[Background] Le Guerrier brisé

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Jaghatai Dotharl
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Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:51

Othard, un continent empreint de traditions et de disparités.

L'ouest du continent, bordant les pics et la province de Doma, n'est fait que de steppes à perte de vue. Des steppes ou le climat tempéré et sec, se caractérise par des hivers mordants et des étés ardents.

Constellées de tribus nomades, les steppes d'Othard sont le théâtre d'échanges et de luttes entre les différentes tribus Xaela, chacun d'entre elles ayant son mode de vie propre et leurs traditions. Parmi ces tribus, l'une d'entre-elles se distingue pour sa violence et son goût du sang : Les Dotharls.

Entraînés depuis leur plus jeune age au maniement des armes et à la violence sans états d’âme, les Dotharl attaquent sauvagement les autres tribus pour s'approprier leurs terres et leurs biens. On ne compte plus le nombre de tribus qui ont disparu suite à leurs attaques. Pourtant loin de dominer les steppes, l’entraînement téméraire de ces Xaela leur insuffle une combativité allant jusqu'à ignorer la peur de la mort, une qualité qui trouve son défaut dans leur mortalité très élevée : Accueillir la mort sans une crainte, est souvent synonyme d'une absence d'instinct de survie.
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Re: [Background] Le Guerrier brisé

Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:52

"Tu es trop faible, Jaghatai."

Ces mots résonnaient encore dans sa tête, alors que les sabots du cheval s’enfonçaient profondément dans la neige. Portant une tenue de peaux, sa hache pendue dans le dos, il chevauchait froidement face au blizzard, le visage à peine protégé par une fourrure.

Ce n'était pas son genre de réagir à des provocations de ce type, mais cette fois c'était différent : Sa relation avec Khorijin impliquait qu'il ne pouvait pas se permettre d'être un poids mort, il était d'une nature calme pour un Dotharl mais elle trahissait son maniement de la hache, et la force et la violence étaient les seules armes dont ils disposaient.

Les Dotharls ne sont pas de ceux qui croient aux légendes et aux rumeurs, aux contes d'enfants ou aux chimères, pourtant il avait ce sentiment de certitude que l'on éprouve parfois face à l'inconnu. Depuis aussi longtemps qu'il se souvienne, Jaghatai avait entendu parler du pic brumeux, un des pics les plus élevés bordant les steppes, ou là neige ne fondait jamais et ou le regard ne portait jamais. L'endroit était considéré maudit, malfaisant, et toute autres qualificatifs suggérant que personne n'en était jamais revenu. Pour une raison qu'il ne pourrait expliquer, c'était la seule solution qui lui avait parue avoir une chance de résoudre son irritable problème.

Il chevauchait depuis une demi journée, engourdi par le froid, son regard cherchait un endroit propice à un campement de fortune. Il avait de quoi faire un peu de feu, mais il valait peut-être mieux le garder pour un autre jour, il supporterai le froid ce soir durant son repos. Encore quelques heures et le soleil serait trop bas pour qu'il y voit encore et il serait obligé de stopper sa progression.

Il profitait de ces longues heures pour se remémorer les raisons de cette décision. Une fois encore ils s'étaient affrontés, et comme depuis plusieurs mois malgré sa carrure plus importante, il peinait à tenir le rythme. La tête de lance le menaçait régulièrement comme le dard d'un insecte trop rapide pour être arrêté, sa hache lente et lourde peinant à l’empêcher de l'atteindre. Il en venait à se demander s'il régressait mais la réalité était plus subtile : Alors qu'il stagnait inlassablement, Khorijin elle, progressait régulièrement. Elle ne faisait pourtant que la moitié de sa taille, et pourtant sa vivacité et son agressivité le surpassaient de plus en plus largement.

Descendant de sa monture, il décrocha sa hache, s’assaillent contre un rocher pour se caler à l'abri du vent, l'arme sur les cuisses et la bride en main. Il fallait se reposer un peu et combattre le froid, piochant dans ses provisions, il se laissa à mâchonner de la viande séchée pour s'alimenter un peu. Elle était presque aussi froide que l'air ambiant, aussi il la laissa se réchauffer entre ses dents avant de daigner l'avaler, savourant le goût salé et fumé. Les prochains jours seraient tout aussi rudes, au moins avec ce temps il ne risquait pas de croiser quiconque risquant de le gêner dans ses recherches. Croiser le fer l'aurait sûrement réchauffé et ragaillardi quelques temps, mais les doutes qu'il émettait sur sa technique commençaient à le ronger, et il n'avait pas l'intention de risquer une blessure avant d'avoir atteint la fin de son voyage.

Les yeux clos, il entendait le vent souffler et le cheval fouiller la neige en quête d'un peu d'herbe gelée. Sa monture hennit, un autre hennissement au travers du rideau de neige. Quelqu'un approchait.

Ouvrant les yeux soudainement, il referma ses mains sur le manche de sa hache, se redressant pour défier l'arrivant qui qu'il soit.
D'abord une ombre dans la neige, puis la forme d'un cheval et enfin celle de son cavalier. La voix qu'il connaissait bien lui lança au visage :

"Une chance que mon cheval ait senti le tien, j'avais mieux a faire que perdre mon temps dans cette tempête"

Khadagh Dotharl, un membre de sa tribu qu'il connaissait bien. Rivaux depuis leur enfance, cette dualité enfantine qui les habitait s'était mue avec les années en féroce compétition, flirtant avec le conflit ouvert a mesure que le temps passait. D'abord compagnon de jeu, puis défi, et depuis plusieurs années, adversaire. Le Xaela était taillé d'une stature proche de celle de Jaghatai, mais son maniement de la hache s'était endurci au cours des derniers étés, alors que le sien stagnait.

Jaghatai se mit en position de combat.
Descendant de sa monture, l'autre guerrier dégaina sa hache.

"Ta femelle ne te protégera pas cette fois, Jaghatai, il est temps que je goûte ton sang."

Sans plus de mots, il passait à l'offensive. La hache de Jaghatai bloquant l'assaut avec lenteur mais force, il le repoussa d'un coup de genou bien placé pour le tenir à distance. Rien n'était perdu, et l'arrogance de Khadagh aurait raison de lui.

Alors que Jaghatai avait toujours été froid comme le blizzard de la maigre saison, Khadagh était un brasier sans cesse en émulsion. Vaniteux et agressif, il avait déjà fait plié de nombreux autres Dotharls, amassé des butins lors des pillages et tout portait à croire qu'il serait le prochain chef de leur tribu, mais un n'avait jamais courbé l'échine et cette pique avait longtemps rongé la fierté du prétendant chef de tribu. Leur dernier affrontement avait été sauvage, mais une fois défait par Khadagh, c'était Khorijin qui avait empêché sa mise-à-mort et courroucé l'autre guerrier.

Il était certainement venu réclamer son dû, loin des campements et de tout témoin, mais surtout loin de la lance de la Xaela.

Le coup de genou ne le neutralisa qu'un court instant, déjà il levait sa hache à la verticale, esquivée par Jaghatai qui lui fracassa le nez de son coude. Un râle de rage avant que son rival ne rabatte son manche sur son genou, le faisant ployer et serrer les dents à son tour. A mesure que le combat s'intensifiait, Khadagh semblait redoubler de vitesse et de rage, tandis que Jaghatai se tenait placidement à un rythme uniforme. Il comptait bien profiter de l'imprécision croissante de son adversaire pour lui faire mordre la poussière et en finir une bonne fois pour toutes, tout était question de saisir le bon moment. Privilégiant la défense, Jaghatai déviait et repoussait les assauts de son ennemi de plus en plus enivré.

Un moment, juste un seul.

La hache levée haute, Jaghatai se préparait à bloquer le manche de son adversaire avec le sien, il pourrait ensuite le repousser en arrière et le faire basculer, puis lui fendre le crane ou le corps d'un coup bien placé.

La hache frappa avec une telle force que son manche se brisa. Continuant sa trajectoire à peine ralentie, la tête de l'arme de Khadagh s’enfonça dans son épaule et la fendit comme une vulgaire bûche jusqu'au sternum.

Une douleur intense, tout semblait devenir flou alors qu'il lâchait les débris de son arme, ébranlé. Jaghatai mit pied à terre, regardant son sang chaud dégouliner et maculer la neige, le sentant remplir son poumon et l'étouffer. Son regard hagard, découvrant l'intensité de cette souffrance, fixait son adversaire. Khadagh relevait son arme, la posant sur son épaule.

"Tu es faible Jaghatai, et les faibles n'ont pas droit à une mort rapide."

Son adversaire s'éloigna de lui, dans cette vue trouble qu'était celle du guerrier mortellement blessé, remontant sur son cheval et emmenant celui du Xaela qu'il venait de vaincre.

"Je te laisse ton arme, aussi piteuse soit-elle. Quand à ton cheval, tu n'en aura plus besoin."

Basculant en avant, Jaghatai heurta la couche de neige encore ratissée par l'affrontement, le visage dans la neige, un voile noir couvrant sa vue.

Un sommeil sans rêve.

Il reprit conscience le visage dans le neige, et le corps à moitié recouvert par les chutes importantes, son corps n'était que souffrance : Alors c'était ça la mort ?
Sa blessure était gelée, il ne sentait ni son bras, ni ses extrémités, et respirait dans un bruit rauque. Le guerrier brisé tentait de se relever, son corps lui hurlant de rester au sol, durant de longues minutes il peina à se relever.
Hagard et frigorifié, le bras pendant mollement le long de son corps, il reprit sa marche. Non seulement il était d'une lenteur atroce, mais son esprit ne faisait que divaguer et songer. Les Dotharls sont nés et entraînés pour tuer, mais savent ils réellement ce qu'est la mort ? Ont ils conscience ou connaissance de ce qu'ils infligent aux autres ? Il sentait sa caresse glacée l'envahir, mais il n'était pas anxieux. Il avait été préparé depuis toujours à la donner et la recevoir, il était prêt à mourir. Mais il se battrait jusqu'à ses dernières forces pour danser avec elle, jusqu'à son dernier souffle.

