faire ce qu'il faut. Jouez bien vos cartes et Lucrétia ne vous fera jamais de mal. Quant à votre conseil... C'est le tort de ceux qui croient en un Absolu. La possibilité de faire des conneries juste par Amour... Mais je vous rassure sur ce point...

Son ton se fit alors plus froid, déterminé et implacable.

Eylion: J'ai fait en sorte d'enterrer cette partie de moi.

Elle siffla, agitée, pendant qu'il se dirigeait vers les escaliers, tâchant de se raccrocher à tout ce qu'il pouvait mentalement pour rester éveillé. Si proche de la liberté, il ne devait pas succomber... pas maintenant. À l'étage, ses affaires se trouvaient bel et bien là, étalées par terre à la hâte. Caleçon! Sa main tremblante le saisit, une nausée naissant au fond de sa gorge.

Eris: Vous mentez, je le sens, au fond. Vous êtes d'un romantisme abominable...

Il amorça de l'enfiler, titubant. Son corps, à bout, finit par le lâcher.

Eylion: Ne di...

Bel effort, en arriver jusque là pour... s'effondrer alors qu'il terminait d'enfiler son caleçon. Maigre victoire que son fragment de Conscience célébra avant de succomber aux ténèbres. En le voyant s'effondrer, la Crépusculaire laissa échapper un juron, se baissant pour tenter de le réveiller, en vain. Elle essaya ensuite d'appeler deux linkperles, sans succès. Insultant alors allégrement le Lunaire, elle s'employa à le tirer et le cacher dans un coin du bazar du rez-de-chaussée, entre deux chaises recouvertes d'un drap blanc.

La tâche faite, elle finit par se résoudre à appeler Lucrétia.

Lucrétia: Ouiiiiii ici Lucrétia ♥

Eris pouvait entendre, en arrière-fond, les bruits de ce qui devait être un hospice en pleine activité. Des allers-retours d'infirmiers, des échos de patients. Perturbée, Eris mit un peu de temps à répondre avant de prendre sa voix la plus enjouée, malgré la fatigue qui l'accablait.

Eris: Dame Midiiii! Où... Mais où êtes-vous, en ce moment?
Lucrétia: À l'hospice, chantonna t'elle gaiement malgré le lieu. Nerill s'est faite attaquée par un vilain alors qu'elle revenait chez elle alors je m'en suis chargée. Je suis restée pour répondre aux questions des gentils docteurs.
Eris: D'accord... D'ailleurs, concernant votre Lunaire, je n'ai pas réussi à le retrouver. Il doit s'être endormi quelque part, mais impossible de pouvoir mettre la main dessus.
Lucrétia: Awww... Il faut dire qu'on n'avait pas prévu de se faire appeler... S'il se réveille...

Elle soupira.

Lucrétia: Bon, partie remise alors ♪
Eris: Il devrait se réveiller bientôt, alors? Pour que je sache combien de temps je dois encore chercher ~

Il y eut un instant de silence, comme si la Démone prenait le temps de réfléchir.

Lucrétia: J'ai mis une sacrée dose, minauda t'elle, pensive. Si tu pouvais le trouver, ce serait parfait mais je ne sais pas sinon comment de temps ça dure exactement... La prescription mettait trois heures...

Un sacré miracle qu'il se soit réveillé une heure après et qu'il ait tenu toute la discussion avec Eris. Laquelle eut quelques secondes de réflexion, pour laisser échapper ensuite un rire amusé, presque trop forcé, avec une pointe d'amertume.

Eris: Mais qu'est-ce que tu lui as donné? Il a dû s'effondrer!
Lucrétia: Ooh, j'ai tout un tas de choses comme ça, fit-elle, ravie. Une femme n'est...

Elle souffla alors d'une voix teintée d'un sombre amusement. Il était passé du ton ingénu à un ton bien plus mature.

Lucrétia: ... jamais assez préparée.