Il marchait depuis ce qui qui semblait être des heures, des jours, des mois... des années. Le corps brisé du guerrier marchait d'une lenteur inexorable dans le blizzard, insensible au froid qui avait gelé depuis longtemps ses mains et pieds, son bras meurtri aussi rigide et froid qu'une congère.

Il marchait, sans plus savoir à quoi penser pour éloigner son esprit de la douleur anesthésiée qui le parcourait.

Il marchait inlassablement, dans une direction qui n'existait pas.

Il marchait lentement, maladroitement, fragilement.

Il marchait, mais désormais sa marche n'était plus qu'un rêve. Car le corps brisé du guerrier gisait depuis longtemps face contre terre, et la vie avait quitté son corps froid.

Il marchait dans un songe, ou sa destinée lui serait révélée, la destinée du guerrier brisé.
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Re: [Background] Le Guerrier brisé

Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:52

Il était debout, sans vêtements et sans arme, et autour de lui aucune lumière. Comme une goutte perdue dans un océan obscur. Il ne sentait ni douleur, ni froid. Il était en paix.

Le son de pas métalliques sur un sol de pierre résonna au lointain. Se rapprochant à un rythme cadencé. Bientôt, une silhouette se faisait visible, celle d'un homme sûrement. Pourtant il se fondait dans l'ambiance obscure, sorti d'un songe noir comme la nuit.

Il s'arrêta à quelques mètres de Jaghatai, une armure de fer noire et ornementée, un heaume sur le visage cachant ce dernier, arborant pourtant un visage gravé et sinistre, des cornes métalliques et ornementations ajoutant à son apparence sinistre. Un humain sans doute, mais pourtant il semblait plus grand que Jaghatai, ou sont-ils donc ?


"As-tu peur de la mort, Xaela ?" Lui demanda l'homme d'une voix désincarnée.

"Je n'ai pas peur de mourir." Fût la réponse qui lui vint naturellement.

"Alors que fais-tu ici ?" Rétorqua son interlocuteur.

"J'ai peur de la faiblesse, de ma faiblesse." Dit le guerrier-brisé.

"Et c'est ta faiblesse qui t'as tué. Je réitère ma question. As tu peur de la mort ?" Renchérit l'homme en armure.

"Alors oui." Répondit Jaghatai.

Un léger rire désincarné fût la réponse qu'il reçut cette fois-ci.

"Je peux t'offrir un retour, je peux t'offrir le pouvoir qu'il te manquait." Ajouta l'homme.

"Rien n'est gratuit, et je n'ai pas confiance en ce genre de marchés. Qui es-tu ? La mort ?" Répondit Jaghatai.

"Je suis le Sixième Maître." Lui dit il en retour.


Cette réponse laissa Jaghatai silencieux, parce qu'elle lui semblait dénuée de sens, et n'apportait aucune réponse.


"Je t'attends depuis longtemps, ce jour était écrit avant ta naissance et la mienne. "Le guerrier
brisé remontera la piste des six maîtres lorsqu'il sent la vie le quitter". Alors je suis venu à toi comme tu es venu à nous." Ajouta énigmatiquement l'homme en armure.

"Je ne crois pas aux prophéties, ni aux fadaises." Rétorqua froidement Jaghatai.

"Mais dis-tu non au pouvoir et à la résurrection ?" Lui fit miroiter l'homme, de son ton glacial.


Autour d'eux, l'obscurité fit place au blizzard des pics. Le corps de Jaghatai gisait au sol, gelé par le froid, témoin de sa faiblesse. Le guerrier-brisé écarquilla ses yeux, contemplant sa propre mort.


"Je... Je ne souhaite pas mourir comme un faible, ni disparaître oublié de tous." Murmura-t-il, la voix serrée.

"Alors donne nous ton âme et ton essence, et comme nous tu sera l'instrument de la vengeance." Répondit le Sixième maître, lui tendant la paume ouverte, tenant en son creux un minuscule éclat d'obsidienne.

Le guerrier brisé contempla un instant encore son corps froid et recouvert de neige, avant de tendre la main et l'approcher du cristal. Il lui sembla entendre des murmures, gagnant en intensité, alors que sa main s'approchait de l'éclat. Ils en devinrent presque assourdissant alors qu'il refermait sa main sur l'objet, et se turent quand son poing serra l'objet en son creux. L'homme armuré échappa un ricanement désincarné tandis que l'ouïe de Jaghatai se remplit d'un hurlement qui n'était autre que le sien, son corps brûlant de la douleur que le froid avait anesthésié, brûlant au contact de l'éclat, brûlant de la douleur d'un homme mourant. Sa vision se distordit sous la sensation d'une pointe perforant la paume de sa main et remontant lentement le long de son bras en lui infligeant une douleur infinie. Impuissant et tétanisé, il ne pouvait qu'endurer le supplice lorsque la douleur s'insinua dans son échine en remontant vers la base de son crâne.


Il lui sembla perdre conscience, mais en réalité il ne fit que la reprendre.
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Re: [Background] Le Guerrier brisé

Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:53

Allongé sur le sol d'une pièce qu'il ne connaissait pas, le guerrier brisé ouvrit ses yeux vers le plafond, la silhouette de l'homme en armure le fixant, penché au dessus de lui, son heaume sinistre lui mimant un visage grotesque.
S'asseyant pour se redresser, il vit qu'il ne portait plus rien, ni vêtements, ni armure, ni blessure; à l'exception de la pierre noire que Khorijin lui avait offert il y a quelques années. Son corps qui était désormais d'une teinte violet pâle, lui semblait en parfaite condition. Passant sa main sur son pendentif, Il interrogea le Sixième maître du regard, mais il n'obtint pas de réponse.
Un regard circulaire à la pièce, elle contenait le minimum pour survivre, voire moins. Des armures de fer étaient alignées sur des supports, des armes - Des épées de grande taille, visiblement maniées à deux mains - dans des râteliers.


"Tu te trouves dans la retraite des Six Maîtres, nous avons peu de temps. Va revêtir une armure et prépare-toi."

"Ou sont les autres Maîtres ?" Répondit Jaghatai d'une voix hésitante.

"Encore un peu de temps, et tu pourras les voir." Fut tout ce qu'il obtint comme réponse.


S'exécutant, Jaghatai se vêtit d'une armure présentée là et à sa taille. Il n'avait jamais porté d'armure aussi encombrante et lourde, ni manié une arme de ce type. La hache était la seule arme qu'il connaissait, et il était déjà loin de la maîtriser, alors une lame à double tranchant aussi longue et fine ?


"Le premier maître était un magicien de talent avant d'être brisé, et réalisa que la tâche des Maîtres ne se suffirait pas d'une seule vie, et que la mort frapperait les Maîtres bien avant qu'ils n'aient fini. Alors il confectionna le masque pour garder son âme et celle des autres maîtres. Nul ne peut détruire le masque car nul ne peut briser l'âme des maîtres. Retiens bien ceci, apprenti."

Sans lui laisser le temps d'y repenser, le Maître attaqua, repoussant d'un seul geste l'espadon du guerrier brisé. Lui arrachant un grognement de surprise et de douleur lorsqu'il le toucha de son épée, plus massive et ornementée que celle qu'il avait prise dans un râtelier, ce n'était qu'un avant goût de ce qui serait désormais son quotidien.
Pendant une journée entière, il l’entraîna. Il était en réalité plus petit que lui, beaucoup plus petit qu'un Ao'ra, mais son maniement de l'espadon était d'une redoutable efficacité. Le poids de l'arme parfaitement embrassé dans des attaques dévastatrices, l'armure lourde protégeant son corps des coups. Il ne l'épargna de rien, le frappant de ses techniques alors que Jaghatai ignorait tout de cette arme, ses coups le mirent à genoux en peu de temps. Mais le guerrier brisé avait senti la vie quitter son corps, et la douleur n'était plus pour lui qu'un détail que l'on peut omettre. Il se releva maintes fois, pour retomber tout autant.

Lorsque la journée fût décrétée finie, son adversaire la laissa sur le sol, allant s’asseoir sur un fauteuil non loin pour fixer le fond de la pièce en quasi silence. Quasi, car il semblait à Jaghatai qu'il murmurait, seul, des mots incompréhensibles. Le guerrier brisé se releva lentement, le corps endolori, retirant son casque pour fixer son nouveau maître.


"Qui êtes vous, réellement." Lui demanda-t-il.

"Je suis le Sixième maître, autrefois brisé comme toi, et jamais et à jamais entièrement rebâti." Répondit-il.

"Le sens de ces mots me manque. Vous êtes fort, très fort. Mais vous n'utilisez pas toutes vos forces." Rétorqua le guerrier brisé.

"La force qui pulse au fond de moi est celle de la colère et la haine, mais tu n'es pas encore prêt à l'accueillir, tu es encore trop faible avec ton épée." Lui dit-il en retour.

"Comment m'améliorer, en un jour et sans leçons." Demanda le guerrier brisé, touché dans sa fierté.

"Je t'ai donné la leçon que tu as reçue. Observe et apprends, reproduis et confronte, alors seulement tu pourra rivaliser." Le moralisa-t-il en retour.


Agacé, Jaghatai prit sur lui de garder le silence, s'adossant à un mur dans un coin de la pièce, il ferma les yeux pour prendre du repos. Un repos dénué de rêves, les souvenirs de sa vie ne semblaient pas chercher à le hanter ou le languir, une seule chose revenait : Un décor noir, une pierre d'obsidienne, la douleur que ce songe lui avait infligé. Il se réveilla en sursaut, quelques heures à peine avaient passé, il se sentait pourtant reposé et alerte comme après une nuit calme. Se redressant, il vit le Sixième maître se lever à l'exact même moment de son fauteuil, dégainant son immense épée luisante de symboles. Avait-il seulement bougé durant son sommeil ?


"Il est temps de reprendre l’entraînement." Dit il de sa voix glaciale.

"Je n'ai rien mangé ni bu, probablement depuis plusieurs jours." Répondit le guerrier brisé.

"En as-tu seulement le besoin ou l'envie ?" L'interrogea le Sixième maître.

Devant l'absurdité de cette question, Jaghatai marqua un temps de silence. Pourtant il ne ressentait ni fatigue, ni faim, ni soif. Et il en vint à se demander, si tout ceci était bien réel.


"Le Deuxième Maître était un Orfèvre de talent avant d'être brisé, et il réalisa que la soif des Maîtres se ternirait avec l'usure et le temps. Alors il confectionna l'éclat pour garder son courroux et celui des maîtres, et nul ne peut détruire l'éclat, car nul ne peut briser le courroux des maîtres."


Furent ses seuls mots avant qu'il n'abatte son épée sur Jaghatai. Ce dernier réagit avec moins de vitesse qu'il ne l'aurait voulu, encaissant le coup dans l'épaule de son armure, il riposta et manqua d'effleurer le masque du maître. Un ricanement sinistre se fit entendre.

"Tu vois, tu observes et apprends, alors continue car le temps est compté."


Ils combattirent une journée encore, et Jaghatai finit par renoncer, brisé à même le sol. Le maître regagna son fauteuil avec les mêmes gestes que la veille, laissant l'Ao'ra se reposer. Les jours passèrent en se ressemblant, pourtant l'élève faisait de nets progrès, très loin néanmoins de rivaliser avec le maître. Il perdait petit à petit le rythme des jours et des nuits, sans lumière, sans heure, sans repas, sans aucun besoin primaire.

Depuis combien de temps s'entraînait-il ? Quasi anesthésié à la douleur, les sessions duraient de plus en plus longtemps, car le corps du guerrier brisé supportait les coups avec bien plus d'endurance chaque semaine qui passait. S'il arrivait à parer ou contre-attaquer, ses chances de surpasser le maître étaient minces.


"Le Troisième Maître était un armurier de talent avant d'être brisé, et devant son propre corps ruiné après chaque combat, il réalisa que les Maîtres avaient besoin d'une protection plus dure que le fer pour survivre à leur tâche. Alors il confectionna l'armure pour garder sa vitalité et celle des maîtres. L'armure peut-être brisée et mise en pièces, car le corps des maîtres peut-être brisé. Mais celui qui sait la reforger, rendra intacte la vitalité des maîtres."


Fut l'introduction d'un nouvel entraînement, quelques instants avant qu'il ne manque de décapiter Jaghatai. Une parade à la verticale lui permit d'éviter ce sort néfaste, ripostant vivement, il heurta la jambe du maître de son épée, menant un duel effréné qui se finit au sol. Brisé à nouveau, le guerrier se reposa quelques heures.
Le Sixième maître n'était pas loquace, et tout le temps passé en dehors de l’entraînement n'était qu'un silence pesant, parsemé de murmures inaudibles. Combien de temps ? Un an peut-être ? Qui saurait le dire, cette pièce semblait être une prison dont la sortie ne se ferait qu'en affrontant le maître. Il était patient, il était également curieux d'en savoir davantage, et s'il était mort alors ce n'était qu'une épreuve éternelle.


"Le Quatrième Maître était un forgeron de talent avant d'être brisé, et devant la fuite de ceux qu'il devait vaincre il réalisa que les Maîtres avaient besoin de puissance pour châtier les coupables. Alors il confectionna l'épée pour garder sa force et celle des Maîtres, l'épée peut-être brisée car les bras des maîtres peuvent être brisés. Mais elle peut-être reforgée, car la force des Maîtres peut-être restaurée aussi longtemps que le sang coule à flot."


Encore une leçon dénuée de sens, le maître tenta d'empaler Jaghatai mais la tentative fut vaine. Se décalant sur le coté, il évita l'impact et repoussa sa lame vers le sol, frappant de son gantelet le masque du maître, il le repoussa un instant, et les deux repartirent dans un duel endiablé. Des heures durant ils croisèrent le fer, jusqu'aux limites de l'épuisement que le maître ne semblait pas connaître. Brisé au sol, le guerrier put savourer son repos après un combat effréné, sa progression constante était une satisfaction, mais il était encore loin du maître.
Les murmures se faisaient plus forts durant le repos désormais, il percevait presque des voix multiples répondre au maître, mais rien n'était intelligible. Flot parsemé de syllabes décousues, il sombrait rapidement dans le repos obscur auquel il était désormais habitué, jusqu'à son réveil pour un nouvel entraînement.

"Le Cinquième Maître était un palefrenier avant d'être brisé, versé dans le dressage et l’entraînement de montures, il réalisa que les Maîtres manquaient de vitesse alors que les conflits les attiraient aux quatre coins d'Othard. Alors il créa le Destrier, l'indomptable dompté, celui qui portera les Maîtres vers leurs innombrables batailles, et nul ne peut tuer le Destrier car nul ne peut tuer ce qui ne vit pas."


Jaghatai n'eut pas le temps de songer à cette sempiternelle leçon, anticipant l'action du maître, il bloqua de son avant bras la poigne levée de son adversaire, le frappant d'un coup de pommeau dans le cou, le repoussant dans la pièce sous la force du choc. L'échange de lames se fit à quasi égalité, le corps de l'Ao'ra dominant en puissance celui du maître, l'échange fût encore plus long que les précédents, leurs deux forces semblant repousser les limites de l'épuisement, lames s'entrechoquant, armures se heurtant l'une à l'autre et aux deux lames. Une parade, un pas de coté, un estoc. Jaghatai répétait avec prouesse les gestes que le maître lui avait fait subir tout au long de ces entraînements, la technique du maître appliquée avec brio laissant ce dernier sur un ex æquo.

Pourtant les pas du maître et sa technique lui firent défaut, laissant la lame du Dotharl s'enfoncer profondément dans son corps, il tomba sur ses genoux en tenant l'épée qui le transperçait.

"C'est ainsi.... que tout devait se terminer..." Échappa le Sixième Maître.

"Qui était le Sixième Maître ?" Demanda Jaghatai.

"Le Sixième maître... était un Ronin avant d'être brisé... l'instrument de la vengeance... il reçut les cinq dons des Maîtres... et comme il n'avait rien de plus à créer... il pût vouer son existence au perfectionnement des techniques des Maîtres... faire de son corps l'instrument d'un art sublimé... pour que les Maîtres soient des combattants inégalés..."

"Pourquoi ?" Interrogea l'Ao'ra.

"Parce qu'au travers du Maître suivant... les Maîtres précédents continuent à exister comme une seule entité. Parce qu'ils furent tous brisés et reconstruits... mais aucun d'eux ne fût intact après cela. Ainsi nous continuons inlassablement notre tâche... même morts...nous sommes éternels et notre vindicte également... Je suis arrivé au bout de ma route... et tu dois prendre le relais désormais... Tu es le Septième maître..."

La voix du maître finit par s'étouffer. Glissant le long de l'épée, il retomba au sol dans un fracas sous l’œil incrédule du Dotharl. Son regard fixait le Masque, figure du Sixième maître durant tout ce temps. Il n'avait jamais tissé de lien avec d'autres, excepté Khorijin, alors avoir tué ce qui s'approchait le plus d'un "mentor" lui laissait une étrange sensation de vide.
Le masque le fixait, il comprenait désormais les murmures.

Prends le Masque, ramasse le, porte le...

Tels étaient les mots qu'il écoutait avec dévotion.

Retirant le masque du corps du Sixième Maître, Jaghatai y découvrit le visage pâle et émacié d'un vieillard, certainement Domien au vu de ses traits, si âgé qu'une épée serait pour lui un fardeau. Autour de son cou, l'éclat d'obsidienne rattaché à une chaîne lui lançait un reflet obscur. Il ne fallut que quelques secondes encore pour que le visage du Sixième Maître ne s'effrite et ne s'affaisse en poussière, consumant en une poignée de seconde les restes de celui qui lui avait promis la puissance et une danse avec la mort.

Qu'en était-il désormais ?

Machinalement, Jaghatai retira son heaume, ainsi que son armure, les replaçant sur les supports ou il les avait pris, et s'attarda à compter les autres armures, usées et cabossées par endroits. Six, comment ce détail avait pu lui échapper jusque là ?

Alors, il se vêtit de l'armure des Maître, sans prêter attention au détail qu'elle lui allait à la perfection.
Puis, il laissa tomber autour de son cou la chaîne sertie de l'éclat, dont le lourd poids se faisait sentir sur sa poitrine.
Ensuite, il ceint dans son dos la lourde lame des Maîtres, dans le baudrier qui l'avait déjà portée pendant tant d'années.
Enfin, il prit à deux main le masque sinistre et le leva au dessus de sa tête. Les murmures se faisaient plus forts et insistants, l'invitant à le porter comme les six Maîtres avant lui.