Eris sentit un frisson glacé lui parcourir l'échine, alors que ce même crédo régissait sa vie, il y avait encore quelques minutes.

Eris: Tu as raison, trésor... Une femme n'est jamais assez préparée... Bon, je vous laisse, je vais encore chercher un peu. Je vous recontacterai plus tard, Dame Midi ~
Lucrétia: D'accoooord ♥ A bientôt, Dame Minuit!

La Crépusculaire raccrocha, son sourire aux lèvres ne se décrochant pas. Elle commença à rire nerveusement, amère, épuisée. Elle se laissa enfin tomber contre le mur, sur le sol. Une fois calmée, elle reporta la main à son oreille pour tenter de repasser un appel. Cette fois, la personne décrocha. Un échange de mots, Eris irritée, dépitée, puis un peu calmée. Elle raccrocha, et souffla, décidant d'attendre, simplement, le réveil du Mage. Voyant qu'il mettait du temps, elle se décida à sortir, non sans fermer à clé la maison derrière elle.

Au petit matin, le Lunaire finit par se réveiller, ses yeux dissemblables clignant légèrement avant de s'ouvrir finalement. Dans un grognement, il se releva.

Eylion: Putain...

Il regarda, pâteux, les alentours. Bon, constat, il était toujours en vie. Bon point. Deuxième constat, il avait son caleçon. Excellent point. Troisième, il n'était pas au sein du Manoir.

Eylion: ... Je me fais trop vieux pour ces conneries, dit-il, soupirant comme s'il laissait son âme faire une pause hors de son corps.

... Mais il était trop tôt pour se relâcher. Il tâcha d'ignorer l'engourdissement dans ses membres et de regarder les alentours. Une lumière neutre et duveteuse l'entourait, alors qu'il se rendait progressivement compte qu'il était sous une sorte de "tente" formée par un immense drap blanc. Ses affaires étaient avec lui, sur lui, éparpillées, et lui était horriblement installé, comme "déposé" sur divers objets, plus ou moins durs.

Ce constat lui fit comprendre pourquoi son dos hurlait grâce. De plus, sa joue piquait encore des griffures infligées la veille. Il porta une main à celles-ci en grimaçant.

Bon. Concentration. Où est la Sorcière?

Il s'apprêtait à sortir de sa cachette-abri de fortune quand il entendit un cliquetis de serrure non loin. Le bruit d'une porte qui s'ouvre et se referme. Des talons claquant sur un sol dur. Puis une main cendrée souleva le drap de la "tente" improvisée, révélant sa ravisseuse, les sourcils froncés.

Eris: Ah, tu es réveillé, finalement.

Il esquissa un sourire à demi-sarcastique en retour.

Eylion: Je sais bien qu'on est dans la période mais mon déguisement n'incluait pas celui de Belle au Bois Dormant.
Eris: À qui le dites-vous!

Elle lui agita une fiole qu'elle tenait en main, frustrée et épuisée.

Eris: J'étais sur le point de vous donner le baiser du prince charmant.
Eylion: Oh, c'est trop d'honneur, fit-il avec le même ton ironique.

Il tâcha alors de s'extirper d'où il était et de se rhabiller.

Eylion: Et vous avez même attendu que je me réveille? lança t'il durant sa manœuvre, toujours avec ce sourire insupportable en coin.
Eris: Bien sûr que non.

Elle l'observa se rhabiller en croisant les bras.

Eris: J'étais allée chercher cette potion pour vous donner un coup de fouet, afin que vous puissiez partir sur le champ.

Elle marqua un temps de pause.

Eris: Et j'ai contacté Lucrétia. Elle pense que je ne vous ai jamais trouvé.

Il eut un léger rire bas.