Il n'eut aucune hésitation en posant le couvre chef sur son crâne. Un flot de pensées envahit les siennes comme un tumulte insondable : Les souvenirs et savoirs de six vies avant la sienne, la haine et la vengeance nourrissant un sombre pouvoir, un ouragan de violence et de colère qui lui parcourra le corps. Électrisant, galvanisant, le sentiment d'unité qui s'insinua en lui le fit vaciller un instant.

Alors les voix des six Maîtres s'élevèrent de concert :



Désormais nous ne sommes qu'un.
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Re: [Background] Le Guerrier brisé

Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:53

Pendant une éternité qui ne sembla durer qu'un instant, l'âme des Six Maîtres et celle du Septième communièrent, laissant Jaghatai dans un état catatonique. Avachi sur le fauteuil ou le Maître avait posé son corps mourant entre les entraînements, son successeur vivait intérieurement les enseignements des autres Maîtres dans des domaines qui lui étaient inconnus. Revivant leurs errances, leurs combats, leurs morts, il reçut du Premier Maître des connaissances en magie noire, du Deuxième Maître en orfèvrerie, du Troisième Maître en armurerie, du Quatrième Maître en forge, du Cinquième Maître en dressage, du Sixième Maître rien qu'il ne sache déjà. Des connaissances vastes et variées sur leurs voyages, leurs ennemis, leurs amours et leurs haines. Un déluge d'informations déferlant dans sa mémoire sans se soucier de ce qui l'occupait déjà.
Et les Six Maîtres lui firent don de leur savoir commun, alors que battait le Coeur d'obsidienne au rythme du sien. Une magie qui ne s'ouvre que face à la douleur et la souffrance, alimentant le flot des combats, dont le coût s'avère aussi cher que les bénéfices. Une magie capable de dévorer l'âme et la chair, de surmonter la mort à condition d'en payer le prix auparavant. Une magie dont le nom n'est pas prononcé de vive voix, instigatrice de la peur et l'incompréhension.
Le Septième Maître comprit alors l'étendue de ce qu'il était devenu, des sacrifices qu'ils avaient tous fait pour mener leur combat aux portes de la mort, pour porter leurs corps brisés par la guerre au delà de ce que la chair peut endurer.
Il comprit ce qu'il était devenu, et que son existence avait changé à jamais. Et pourtant il ne regretta rien, il était l'instrument d'une vengeance parfaitement orchestrée. L'arme qui briserait l'injustice au prix le plus fort, un monstre parmi les hommes, une abomination inflexible se nourrissant de siècles de colère et de fanatisme.

Il ouvrit les yeux à l'intérieur du Masque,rayonnant un bref instant d'une lueur rougeoyante, la pièce lui paraissait désormais très familière. Il revoyait les Maîtres de leur vivant dans leurs armures respectives, s'entraînant avant de porter ce qui serait plus tard leur uniforme. Il vit l'écho du Première Maître mener ses recherches, drapé de noir et penché sur son pupitre. Le raclement du Deuxième Maître, voûté sur la réalisation du Coeur d'obsidienne. Le fracas des Marteaux des Troisièmes et Quatrièmes Maîtres affairés à leur ouvrage. Perfectionnant ses techniques, l'écho du Sixième Maître réalisait des passes seul dans la pièce, frappant sur un sac d'entraînement.
La pièce semblait presque vivante alors que ces souvenirs perdirent petit-à-petit leur vie, s'ancrant dans sa mémoire en laissant la retraite aussi froide qu'à son arrivée.

Il se leva dans un fracas d'acier, quittant la pièce d'un pas lourd et sonore qui serait désormais le sien. Il n'avait plus rien à trouver ici mais le regret d'être le chaînon succédant à ces légendes vivantes en sachant d'eux jusqu'à leurs plus intimes secrets, sans jamais avoir la chance de les côtoyer, le pinça un instant. Un instant qui ne dura qu'un regard bref en arrière, l'éclair des vies formatées en ce lieu pour devenir des armes traversa une dernière fois sa vision, puis il referma la porte derrière lui en quittant la pièce. Un jour peut-être il reviendrait ici, au crépuscule de son existence, pour que tout se termine ainsi.




Le fracas métallique faisait écho le long de l'escalier en colimaçon, pas après pas, fardeau après fardeau, le Xaela remontait les marches qui le séparaient du monde extérieur. Une ascension de quelques minutes débouchant sur une lourde porte, en bois massif ferrée de lattes rouillées et garnies de rivets. C'était là la seule défense de la retraite des Maîtres ? Une porte en bois renforcée ? Il la poussa de son lourd gantelet sans le moindre mal, et fut accueilli par une rafale de vent.

Devant lui se dressait la steppe d'Othard, séparée de son manteau blanc qu'elle portait encore à sa dernière visite. Des plaines à perte de vue qu'il dominait depuis son point de vue, des plaines qu'il connaissait autrefois à peine, et qui désormais vivaient d'intenses souvenirs.

Il vit passer devant lui le Cinquième Maître, une bride dans sa main. Suivant sa trajectoire avant que sa vision ne s'estompe, Jaghatai vit alors le fruit de son labeur. A demi enterré sous la neige éternelle du pic, le destrier attendait patiemment son cavalier. Il se demanda un instant en quoi être palefrenier avait pu contribuer à la création de ce dernier, qui n'avait rien d'un cheval au delà des apparences. Les apparences, voilà justement pourquoi il avait choisi un cheval. Il repoussa derrière lui la porte de bois épais, une simple porte à flanc de roche, dénuée d'écriteau ou de décorations. Une porte sur la paroi d'un pic ou nulle âme ne se rendait, un panorama déprimant pour un retraite dépressive, voilà ce qu'était la source des Maîtres.

De son pas massif, il se dirigea vers le destrier, époussetant la neige d'un gantelet sous son regard d'un rubis sombre, avant de l'enfourcher. La monture n’émit pas le moindre son, ni hennissement, ni soupir. Le Septième Maître effectua un tour d'horizon, il savait précisément ou se rendre désormais, son destrier se mettant en mouvement d'un pas particulièrement lourd, ils dévalèrent le chemin qu'il n'avait jamais emprunté une première fois.







Lancenot fixait l'horizon crépusculaire d'un oeil attentif, sa lance tenue d'une seule main. Il se demandait parfois s'il trouverait une épouse un jour, espérant profiter de l'opportunité qu'était l'empire Garlean pour monter en grade "quelle que soit leur espèce" si l'on en croit la propagande. Une aubaine pour lui, leur supérieur était d'une rare incompétence et il comptait bien en profiter pour faire valoir ses qualités de soldat et peut-être de meneur d'hommes, alors son avenir serait tracé et les prétendantes se bousculeraient pour l'épouser. Un juste retour des choses après les années de ruine que sa famille avait subie suite à leur annexion au sein de l'Empire.

Plissant le regard, il lui sembla voir quelque chose. Il héla son collègue de garde avant de saisir sa lance à deux mains. L'hopplomaque qui l'accompagnait avança en amont, scrutant la noirceur ambiante à la recherche de quelqu'un ou quelque chose.
Fridgeir avait rejoint l'empire dans la même promotion que Lancenot. Moins versé dans les armes cependant, il avait eu une mise à niveau complète quand au maniement de ces dernières, choisissant de se spécialiser dans l'épée et le bouclier. Les deux avaient rapidement sympathisé, malgré l'origine de Lancenot d'une famille perpétuant l'art des hasts lui ayant donné parmi le meilleures notes de leur promotion. Une amitié basée sur les différences, voilà une force dont ils étaient fiers, et ils faisaient en sorte de prendre leurs affectations en commun, évoluant dans un style martial binomial ou Lancenot représentait la force de frappe et Fridgeir le rempart.
Un arc de cercle écarlate se dessina au même moment qu'un fracas retentit, l'hopplomaque s'évanouissant dans la nuit.

"Fridgeir ?" Lança-t-il, avant de s'avancer vers la position de son compère.

Ses pieds butèrent sur quelque chose, d'un regard il vit le corps brisé en deux de son ami, baignant dans son sang et ses organes, son regard trahissait la surprise plus que la douleur. Il serra son arme, en position de combat, se préparant à donner l'alarme et venger son compagnon.
Alors il vit devant lui se dessiner la silhouette, une armure vivante de plus de deux mètres, recouverte de pointes et de lames. Une épée tout aussi torturée, pulsant d'un rouge carmin et encore dégoulinante du sang de son ami. Il eut du mal à détacher son regard du masque inexpressif qui le fixait en silence, mais sa pensée revint rapidement à Fridgeir. Armant sa lance, il déclencha un assaut parfaitement orchestré, une technique transmise dans sa famille de père en fils et qui avait fait de lui la coqueluche du régiment. Fridgeir sera vengé, pensa-t-il.

La lance fusa en direction du chevalier, qui la dévia d'un revers de sa lourde lame. Lancenot sentit l'énorme gantelet lui agripper le poignet à l'en briser, il gonfla ses poumons d'air pour sonner l'alerte. La force qui le tracta le fit décoller du sol, et son front heurta le masque sinistre dans un craquement qui lui ôta tout besoin de penser encore à son avenir ou à sa vie amoureuse, à venger Fridgeir ou même devenir centurio. Son corps retomba mollement aux cotés de l'hopplomaque, alors que son meurtrier relâchait sa prise sur le poignet de l'elezen.