Eylion: C'est le mieux, en effet. Pressée de me voir dégager sinon, on dirait, dit-il tout en réajustant les pièces métalliques de son déguisement de la veille, dans des cliquetis caractéristiques.
Eris: Oh, mais vous pouvez rester, lui répondit-elle avec un rictus carnassier et ironique. Votre corps se souvient peut-être du bon temps que nous avons passé ensemble, pendant votre Inconscience.
Eylion: Je doute que Lucrétia m'ait donné ce genre de drogue... Mais je dois avouer que je serai mitigé entre éclater de rire ou être consterné à l'image potentielle de vous en train de vous frotter à l'une de mes jambes, répliqua t'il avec un sourire trop angélique pour être vrai.

Eris grogna, déçue.

Eris: Oh, je n'aurais même pas pu vous arracher une dernière expression horrifiée.

Elle lui fit un vague geste de la main, comme pour le chasser.

Eris: Allez, partez. Vous m'épuisez. Vous êtes l'homme le plus insupportable qu'il m'ait été donné de voir.
Eylion: C'est le plus beau compliment que vous puissiez me faire, musa t'il en s'approchant d'elle tout en terminant de poser sa couronne-corne sur sa tête.
Eris: Mais de rien, siffla t'elle en le foudroyant des yeux.

Puis il revint à un semblant de sérieux.

Eylion: Avant que je ne parte... J'étais trop drogué à ce stade pour pouvoir parler mais vous aviez parlé, il me semble... d'entraîner Lucrétia du mauvais côté?

Un sourire pointa légèrement sur le bout des lèvres peintes à la mention.

Eris: ... Je l'ai encouragée à retourner avec vous au Manoir, tout simplement. De ce que j'ai compris, vous tentiez de l'intégrer parmi les mortels.
Eylion: ... C'était l'objectif, en effet. Et je suppose que vous avez fait ça parce que vous estimiez que j'étais "dangereux", hm?
Eris: Je veux vous briser, rectifia t'elle. "Voulais" vous briser. Encore plus que vous ne l'étiez. Et oui, c'était aussi une bonne solution pour ne plus croiser votre insupportable sourire.
Eylion: ... Personne ne peut me briser plus qu'"elle" ne l'a déjà fait. Que ça vous serve de leçon.

Il s'avança jusqu'à arriver à ses côtés, à sa hauteur.

Eylion: Ce ne serait pas la première fois que je payerai pour le premier Amour de quelqu'un d'autre, fit-il avec une froide amertume. J'espère que cette petite "sauterie" vous a plu et qu'elle vous épargne d'infliger ça à quelqu'un d'autre. Je ferai avec vous ce que je ferai avec n'importe qui d'autre: un avertissement. Détournez vous de ce genre de connerie à l'avenir car si j'apprends, un jour, que vous avez brisé quelqu'un, où que vous soyez...

Il lui souffla à l'oreille avec une froide hargne.

Eylion: ... Je vous trouverai.

Elle le dévisagea avec froideur, sifflante.

Eris: Je comprend à présent pourquoi vous vous attirez toujours autant d'ennuis. Ne tentez pas de jouer aux héros, avec moi. Si je vous ai libéré, c'est pour ne plus jamais vous revoir.
Eylion: Un héros, moi?

Il eut un rire froid.

Eylion: Non, les héros sont valeureux et droits. Moi, je n'hésiterai pas à user de tous les moyens à ma disposition pour pourrir ceux qui me font chier. J'escompte bien aussi ne plus jamais vous revoir alors soyez sage, hm? ♪

Il poursuivit son chemin en levant la main pour appuyer son propos. Elle eut un rire jaune.

Eris: Aussi sage que je puisse l'être ~ Adieu.

Il s'arrêta à l'entrée. Dire s'il n'avait pas été touché par son histoire serait un mensonge. Allait-il partir sans même creuser, ou l'aider?

Ugh.

D'ordinaire, il serait resté. Il lui aurait proposé son écoute, des moyens vis à vis des fantômes qui la hantaient.

Non.