Ce qu'il restait du camp après le passage du Septième Maître n'était que ruines et cadavres. Détruisant méthodiquement la totalité des soldats, le chevalier n'eut pas la moindre pitié pour ses proies, ni la moindre hésitation malgré le feu nourri qu'il subit durant son massacre. Le visage du Centurio, les yeux ronds de surprise, alors qu'il était cloué au mur par sa lame après lui avoir tiré une balle en pleine poitrine, était le témoin silencieux de la puissance qui l'habitait désormais.
Blessé, il l'était. Il traversa le camp en proie aux flammes en traînant sa lourde épée d'une seule main. Malgré son armure et sa magie, son corps avait subi de nombreux assauts, comme les autres Maîtres avant lui, il combattait sans tenir compte du danger et jusqu'à la mort s'il le fallait. Pourtant son corps ne trahissait aucune faiblesse, aucune douleur, il marchait tel un mort animé au coeur du chaos qu'il avait engendré. Etait-ce là l'issue du combat des Maîtres ? Batailler jusqu'à ce que leur corps ne puisse plus supporter les coups ? Bien que le massacre avait un certain attrait, ce camp n'était qu'un grain de sable par rapport à l'immensité de cet ennemi.

Il quitta le camp sur ces pensées, envahi par la présence et les paroles des Maîtres. A chacun de ses pas ensanglantés, ses plaies se refermaient. A chacune de ses inspirations, son bras ramenait la lame vers lui. Son corps se reconstruisait à défaut qu'un jour son esprit le puisse, et le chevalier indemne enfourcha sa monture. Au coeur du tumulte et des combats, il avait songé. Et au travers du songe, il avait trouvé quel serait son tribut aux Maîtres.

Alors le Septième Maître repartit dans la nuit, le galop de son destrier résonant sur plusieurs lieues.
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Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:54

Il avait erré, longtemps.Difficile pour le Septième Maître de garder une quelconque notion du temps, son esprit constamment traversé par des souvenirs ne lui appartenaient pas, il était devenu incertain de l'authenticité de ce qu'il avait en mémoire. Les Six Maîtres avaient affronté et défait tant d'ennemis au cours de leurs existences respectives que l'implantation de ces souvenirs dans sa propre mémoire les digérait lentement en les mélangeant progressivement aux siens. Aussi à cet instant, il était incapable de répondre à cette simple question : Depuis combien de temps suis-je le Septième Maître ?

Le dévorant désir d'abattre son arme sur un adversaire le poussait dans une direction comme si son destin le traînait au bout d'une chaîne, lui, vulgaire spectateur. Pourtant, l'endroit lui semblait familier, presque aussi familier que lui était devenu le maniement de l'espadon ou l'instant exact ou ses prédécesseurs avaient étés tués. Il se doutait qu'il lui faudrait du temps pour dissocier le savoir du vécu, et qu'en attendant sa propre personnalité en serait amoindrie.

La butte qu'il contourna, l'arbre presque mort, malgré le rideau de neige et de vent ces éléments recomposaient leur cheminement dans les méandres de son esprit. Les revoyant de différents points de vue, il finit par démêler son propre souvenir avec certitude. Il approchait du vallon ou son clan Dotharl installait ses yourtes pour l'hiver, mais pourquoi venir ici ?

Des sons étaient charriés par le vent, d'abord étouffés mais à mesure que le galop du destrier le portait vers l'avant, ils se précisaient. Le choc des armes, le cri des guerriers, les explosions. Il comprit aux traces encore visibles dans la neige, que l'ennemi était là. La confrontation de son ancienne vie et de sa nouvelle ne le fit pas douter un instant, son essence même avait changé, brûlée dans le feu de la douleur, il revenait désormais sur ses pas sans une once de nostalgie.

Dans le vent et la tempête, il vit se profiler l'immensité du Juggernaut, massif engin Magitek destiné à la destruction. En un instant, les Maîtres lui distillèrent ce qu'il avait à savoir, et l'inconnu devint connu. L'affronter sans un armement spécial ne lui offrirait aucune chance de réussite, il choisit donc de l'ignorer, continuant sa lancée au travers de ce qui se dessinait comme un champ de bataille.

Un Xaela se tenait non loin de sa course, retirant son arme du corps d'un impérial, le costaud riva son regard sur le Septième Maître à l'entente du lourd galop du destrier, lui aussi fût ignoré par le chevalier.
La hache du guerrier lui heurta le plastron avec force, l'éjectant du sa monture et l'envoyant s'écraser dans la neige dans un fracas. De toute évidence, il avait négligé le caractère belliqueux de son ancienne tribu. De l'extérieur, il n'avait plus rien d'un Dotharl et n'était sans doute qu'un autre homme en noir se mêlant au combat. Une bonne partie de la tête de l'arme avait entamé son plastron sous le choc, lui signalant qu'il était probablement blessé. Le Septième Maître se releva pourtant avec sa lenteur naturelle, dénué des stigmates d'un homme touché en plein torse, l'entaille laissant pourtant couler un suintement écarlate souillant la neige dans un crépitement étouffé.

"Je n'ai pas de temps à perdre avec toi, Dotharl, écarte-toi de ma route." Lui lança le chevalier désarçonné, se tenant droit malgré le coup qu'il avait subi.

De toute évidence, il allait devoir perdre ce temps, car le guerrier s'élança vers lui dans un grand cri. Sa hache fendant l'air avec une force démesurée - Ce visage lui rappelait quelqu'un, il l'avait certainement connu de son ancienne vie, mais il n'avait désormais plus d'importance, ce n'était qu'un menu contretemps - vers la tête du chevalier.
Levant son arme pointe vers le bas, d'un seul bras, la hache heurta cette dernière dans le son lourd de deux masses de métal s'entrechoquant. - Dans ses souvenirs, la tribu n'avait qu'un petit nombre de guerriers d'expérience, celui-ci était assez jeune, peut-être que des événements leurs avaient permis d'entraîner de meilleurs guerriers plus rapidement qu'avant - La paume de la main libre du chevalier projeta une déflagration rubis à quelques centimètres du torse du guerrier, le repoussant en arrière avec un râle et un nuage d'hémoglobine.
Ramenant sa lame à la verticale, le Septième Maître frappa d'un arc de cercle perpendiculaire au sol, heurtant le manche de la hache du guerrier qui se défendait avec hargne et lui arrachant un grognement sous l'impact. - Une bonne défense, j'étais loin d'avoir cette réactivité lors de mon dernier combat contre Khadagh, quel dommage de gâcher ce potentiel - Le chevalier posa un gantelet sur le dos de sa lame, la faisant glisser et racler sur le manche sur son adversaire jusqu'à emporter ses doigts avec le tranchant, le faisant cracher un juron. Gardant son arme d'une main, il se saisit du poing valide de son adversaire serré sur le manche de la hache, lui broyant ce dernier d'une pression soutenue. En dernier recours, le Xaela désormais maintenu sur le dos lui expédiait de furieux coups de pieds dans les jambes et le torse, en vain. Stoïque et ordonné, le Septième Maître leva à nouveau son épée, le corps parcouru d'une myriade d'éclairs violacés, l'abattant d'un geste froid en fendant le crâne de celui qui l'avait affronté.

Quel dommage d'avoir perdu tout ce temps, pour une fin inéluctable.

Retournant à pas lents vers sa monture, son arme ensanglantée traçant dans la neige un sillon écarlate, le chevalier retournait à sa tâche, inflexible, sa plaie au torse s'abreuvant du vaincu pour se résorber. Du temps perdu, rien que du temps. Enfourchant le destrier, il repartit au galop, devinant dans le blizzard quelle était sa destination au gré des murmures des Maîtres.

Il ne tarda pas à être en vue de son objectif, la Xaela vêtue de peaux gisait au sol, un soldat la maintenait en respect de sa lance, un officier pilotant une armure Magitek lui barrant la route, de dos.

(Suite.)
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Message par Jaghatai Dotharl » 09 nov. 2015, 21:55

La tête de la Xaela reposait sur torse, bougeant au rythme lent de sa respiration qui haussait et rabaissait son thorax. Il avait été d'une douceur toute relative, la plongeant dans l'inconscience à coup d'épée avant de lui révéler sa réelle identité, une forme de revanche sur le sort qu'elle lui faisait endurer autrefois. Une forme de satisfaction s'était installée, satisfaction lourdement entachée par les derniers mots qui avaient résonné dans sa tête.

"Est-ce là ce que tu appelles briser tes chaînes ?"

Le heaume était posé non loin, son regard vide et lugubre lui renvoyant le souvenir de la sensation qui l'avait habité à ce moment là : L'échec.
Depuis qu'il était devenu une part des Maîtres, il n'avait été baigné que dans un torrent de souvenirs et d'ivresse froide, comme s'il était la continuité d'une entité pré-établie, sorti du même moule que ses prédécesseurs. Combattant avec témérité plus que bravoure, accusant les coups sans même serrer les dents, il était l'instrument suicidaire d'une vengeance qui le dépassait, mais à laquelle il se rattachait sans hésitation.

Cette fois pourtant, il sentait qu'il n'était plus en en accord avec eux, parce qu'ils semblaient attendre de lui quelque chose qu'il ne souhaitait pas leur donner : Une vie autre que la sienne.
Il profitait d'un peu de repos, sans en avoir réellement besoin, pour réfléchir loin de leurs pensées pendant quelques temps. Qu'allait-il faire de Khorijin désormais, qui semblait attachée à lui plus solidement qu'un buisson sur la terre sèche des steppes méridionales. Dans ses souvenirs, elle était plus une guerrière exigeante et intransigeante qu'une jeune femme accrochée à un faible, alors qu'est ce qui avait changé depuis.