Un terrible instinct l'étreignait.

Mais j'ai un cœur, pour les jeunes filles candides.
Et le seul homme que je n'ai pas cherché à connaitre m'a plongé au cœur d'un abîme noir et sans fond.
Non, je ne sais pas. Je ne sais plus. Vous êtes stupide de vous être offert à elle.
Vous mentez, je le sens, au fond. Vous êtes d'un romantisme abominable...

Les indices laissés à la volée, les regards, les expressions.

Non.

Derrière la Lionne, il avait vu la Jeune Fille lacérée, celle qui rêvait alors de découvrir le monde. Qui avait soif d'épanouissement, de liberté. De romantisme.

NoN.

Il ne recommencerait pas les mêmes erreurs. Jamais. Plus jamais. S'il restait auprès d'elle, il le sentait... Non plus, jamais.

Eylion: Une petite note. Pour votre mari. Vous devriez en parler à quelqu'un. De confiance. Si vous n'avez personne, je vous conseillerai Velren... Enfin, moi-même je la fuis mais si éventuellement, vous n'avez pas peur de vous faire retourner la tête...

Il n'attendit pas la réponse et sortit d'un pas hâtif de la demeure. La gorge nouée de l'humiliation de la fuite. C'était pour le mieux. Il devait se préserver. Elle pourrait avoir de l'aide d'autrui. C'était pour le mieux. Mais elle le suivit en sortant à sa suite, refermant la porte derrière eux, les dents serrées.

Eris: Velren? Une personne de confiance, alors que je ne la connais même pas? Laissez-moi rire. Pourquoi me retournerait-elle la tête?

Il leva les yeux au ciel pendant qu'elle déviait légèrement sa route, faisant mine de ne pas suivre celle du Lunaire.

Eylion: Justement, vous ne la connaissez pas. Oh, de confiance, je sais qu'elle l'est. Elle a juste cette sale manie de retourner la tête de ses interlocuteurs. Et je disais ça juste... Oh...

Il grimaça un sourire en coin.

Eylion: Dois-je comprendre, par là, que vous n'avez personne de confiance?

Elle écarquilla les yeux, une sale angoisse lui prenant le fond des entrailles.

Eris: Si... J'ai Eizen. Mais... c'est Eizen. Et... peut-être une autre personne.

Elle lui jeta un regard noir.

Eris: Je n'accorde plus jamais ma confiance, concernant ces choses-là.
Eylion: C'est exactement ce que je disais...

Il soupira, levant une main en l'air.

Eylion: Vous en faites ce que vous en voulez. Allez la voir ou n'allez pas la voir, c'est votre Choix.

Elle haussa les épaules et s'éloigna de son côté, ne lui adressant plus un seul regard. Il savait, d'avance, que jamais elle ne contacterait Velren au vu de son caractère. Mais c'était pour le mieux. Il ne pouvait pas aider tout le monde. Tout en marchant, il se prit le cœur. C'était pour le mieux. Il ne recommencerait pas les erreurs du passé.

En attendant, il était en vie. Il s'en était sorti à la seule force de son Verbe et il avait maintenant enfin l'excuse qu'il attendait pour mettre hors d'état de nuire sa némésis de toujours. Une fois éloigné, il grimpa d'un bond leste sur une des barrières jouxtant un pont surplombant la Coupe, s'improvisant équilibriste. Sa voix claire résonna dans la matinée pâle alors qu'il esquissait quelques pas de danse, à la fois pour célébrer les faits mais aussi se changer les idées. Une vieille chanson qu'il avait appris dans les Bas-Fonds.
Qui avait dit, déjà, Joyeuse Veillée des Saints?

Avatar de l’utilisateur
Ennrael
Messages : 228
Inscription : 09 mars 2018, 13:21

Chapitre 72: Nocturne

Message par Ennrael » 20 déc. 2021, 02:58

Image
L'horizon morne de Dravania s'étendait à perte de vue, pourvu de cette luminosité particulière avant un orage, le ciel alourdi de nuages sombres. Il était arrivé à l'avance, pour pouvoir rassembler ses esprits, repasser en revue son plan. C'était le lieu idéal. Il était isolé, symbolique et surtout... Il n'aurait aucun scrupule à y faire des dégâts.

Lucrétia ne saurait résister à une telle invitation. Il se trouvait en haut d'une petite tour, surplombée d'une large esplanade circulaire, formée de dalles grises. Des piliers de pierre soutenaient un dôme encore intact malgré les siècles. On pouvait y accéder à l'aide d'un escalier extérieur qui s'enroulait autour du monument. C'était là qu'il avait fait sa proposition de mariage à Nitrischa, il y avait de ça, maintenant quoi...? Trois ans? Comme le temps passe vite... Il avait appliqué son baume sur les blessures. Si les cicatrices étaient présentes, la douleur n'était plus. Le constat le soulageait quelque part, il n'aurait pas tenu à passer sa vie hanté par le souvenir d'une telle femme. Il avait fait les efforts pour ce faire et ils avaient payé.

Qu'en était-il d'Eris?

Ce que cet homme lui avait fait était bien plus abusif. Elle avait dit être hantée par ce dernier. Au vu des rumeurs, il était plus que probable que Magnus Charybde n'était pas mort à cause d'un simple incendie. Comment se sentait-elle, le soir, quand il n'y avait pas un amant pour la distraire de ses pensées? ... Répéter sans cesse la seule chose qu'il lui avait apprise alors même qu'elle était censée être libre? ... Libre peut-être de corps mais pas d'âm...

À quoi pensait-il? Il secoua la tête. Son cas ne le concernait plus.

Lucrétia: Mon Lunaire?

Il regarda par-dessus son épaule, frustré vis à vis de lui-même. Il n'avait pas le droit à l'erreur, ce n'était pas le moment de se laisser distraire.

Eylion: Je suis là.
Lucrétia: Je ne pensais pas que tu la tiendrais, musa t'elle, ravie.
Eylion: Je tiens mes promesses quand je le peux, répliqua t'il dans une légère grimace.

La Démone esquissa un sourire à ces mots. Elle fit quelques pas dans le cercle de pierre.

Lucrétia: Quand tu le peux, souligna t'elle avec un sourire empreint de Vice.

Les traits d’Eylion s'assombrirent.

Eylion: J'ai appris qu'il est facile de se laisser entraîner dans des promesses qu'on ne peut pas tenir dès le départ. Le danger des généralités, c'est que chaque situation est unique et qu'on ne peut pas tout putainement prévoir. À mon sens, le mieux est de faire son possible pour tenir ses promesses mais de ne pas se buter pour ça non plus.
Lucrétia: On dirait presque que tu penses à une situation spécifique en disant ça ♥

Il grimaça. Il ignorait ce qu'il préférait entre la Démone lunatique et la vicieuse. Depuis qu'elle avait retrouvé une part d'humanité, il avait l'impression qu'elle n'en était devenue que plus dangereuse.

Lucrétia: Aww, ne fais pas cette tête voyons, je suis celle qui te connaît le plus après tout ♥
Eylion: Si seulement ton Obsession pouvait avoir pour cible un homme qui t'aime en retour, grinça t'il entre ses canines.
Lucrétia: Si seulement ta Raison écoutait le Destin. Toutes ces années de Solitude, mon Lunaire, si vaines. Tu cherches ton Absolue alors qu'elle est là, à portée de bras. Dis moi, parmi tes prétendantes, laquelle est encore là? Tu n'es qu'une Fantaisie pour elles, une sucrerie savoureuse qu'on recrache sitôt consommée.
Eylion: Ma Solitude ne te regarde pas, siffla t’il, véhément.
Lucrétia: Elle me regarde plus que quiconque, répliqua t’elle avec un sourire Dément.
Eylion: … Es-tu là pour danser ou parler?