Une chose avait changé: Lui.

Il n'était plus ce guerrier trop lent pour intercepter les coups, et trop calme pour abattre ses ennemis. Désormais il dansait avec la mort à chaque instant, détruisant plus que tuant, imperturbable et intraitable. Khorijin ne pouvait plus rivaliser avec lui, trop fragile et légère pour supporter les coups, trop instinctive et bâclée pour les lui porter durement. Il fallait qu'elle suive une voie qui la renforce elle aussi, que la petite barbare vive et piquante devienne elle aussi une arme vivante et pour ça il allait avoir à puiser dans les souvenirs des Maîtres, mais pas maintenant. Il profiterait de cette accalmie pour songer à nouveau à lui même et pas à eux, car il devait préparer son tribut aux Maîtres sans qu'ils puissent interférer.

La Xaela soupira d'aise dans son sommeil, un soupir étonnamment doux à ses oreilles, et qui réveillait en lui des émotions enfouies derrière des couches de plomb. Son contact était chaud et suave, la peau d'ardoise soulignant ses traits et ses formes aux muscles secs, aux courbes bien placées. Sans nul doute, c'était une très belle femme, et la savoir allongée contre lui éveillait son corps trop froid pour être encore indemne.

Il chassa ces pensées, déviant son regard écarlate vers le feu qu'il avait allumé pour la réchauffer, se concentrant sur des objectifs plus terre-à-terre. Il attendrait son réveil pour remettre le heaume et se confronter aux Maîtres, chercher le début d'une réponse à la question qui le préoccupait : Comment épargner la femme qu'il estimait aimer.
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Re: [Background] Le Guerrier brisé

Message par Jaghatai Dotharl » 01 déc. 2015, 23:39

Retourner dans son armure lui donna une sensation de confort à laquelle il ne s'attendait pas. L'ayant portée sans interruption pendant si longtemps, il aurait pensé que se dégourdir libre de ses mouvements lui aurait davantage plu. Pourtant il avait l'impression de retrouver une partie de lui même, une seconde peau, dure comme l'acier.

Le heaume dans ses mains, il eut une seconde d'hésitation, se demandant s'il ne préférait pas retourner à son ancienne vie. Partir avec Khorijin, loin de tout, mais dans quel but ? Il avait froidement regardé sa tribu se faire éradiquer, emporté la jeune femme loin des siens par la force. Une force à laquelle il ne comptait pas renoncer.

Non, il n'y avait rien d'autre pour lui, pensa-t-il en posant le heaume sur sa tête. Le flot de pensées et de souvenirs mêlé le traversa aussi brutalement que le premier jour, le raidissant alors qu'il se faisait à cette sensation une nouvelle fois. Il se détendit au bout de quelques secondes, à nouveau habitué à cette présence intrusive et cette perte de son intégrité, se dirigeant d'un pas mécanique vers le destrier.

Il savait désormais ou aller, ayant trouvé le souvenir qu'il cherchait, suivant la piste dans la mémoire des Maîtres pour retracer la route empruntée. Vers le sud ouest, l'étranglement qui séparait Othard d'un autre continent, celui que l'on appelle Eorzéa.
La bas, ils avaient vu des lanciers plus que légendaires, tirant partie de leur allonge et de leur corps entier pour abattre le fer de leurs armes sur des ennemis de dix fois leur taille. Ceux que l'on nommait Chevaliers Dragons, l'héritage ancestral d'un art que le peuple d'Ishgard utilisait pour terrasser un adversaire millénaire. Il la mènerait vers eux, afin qu'elle devienne l'un d'entre eux ou qu'elle meure en essayant.

Assise devant lui sur la selle, il ne lui semblait maintenant ne plus rien ressentir pour cette femme, comme si reprendre sa place au sein des Maîtres l'aliénait des émotions positives qu'il pouvait ressentir. Il choisit de se raccrocher au souvenir de la nuit précédente, pour garder dans ses objectifs le paramètre que sa nature lui disait maintenant d'ignorer: Il lui était préférable qu'elle reste en vie.


Le voyage dura plusieurs semaines, durant lesquelles il dut s'arrêter pour qu'elle subvienne à ses besoins primaires, tandis que l'inflexible chevalier l'observait d'un regard absent. Il se nourrissait rarement, dormait rarement, mais à quelques occasions il retirait son armure et son heaume pour se rappeler les sensations d'être vivant. Est-ce que cette subsistance lui venait de cet attirail, ou est-ce qu'elle lui venait de son état général ? Il redoutait de la réponse à cette question, sans qu'elle soit d'une réelle importance pour lui, il profitait du temps passé avec Khorijin pour entretenir son humanité et conserver le souvenir de la chaleur de son corps.

Le voyage arriverait bientôt à son terme pour elle et il repartirait afin de confiner le danger qu'il représentait. Eorzea. Un nom méconnu des peuples de la steppe, mais pas épargné par l'ennemi contre lequel il prenait les armes. L'étranglement continental qu'ils allaient traverser déboucherait sur le territoire de ce qui était autrefois l'une des Cité-Etat majeure du continent, et désormais un fief impérial conquis. Il savait cette région dangereuse, aussi il ne s'attarderait pas ici tant qu'il était accompagné.

Le destrier infatigable galopait sans relâche, quelles que soient les intempéries, et l'ennui du voyage ne l'effleurait pas le moins du monde. D'un immobilisme et d'un mutisme certains, sa compagnie en revanche, essayait de lui extirper les bribes de discussions auxquelles il répondait succinctement, avare du moindre mot. Un voyage qui sera presque une torture pour elle tant son compagnon oscille entre la froideur métallique de jour et la chaleur des nuits.

Tout ceci ne durerait qu'un temps, un court instant, et à nouveau il serait libre.

Libre ?
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Message par Jaghatai Dotharl » 06 déc. 2015, 01:23

Le blizzard sifflait le long des plaques de l'armure noire tandis que le chevalier dodelinait au rythme des pas du destrier. Il était à nouveau parti, cette fois non par envie mais pas nécessité. Il lui semblait alors évident que sa nature même était une menace pour Khorijin, au delà même de tout ce qu'il pouvait alors éprouver, que les âmes qui désormais bordaient la sienne étaient convaincus qu'elle était une entrave.

Il n'avait aucune connaissance de la mesure avec laquelle ils pouvaient interférer sur lui, ses pensées, ses envies, ses souvenirs, peut-être même ses gestes ? Dans le doute, partir lui avait semblé être le choix le plus sage le temps de trouver une solution, ou ne jamais revenir.

Pourquoi les maîtres semblaient tous partager ce même avis, et pourquoi n'était-ce pas son cas. Qu'est ce qui marquait chez lui une telle différence pour qu'il soit en conflit avec ceux qui il partageait son destin.

Aucune réponse à ces questions ne vint pourtant, sa monture quittant le climat glacial du Coerthas à l'approche du territoire d'Ala Migho. Les pas du destrier frappaient avec force le sol recouvert d'un épais tapis d'herbes folles, au loin se dessinait lentement la forme sombre d'une construction.

Le Septième Maître n'était en rien sûr de ce qu'il allait accomplir dans cette action, dissociant autant que possible sa volonté de celle de ses pairs, la quantité d'inconnues dans cette équation aurait du le contraindre à reconsidérer son plan, cependant le peu d'autres options ne lui laissaient guère le choix.

Les tours de guet étaient maintenant nettement visibles tandis qu'il se saisissait de sa lame d'une main, faisant naître autour de lui les volutes écarlates au rythme du battement du courroux des maîtres. Faisant conserver au destrier le rythme effréné qu'il avait engagé dans la pente douce, le cavalier et sa monture gravirent la butte menant au fort impérial en quelques secondes. D'un bond lourd et puissant, le duo enjamba une barricade métallique en fauchant le soldat qui se tenait derrière elle dans un fracas en l'emportant dans sa course. En quelques embardées, il se dirigeait vers le coeur du camp, semant le chaos dans un fortin qui ne s'attendait à aucune incursion.

Les alarums se déclenchèrent tandis que les sabots ripaient sur le sol recouvert de dalles métalliques, continuant sa traversée à grand coups d'épée, il sentit plusieurs fois l'impact des armes sur sa cuirasse. A peine ébranlé par le choc, le chevalier ignorait le sang poisseux qui coulait en serpentant le long de son armure.

Le tremblement d'un pas colossal agitèrent les plaques d'acier composant le sol, alors qu'il faisait pivoter sa monture, le Septième Maître dévisagea le colosse magitek activé qui avançait d'une démarche pesante pour défendre le campement. Chassant du revers de son gantelet une lance fichée dans son épaule, il s'élança dans sa direction en snobant littéralement les soldats cherchant à l'encercler.

Le colosse leva son arme pour frapper le chevalier sans sa trajectoire, abattant l'arme gigantesque en diagonale alors que le cavalier interposait son épée pour parer l'attaque. Il évita le tranchant, mais sa propre lame emportée par le choc le heurta et l'impact le désarçonna en lui offrant une vue de la voûte céleste quelques instants avant qu'il ne heurte le sol. Infatigable, le chevalier noir se releva l'arme en main, s'élançant à nouveau vers le colosse cette fois à pieds, le Septième Maître arma son épée pour l'expédier avec force dans la jambe du colosse, traversant plusieurs couches de blindage jusqu'à y coincer l'arme en profondeur.

Le colosse leva son arme et frappa sur Jaghatai, la lame massive s'abattant avec poids et force sur le chevalier son l'arme ne pourrait pas cette fois le protéger.
Il leva son bras gauche, accusant l'impact sur les plaques de son avant bras qui s'enfoncèrent en laissant l'arme s'enficher et traverser son bras jusqu'à le couper net dans une gerbe écarlate.