Il se contenta de lever une main.

Approche.

Le regard dissemblable passa de celle-ci au concerné. Puis un sourire amusé revint sur les lèvres rosées tandis qu’une main pensive venait les orner.

Lucrétia: Je me demande bien à quel genre de Danse tu penses, mon Écorché.
Eylion: …
Lucrétia: Tu pensais que je ne noterai pas?

Jusqu’où sa Conscience allait? Des fois, elle semblait noter des choses. Des fois, son côté lunatique ne voyait que ce qu’il voulait bien voir. Mais le Mage commençait à soupçonner certains points chez elle.

Eylion: Noter quoi? Feignit-il de dire pour la tester.

Elle eut un rire aussi bas que sucré. Elle écarta les bras.

Lucrétia: Mais cette piste voyons! Je me demande ce qui la justifie. Je n’ai rien fait de mal à ce que je sache.

Un air sombre revint sur le visage du Lunaire.

Eylion: Tu parlais de promesse plus tôt… Tu as rompu la tienne. Je sais que tu as essayé de me faire enlever.

Loin de réfuter, elle porta ses doigts graciles à sa joue, faussement concernée.

Lucrétia: Oups? C’est vrai que je n’arrivais plus à t’attendre… Il me fallait retrouver notre maison, mon Écorché. T’éloigner de cet Extérieur toxique.
Eylion: Tu sais quelle est la conséquence.

Affronter un Démon Majeur seul était du suicide. Il le savait. Pourtant, il n’avait pas le choix. Son Âme était liée à Lucrétia. Autant il mourrait d’envie de la tuer, autant il n’avait pas envie d’y risquer sa vie. À cette époque, il était extrêmement isolé. Bien qu’il connaissait pas mal de personnes, il ne faisait réellement confiance à aucune d’entre elles.

Faire appel à des chasseurs de Démons? Pourquoi pas juste leur tendre un couteau pour l’égorger? Il était un corrompu et il avait bien trop souvent entendu le sort que les Chasseurs réservaient à ces derniers.

Faire appel à des mercenaires? Allez leur expliquer qu’il fallait juste neutraliser et ne pas tuer un Démon. Comment attirer des questions et une attention dont il n’avait pas besoin.

Affronter un Démon Majeur seul était du suicide… Sauf que le Mage avait une chance face à celui-ci. Lucrétia était son Némésis. Ça faisait des années qu’il avait affaire à elle. Plus d’une quinzaine d’années qu’il l’étudiait et qu’il cherchait ses points faibles. Qu’il préparait sa Vengeance. S’il n’avait pas trouvé un moyen de libérer sa propre Âme, au moins avait-il le moyen de sceller la responsable de son état.

Il avait payé une certaine somme à la Cale des Richesses pour acquérir un cristal assez pur, assez solide à cette fin. Les mercenaires de la Cale étaient allés affronter un antique nécromancien pour récupérer sa relique, une lanterne qui contenait le cristal approprié. Eylion l'avait extrait de son réceptacle et l’avait préparé en conséquence.

Puis il s’était rendu à l’avance sur le lieu du rendez-vous. Sa craie avait tracé les pentacles nécessaires au Rituel. Malgré le camouflage qu’il avait posé sur ces derniers, la Démone n’avait eu aucun mal à les percevoir.

Démone qui ne semblait pas du tout inquiétée par la situation.

Lucrétia: C’est donc ce genre de Danse que tu désires…

Les ronces se déployèrent derrière elle, telles des ailes difformes.

Lucrétia: Es-tu sûr de la vouloir…? Musa t’elle. Je n’aimerai pas te blesser… Si tu me suis simplement, nous pourrions rentrer à la maison.

En guise de réponse, le pied du Mage tapa sur le sol, l’incantation franchissant ses lèvres. L’Éther dormant répondit à son appel, dissipant le camouflage qui masquait les lignes au sol, les imprégnant de sa luminosité bleutée. L’air vibra sous la manipulation, l’Azur de son regard prenant le même éclat surnaturel. Une barrière invisible se dressa, transformant le belvédère en Arène improvisée.
Pour la sceller, il allait devoir l’affaiblir assez.

Eylion: C’est la seule Danse que je saurai te concéder, dit-il avec un sourire aussi grimaçant que carnassier.

La Démone émit un soupir d’Extase. Les ronces la soulevèrent au-dessus du sol. Durant ce mouvement, l’Arcaniste rassembla ses flammes. Il leva les mains, le feu Allié apparaissant depuis le sol pour venir virevolter autour de ses bras. Elles grandirent jusqu’à former une masse imposante de destruction pure.

Il fit partir le torrent grondant de ses bras pour le faire flotter devant lui avant de le précipiter sur son adversaire. Les flammes s’écrasèrent de plein fouet sur leur cible, arrachant un premier cri de douleur et de surprise.

Une ronce sortit de la masse rougeoyante, dans une tentative de l’épingler mais il put l’esquiver sans mal. Sans attendre, il enchaîna, sa voix tonnant dans l’air chargée de magie. Sa carte maîtresse. Celle qu’il avait gardé dans sa manche.

Des chaînes d’un blanc éthéré, translucides, sortirent des points clés du Pentacle pour venir entraver la Démone, lui arrachant un cri inhumain de frustration. Les chaînes avaient été calibrées pour l’Éther de Lucrétia spécifiquement. Elles servaient non seulement d’entrave physique et spirituelle mais aussi d’ancre temporelle. Le Temps étant l’arme de sa Némésis, il avait fait en sorte de lui couper cette possibilité.

Parfait.

Le contact délétère engendrait de la fumée signalant que les chaînes brûlaient littéralement la Démone dont le regard révélait maintenant sa nature, le fond de sa sclère ayant viré d’un noir profond.

Plusieurs ronces cherchèrent à s’enrouler autour des entraves et les briser, en vain. Deux autres tentèrent de s’attaquer au Mage mais celui-ci effectua une roulade pour les esquiver, sourire aux lèvres.

Sa voix claqua à nouveau pour renforcer les effets des chaînes alors qu’il bondissait sur l’une d’elles. D’un toucher, il transmit l’énergie nécessaire pour une décharge qui remonta à toute vitesse, un nouveau hurlement monstrueux déchirant les airs.

Lucrétia: Tu CroIs vraiMent…

Les doigts pâles avaient laissé la place à des griffes d’un vert-brun sombre. La moitié du visage était en train de flétrir pour laisser entrevoir son vrai visage tandis que les ronces s’agrandissaient en taille et en nombre. Elles envahissaient les chaînes, les étranglant.

La scène eut le don de faire écarquiller les yeux au Mage horrifié.

Elle ne peut pas...

Les ronces répliquèrent par leur propre décharge d’énergie sombre. Les chaînes explosèrent en une myriade de particules alors que la silhouette de la Démone s’était extirpée des contraintes de son apparence humaine, déchirée par l’effort.

Lucrétia: PoUvOiR mE ReTeNir AvEc Ça…?!

La robe avait été réduite à néant. Il ne restait plus que le Monstre dans toute son atroce splendeur. Du haut de son trône de ronces, sa silhouette se dressait alors qu’un éclair fendait les cieux derrière elle, sublimant l’Horreur qu’elle représentait. Le premier coup de tonnerre qui annonçait l’orage.

La Terreur qu’il avait contenu jusqu’ici éclata face à la vision. La Terreur d’un adolescent de seize ans courant pour sa vie. Non, il devait se reprendre. S’il se laissait aller, c’en était fini de lui. Le Rituel, il devait le reprendre. Il essaya de reprendre les incantations mais l’instant d’après, des griffes enserrèrent sa gorge et le soulevèrent au-dessus du sol.