Il n'avait jusqu'à présent jamais prit le soin de se placer dans une situation aussi incertaine, et pourtant la perspective d'être défait ne générait chez lui aucune crainte ni aucune peur. Peut-être qu'une réponse lui viendrait enfin, après des jours à ruminer et isoler sa conscience, peut-être une solution.

Un revers du colosse magitek l'envoya voler en arrière, heurtant de toute sa masse les soldats l'ayant péniblement et enfin rattrapé dans un craquement et de grands cris.
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Re: [Background] Le Guerrier brisé

Message par Jaghatai Dotharl » 25 janv. 2016, 21:22

Une petite brise fraîche soufflait discrètement dans les les branches des arbres, tandis qu'il marchait le long du chemin fait de pierres soigneusement alignées. Le soleil pâle peinait à se faire voir au travers des nuages et la journée serait fraîche, un temps parfait pour une promenade avant de rejoindre le dojo. Il regarda un pétale rose voltiger emporté par la douce brise, disparaissant rapidement de sa vue.

Yatsurugi No Hisamoro était maître depuis longue date, mais avant toute chose, tout rang et toute notion d'enseignement, il était un samouraï au service de son seigneur. Représentant une caste armée dans l'une des nombreuses provinces de Doma, son sabre éternellement présent dans un fourreau le long de sa ceinture représentait à la fois un symbole d'autorité, mais également la protection qu'il offrirait sans hésiter à tout citoyen de la province.

Des années durant, il avait perfectionné la maîtrise du sabre et fait de cet art sa seule raison de vivre et d'exister, ne prenant pas femme ni ne cherchant à fonder un foyer. Hisamoro s'était alors petit-à-petit hissé parmi les plus grands praticiens de la voie du sabre, et les années passant, était devenu petit-à-petit le plus réputé des samouraï de la province, enseignant à son tour son art aux générations suivantes.

Du haut de sa soixantaine révolue, Hisamoro affichait les traits d'un vieil homme calme, posé, mais plein d'une énergie que beaucoup attribuaient à sa vie d’ascète. Il avait servi sous les ordres de son seigneur pendant plusieurs décennies et vu grandir l'héritier de la lignée. Depuis quelques années ce dernier avait succédé à son père emporté par la mort, et il agissait depuis comme un protecteur et un conseiller, cherchant à guider le jeune seigneur vers la voie de la justice et de la sagesse.

Alors que le vieil homme remontait la pente menant au dojo, un messager du palais l'interpella avec politesse :

"Yatsurugi No Hisamoro, pardonnez mon interruption, mais le seigneur a demandé votre présence dans les plus brefs délais." lui dit-il, désignant la route vers le palais.

Le vieil homme hocha la tête en agréant à demi voix, le visage à peine froncé par une once de surprise. Il se rendit rapidement au dojo pour s'excuser de son absence et embraya sur la route du palais, la main traditionnellement posée sur la poignée de son sabre. La ville semblait en effervescence, et il ne devait qu'à son statut le fait de pouvoir passer au travers de la foule et traverser les rues bondées de monde. On racontait que des émissaires étaient arrivés, d'un lointain ouest au-delà des steppes, et qu'ils voyageaient dans des bateaux de fer flottant sur le ciel.

Hisamoro n'était pas un crédule civil chez qui Othard se limitait aux murs de la cité, il avait voyagé non pas par envie, mais parce que les conflits avaient mené les samouraï à défendre leur province contre de multiples envahisseurs, notamment les tribus Xaela des steppes. Aussi il ne fût empreint d'aucune curiosité ni d'aucun étonnement, prêtant peu d'attention aux rumeurs et préférant voir par lui même de quoi il en retourne.

Il franchit les portes du palais, un hochement de tête respectueux aux gardes flanqués de part et d'autre, remontant le chemin ordonné et ornementé menant au hall principal du palais du jeune seigneur. L'émulsion ici semblait moins fébrile, mais il pouvait palper une forme de tension mêlée d’ébullition au sein des nobles et de ses pairs présents. Il entra dans la salle de réception pour trouver son jeune maître en pleine discussion avec un homme dont la tenue ne lui semblait provenir d'aucune autre province. Le noir et le fer semblait composer la majorité de son uniforme, plus proche d'une armure qu'autre chose, et sous son bras un casque métallique semblait servir à dissimuler ses traits. Il fût frappé indiciblement par le blanc de ses cheveux, contrastant avec un age et un regard auxquels il ne donnerait pas plus de vingt-cinq ans.

Un regard gris d'un calme tranchant, l'homme conversait à voix basse avec le seigneur tandis que d'autres hommes vêtus de tenues noires et rouges semblaient monter la garde, bien qu'ils furent désarmés à l'entrée du palais. Un détail le surpris encore, sur le front de l'homme une gemme décorative était exposée, une tradition qui n'évoquait rien au vieil homme.

Le voyant arriver, Bakaro No Sanekage, l'invita à les rejoindre dans leur discussion. Le vieux samouraï accepta avec obéissance, rejoignant son seigneur pour s'incliner devant lui, avant de saluer l'homme.

"Hisamoro, ces hommes viennent d'une contrée très éloignée de l'autre coté des steppes d'Othard, ils ont bravé les dangers et les tribus barbares pour nous apporter leur savoir et leur technologie!" S'extasiait Sanekage, enthousiaste.

Le vieil homme réprima un sourire un brin sarcastique, il savait pertinemment que l'on offre jamais rien à un parfait inconnu sans obtenir quelque-chose en retour.

"Mon Seigneur, pardonnez mon audace mais que savons nous de ces hommes, leur patrie, leurs noms ? N'est-ce pas là un peu hâtif que d'embrasser leurs promesses, sans s'assurer que le coût ne soit pas démesuré en comparaison ?" Répondit Hisamoro, d'un ton de conseil.

L'émissaire prit la parole à la place du jeune seigneur, énonçant d'une voie grave mais habile :

"Le peuple de Garlemald serait ravi de compter votre province parmi ses alliés, d'autres émissaires ont étés dépêchés pour contacter les autres provinces et vous vous doutez bien que ceux répondant à l'offre le plus rapidement prendront un avantage certain sur les autres seigneurs. La technologie que nous offrons permet de défier le ciel lui même, et l'armement qui nous avons à disposition assurerait une défense impénétrable contre les incursions barbares." Énonça-t-il avec une assurance qui ne manqua pas de surprendre le vieil homme. Les mots semblaient son domaine, et il réprima un froncement de sourcils, constatant avec quelle curiosité nouvelle son seigneur observait l'homme armuré lorsqu'il se retira sans avoir daigné se présenter à lui.

Malgré ce manquement à l'étiquette, Yatsurugi No Hisamoro tenta de raisonner son seigneur avec honnêteté.

"Seigneur, nous savons tous deux que votre défunt père a hissé cette province d'une simple région paysanne pauvre et insignifiante à une province riche en investissant son énergie, ses gils et la dévotion de son peuple pour ce faire. Peser dans la balance les efforts d'une province entière ayant su s'embellir me semble inconsidéré."

"C'est ainsi que j'apporterai ma contribution à ce que mon père à crée, Hisamoro. En m'alliant avec Garlemald et en offrant à ma province la technologie qu'ils possèdent. Et je t'ordonne de m'aider à convaincre les autres Samouraï et les nobles de se rallier à ma volonté." Lui répondit Sanekage.

Hisamoro se retira avec politesse, mais un doute le rongeait désormais. Il sentait cette alliance comme une escroquerie, mais sa loyauté le poussait à obéir à la requête et ce en dépit de ses convictions.

Il passa les semaines et mois suivants à œuvrer, à contrecœur, à l'établissement de l'empire dans la région. Convaincant un-à-un chacun des nobles et samouraïs influents de la province, Hisamoro dût mettre de coté ses entraînements et laisser le dojo à l'un de ses apprentis talentueux, battant la province pour visiter et aiguiller ses pairs. Son travail finit par porter ses fruits, alors que les vaisseaux sombres de Garlemald atterrissaient autour du palais.

La province vécu une révolution technologique sans pareil, et les années à suivre virent l'art du sabre relégué au second rang, tant les armes à feu apportées par leur nouvel allié permettaient à tout homme de se défendre sans l'entraînement rigoureux que suivaient les samouraïs. Leur influence décrût de concert, leur art n'étant plus nécessaire aux yeux du peuple, ils devinrent progressivement le symbole d'un ancien temps, puis une insulte aux yeux de ceux qui n'avaient désormais plus besoin de protection.

Les machines de Garlemald prirent leur essor aux abords de la ville, de plus en plus de citoyens s'enrôlant dans ses rangs, galvanisés par les promesses de combats et conquêtes pour une juste cause, pour la province et pour mater une bonne fois pour toutes les barbares des steppes. La paix qui régnait depuis cinquante ans sur la province était tombée, le peuple, sans guide et sans bornes, pouvant s'armer librement, était livré à ses plus bas instincts et la criminalité avait rehaussé et entraîné de nouvelles mesures répressives. Les vergers en fleurs qui bordaient les routes avaient été abattus pour alimenter les forges nouvellement construites et l'air s'emplissait de fumée et d'odeurs de métallurgie, ternissant l'éclat du ciel et du soleil.

Yatsurugi No Hisamoro vit bon nombre des influents de la province terminer aux fers parce qu'ils montraient une opposition envers les projets de leur seigneur et de son nouvel allié. Résolu, il ceignit alors son sabre à sa ceinture, traversant le dojo désormais abandonné pour prendre la route vers la ville et le palais.