Il n’avait vu aucun mouvement. Elle avait usé de sa capacité sur le Temps pour réduire instantanément la distance entre eux. Il essaya de se débattre et d’incanter mais la poigne de la Démone était bien trop forte. Il agrippa le bras de ronces, dans un effort futile de s’en dégager.

Lucrétia: Tu CroYais VraiMent PoUvOir aVoir le DeSsuS, moN ÉcoRcHé? TaNt dE ComBaTtIviTé… C’EsT cE qUe j’AiMe le PlUs chEz Toi. ToUte CeTte ViE… PuLsaNt, HurLant ConTre LeS ÉléMeNts AlOrS quE c’EsT VaIn… Tu Ne PeUx LuTteR coNtrE le DeStIn.
Eylion: Tant que… urgh… j’aurai… effectivement un souffle de vie…

Il relâcha le bras qui l’agrippait pour pouvoir attraper le bracelet à son poignet. Une de ses plus vieilles précautions. Il surchargea les Runes d’une impulsion d’Éther adéquate. Puis il le lança sur Lucrétia. Une explosion de Vent se fit, expulsant le Mage contre un pilier et la Démone à terre. En retombant, les pieds du Lunaire eurent la chance de se rattraper in extremis. Il s’appuya sur le pilier, étouffant encore de la poigne qui l’étranglait, une main sur les marques à vif.

Eylion: … Je lutt… erai…!

Relâchant sa gorge, il abattit ses doigts sur le Pentacle, y injectant son propre Éther pour le ranimer. Malgré l’état de sa voix, il hurla les incantations. La seule force de son obstination et de son désespoir le maintenait et occultait la douleur et son état. Les lignes reprirent vie, les chaînes réapparaissant. Il hurlait, et hurlait, et hurlait ses Ordres, jetant toutes ses forces dans le Rituel.

Les Chaînes emprisonnèrent la Démone encore au sol pour la soulever dans les airs. D’autres apparurent, se multipliant pour renforcer les liens. Il ignorait si Lucrétia était assez affaiblie. À ce stade, ça n’avait plus aucune importance. Soit il y était parvenu, soit il échouerait et ce serait fini pour lui. Son autre main vint chercher dans une poche le cristal qu’il extirpa de son sac dimensionnel. Il le jeta au centre du cercle, le Sort le reprenant aussitôt pour le faire léviter avant même qu’il ne touche le sol.

À cette vue, l’étonnement de la Démone laissa place à un rire.

Lucrétia: MêMe si Tu ParVieNs à M’EnFerMer IcI, je soRtiRai bieNtôt… TeS pRoPres PrOchEs m’Ont Fait SorTir… Ils Me SorTirOnt à NouVeaU.

Il grimaça. Il savait qu’Eku et Eris tenaient à elle ainsi que d’autres personnes. Le sourire dément de l’Horreur s’agrandit.

Lucrétia: Je N’ai PluS qu’à AtteNdrE… ATteNdrE qu’On te BrisE le CœuR à NouvEaU… AlOrs je Serai Là à t’AtteNdre, mon ÉcOrché… Qui SaiT… C’eSt peUt-êTre Toi quI me FerA SorTir… CeTte FoiS...

Il hurla le dernier mot de l’incantation. Une chaîne intangible munie d’une pointe jaillit du cristal pour transpercer la Démone de part en part, la transformant en lumière pour l’attirer ensuite en son sein. Le Pentacle s’éteignit et la pluie tomba dans les alentours, comme si elle avait senti la Nature soulagée de ces tensions surnaturelles.

Pantelant, le Mage s’effondra sur le côté. Il ferma l’Azur, les paroles de Lucrétia semblant encore hanter l’endroit de ses prophéties.

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invités