L'accueil qu'il reçut n'était que mépris et insultes, ce peuple qu'il avait autrefois protégé avec sagesse et défendu avec ferveur le traitait comme un privilégié, un prétentieux qui se croyait au dessus des simples civils parce qu'il était mieux né. Mais le vieil homme les ignora car il savait refréner son orgueil pour endiguer un conflit stérile, et épargner des innocents.

Lorsqu'il parvint au palais, les gardes du seigneur le mirent en joue de leurs armes technologiques. Plus de fiers samouraïs ici, plus de nobles guerriers protégeant le peuple. Ces hommes entraînés au maniement d'armes de lâches en avaient adopté le comportement, braquant à quatre un vieil homme seul, leurs uniformes noirs et rouges détonnant avec l'ancienne quiétude du palais.

Hisamoro cria, en direction de son seigneur que le regardait à peine, assis sur son trône, aux cotés de l'émissaire Garlemaldais.

"Sanekage, tu dois cesser cette folie ! Ton peuple à perdu ses vertus et le vice ronge la province ! Écoute ton plus fidèle conseiller et renonce à cette alliance !"

Sans daigner lui répondre, Bakaro No Sanekage adressa un simple signe de main, las, à ses gardes. Les intimant à châtier l'importun.

"Alors si je ne peux vous convaincre de cesser cette folie, mon seigneur, je vais devoir vous y contraindre." prononça le vieux samouraï.

Alors que la détente se pressait, le sabre d'Hisamoro jaillit de son fourreau, tranchant net le bras du premier fusiller avant que son autre main ne déplace le canon d'un second. Le corps du vieil homme se déplaçant avec fluidité, le tir partant foudroya un second garde, alors que le sabre manié avec l'élégance d'une plume descendait en oblique pour trancher le thorax d'un troisième homme. Se retournant et frappant en derrière lui, la pointe perfora le coeur du quatrième homme qui s'effondra de concert avec ses homologues.

Résolu, Hisamoro égoutta son sabre d'un geste ample, chargeant en direction du jeune homme qui avait jusqu'à présent sa loyauté, alors que l'émissaire venait de poser sur sa tête un casque noir et ornementé.

Rapide comme le vent et fluide comme le ruisseau, Hisamoro se prépara a frapper l'émissaire impérial d'une taillade lorsque ce dernier dégaina avec un geste ample et souple. La lame du Samouraï heurta une arme à moitié pistolet, à moitié épée, que l'émissaire avait interposée. Repoussant Hisamoro d'un coup de genou armuré d'acier, il ajusta son arme alors que le samouraï repassait à l'assaut avec la force du torrent. Ils échangèrent plusieurs passes, les armes s'entrechoquant avec force, le style martial du vieil homme se mesurant au duelliste, une arme à feu dans une main et une arme épée dans l'autre.

L'adresse du vieil homme semblait trouver fort à s'opposer dans la technique singulière de l'émissaire, rivalisant avec l'entraînement auquel il avait dédié sa vie. Jusqu'au moment ou l'émissaire sembla montrer une faille, Hisamoro, exténué, s'y glissa avec la force d'un ras de marée pour trancher la tête de son adversaire. En vain, la lame resta fichée dans l'épaisseur du casque, tandis qu'une détonation contre son bras lui arrachait un cri dans un nuage de sang.

Hisamoro chuta à genoux, son bras droit ouvertement fracturé par l'impact, devant son adversaire retirant le sabre de son casque, un filet de sang sur la lame. Brisant l'arme sur son genou, il en jeta les morceaux devant le vieux samouraï vaincu, avant que le jeune seigneur ne reprenne sa contenance en regagnant son trône pour prononcer fermement et à voix haute afin que tous entendent.

"Yatsurugi No Hisamoro, pour le meurtre des gardes du palais et la tentative de meurtre à l'égard de ton seigneur, moi, Bakaro No Sanekage, te condamne avec clémence et en respect des services que tu as rendu à notre province autrefois, à l'exil. Ton arme brisée te sera restituée et tu devra avoir quitté la vue de la province avant le prochain soleil, sans quoi tu sera abattu."

Le vieil homme, tenant son bras meurtri, gisait à genoux devant celui qui était autrefois son seigneur et maître. Lavé de toute sa fierté, de tout son honneur, il n'avait même pas le droit à une mort digne, jeté en exil comme s'il n'était qu'un parasite inconnu du peuple. La colère montait en lui autant que la douleur de la défaite ne titillait son orgueil. Il leva un regard empli de colère vers Sanekage, les mâchoires serrées.

"Puisque c'est ta volonté, seigneur." Souffla-t-il.

Son regard se tourna ensuite vers l'émissaire, qui le tenait en joue de son canon.

"Quel est ton nom, combattant de Garlemald, puisque tu as su ruiner l’œuvre de ma vie."

L'homme retira son casque avec lenteur et sens de la mise en scène, dévoilant son visage sérieux et son air neutre, une entaille fraîche fendant sa bouche à la verticale et libérant un mince filet de sang écarlate.

"Ion tol Callidus, sans rancune ni animosité." Lui répondit l'homme de Garlemald avec une voix posée.

Hisamoro fût jeté hors de la ville et raccompagné aux portes de la province, personne ne daigna venir soigner ou aider le vieillard blessé, son sabre brisé passé à sa ceinture sans qu'il ne puisse plus jamais servir. Il traversa villages et hameaux ou il avait œuvré pendant plus de quarante ans, a protéger, conseiller et aider le peuple de son seigneur. Les volets se fermèrent sur son passage, le peuple le reniait, apeuré ou haineux. Alors qu'il quittait un hameau, le vent porta près de lui un pétale qui était autrefois rose, mais désormais calciné et tirant sur le gris cendre. Le vent l'emporta plus loin, serrant le coeur meurtri du vieil homme.

Lorsqu'il entra dans la steppe, Hisamoro savait qu'il n'en ressortirait jamais vivant. Sa blessure ou son incapacité à se défendre ainsi blessé et désarmé aurait raison de lui, et si ce n'était l'age et le manque de sang, ce serait une cruelle tribu Xaela qui mettrait fin à ses souffrances. Les dents serrées par la douleur et la rage, Hisamoro se préparait, main sur son sabre brisé, à mener un dernier combat pour quitter ce monde avec dignité.

Pourtant, il ne croisa personne le premier jour, sinon les busards volant en rond au dessus de lui. Il profita de cette journée pour aiguiser sa colère, reniant l'homme qu'il avait servi si longtemps et qui avait fini par le condamner après avoir ravagé ses propres terres. Il marcha en direction du nord ouest, selon le soleil, en direction d'une chaîne de montagnes qu'il ne connaissait guère, mais qui lui offrirait une belle vue et une dernière demeure s'il arrivait jusque là.

Je ferme les yeux, dites-nous pourquoi devons-nous souffrir

Il ne croisa personne le deuxième jour non plus, ignorant sa blessure et sa fatigue, sa faim et sa soif, Hisamoro marchait sans relâche, voûté sur lui même comme le vieillard qu'il était. Sa noblesse envolée, sa détermination ne servait désormais qu'à porter ses jambes fatiguées un peu plus loin.

Relâchez votre poigne, car votre volonté nous engloutit

Les jours passèrent et le vieil homme affamé, assoiffé et exténué atteint lentement la neige, son corps anesthésié par la fatigue et le froid, avançant péniblement sur le terrain difficile, s'aidant d'une branche comme d'une canne. Chaque pas était désormais un supplice mais Hisamoro savait que son dernier voyage touchait bientôt à sa fin, et que le repos viendrait enfin

Mes jambes se fatiguent, dites-nous où devons-nous errer

Le vieil homme, épuisé, chuta à nouveau à genou. Les jambes usées par le voyage et la privation, il ne sentait plus le froid désormais alors qu'il bascula sur le dos, contemplant le ciel couvert et les flocons chutant sur son visage. Voyant un flocon différent des autres, il tendit son bras valide vers ce dernier pour s'en saisir avec difficulté. Ramenant la main vers son visage pour l'ouvrir, Hisamoro y vit un pétale rose, minuscule comme ceux des vergers qui faisaient la fierté de sa province. Le vieil homme sourit, le visage creusé et l'esprit épuisé.

Comment pouvons-nous continuer si la rédemption est hors de portée?

Alors que la volonté quittait le vieil homme, sa tête tombant lentement en arrière pour reposer dans
la neige, il finit par s'endormir paisiblement en serrant d'une main les restes meurtris du sabre qui avait autrefois fait sa fierté et sa vie.

Hisamoro était déjà parti depuis longtemps lorsque le pas lourd d'un destrier se posa à coté de son corps, et qu'une main gantelée le souleva d'un bras pour le placer sur la selle de sa monture, l'emmenant en sinuant vers les hauteurs du pic enneigé.







Un instant après, une épaisse fumée emplissait l'air de ce qui était autrefois un verger florissant. Les gantelets du sixième maître serraient la gorge de Bakaro No Sanekage, se tortillant et luttant sans espoir, jusqu'à lui rompre le cou. Rejetant le corps vidé de toute vie comme une poupée de chiffon, le sixième maître retournait d'un pas lent et pesant vers sa monture, traversant les ruines fumantes qui autrefois étaient si chères à son coeur, ses bottes heurtant lourdement les chemins de pierres soigneusement alignées et désormais jonchés de cadavres.


Dernière modification par Jaghatai Dotharl le 20 juil. 2016, 19:08, modifié 1 fois.

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