La Belle et la Bete

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Clarisse Vénéon
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La Belle et la Bete

Message par Clarisse Vénéon » 28 nov. 2017, 12:30

Caerfyrddin toisait le visage de son opposant dans la lumiere blafarde, tandis que sa cervelle cabossée par des années de combats se débattait dans un torrent de pensées contradictoires. Le flot de sa pensée avait noyé le bruit des acclamations provenant des gradins, pourtant noirs de foule.

Il se rappela d'abord comment son impresario, Kakapitali, avait présenté le combat, brandissant fierement une affiche ou Caerfyrddin dominait de sa stature imposante une jeune hyur apeurée qu'il couvait avec des yeux de braise. Littéralement: l'artiste avait peint des flammes dans les pupilles farouches du Roegadyn.

"Ecoutes, mon grand, on sais tous que tu n'en feras qu'une bouchée, mais avec une affiche comme ça, on va faire salle comble! Ni toi, ni moi, on n'a jamais rechigné devant la perspective d'une montagne de gils faciles, hein?"
En lettre gothiques, l'affiche annonçait: "Le combat de la saison! Ne manquez pas l'affrontement entre... La Belle et la Bete!"
Il avait levé un sourcil inquisiteur lorsqu'il avait pour la premiere fois posé les yeux sur ce slogan. C'était lui la Bete? Devait-il se sentir flatté ou outré? Mais surtout, qui était cette "Belle"?

"Ah, ne t'en fais pas, tu n'en feras qu'une bouchée! C'est une réfugiée d'Ala Mhigo haute comme trois choux de gysahl et épaisse comme une épine de sabotender. Elle allait mourrir de faim et elle s'est dit que rejoindre la guilde des gladiateurs lui permettrait d'abréger ses souffrances. A c'qui parait elle est jolie, en effet... pour une hyur."
Ils avaient rigolé ensemble a cette derniere remarque et avaient trinqué a cette victoire facile. A la suite de cette réunion, il n'avait pas arreté de repenser au slogan.

"La Belle et la Bete". Bien entendu, comme la plupart des habitants d'Eorzea, il avait entendu cette légende originaire du Linceul dans son enfance, et en ces temps d'innocence, il avait trouvé ce récit ridicule. Un prince Elezen changé en Morbol par une vilaine sorciere, a la limite tant mieux, ça lui a fait les pieds, a ce rupin! Mais qu'une jolie princesse arrive a développer des sentiments pour lui malgré son apparence répugnante et surtout la mauvaise haleine proverbiale de ces créatures, alors la, pour reprendre une expression de l'argot de Port-aux-vins, dont il était originaire, fallait pas pousser le bouchon trop loin non plus!
Mais, apres plusieurs années de Colisée, le visage du gladiateur avait été remodelé par les balafres, au point de perdre toute semblance humaine. Et son gout illimité pour les cigares Thavnairiens n'avait rien fait pour améliorer son haleine. Tout compte fait donc, le surnom de "La Bete" lui allait pas si mal, meme s'il préférait de loin celui que scandaient ses fans a chaque victoire: "L'égorgeur d'O'Ghomoro". Et, plus il perdait apparence humaine, plus il avait appris a apprécier ce qui était pour lui le message caché de cette fable: peu importe le physique, il y aura toujours des femmes vénales pour qui le meilleur aphrodisiaque reste une bourse remplie a ras-bord d'especes sonnantes et trébuchantes.

Caerfyrddin n'avait pas eu une vie des plus facile et, le jour du combat, alors qu'il contemplait le corps chétif de son adversaire a travers le sable de l'arene, il avait presque pitié pour elle. Presque étant le maitre mot. Face aux vissicitudes de la vie de gladiateur, il exocisait souvent sa frustration dans des acces de rage destructrice. Tel la proverbiale Gobbue dans un magasin de porcelaine, plus les choses qu'il cassait étaient délicates et précieuse, plus cela lui mettait du baume a l'ame et au coeur.
Or, la petite poupée en passe d'etre cruellement désossée sur le sable de l'arene semblait une incarnation de tout ce qu'il y avait de pur et de précieux dans ce monde. Sa peau diaphane et égayée d'une constellation de taches de rousseur semblait fine et fragile comme du papier de lanterne. Son visage adolescent affichait une candeur stoique, et des yeux couleur de ciel sans nuage jetaient sur le monde alentour leur lueur innocente. Il palpitait d'excitation a l'idée de défigurer cette beauté du bout de sa lame, de tracer des crevasses sanglantes sur l'épiderme lisse de la gamine. On disait que les nobliaux avaient le sang bleu, ce serait l'occasion de réfuter cette légende, se dit-il.

Il fut presque tenté, un court instant de s'offrir le luxe d'avoir pitié d'elle. La Calamité avait déja provoqué tant de souffrance, mais ceux qui avaient fui Gyr Abania et le joug impérial avaient eu une double-dose de malheur, et les fils que tissait Nymeia a leur encontre ne prévoyait pas de voir leur destin s'améliorer de sitot. Mais il pouvait voir, a la façon dont elle se tenait, dont elle parlait, et a sa complexion immaculée qu'elle venait d'une famille noble. Y'avait rien qu'il haissait plus que ces rupins qui croyaient que leur feces sentaient la lavende d'Althyk. Au moment ou Dalamud déversait destruction sur Aldenard, nul doute que cette gourgandine et toute sa famille sirotaient du thé, le petit doigt levé en tenant leur tasse et se goinfraient de petits fours...

Pourtant, sa jubilation était également entachée d'un peu d'inquiétude. Afin que les paris montent, et que les spectateurs délient leur bourses, il fallait que le spectacle dure. Mais la donzelle était tellement chétive qu'il avait peur de l'envoyer bouler en petant trop fort... Mais bon, il était un professionnel, il retiendrait donc ses coups dans les deux premiers rounds.
On donnait la jouvencelle victorieuse a 86 contre un. Caerfyrddin ne parvenait pas a comprendre ce besoin maladif de certaines personnes a parier pour l'outsider, généralement c'était le meme genre de personne qui proposait de remplacer les épées et les lances par des fleurs et d'affronter Garlemald a coup d'étreintes fraternelles et de baisers dans le vent. Généralement, c'était des idiots de rupin qui n'avaient rien compris a la vie...

Lorsqu'ils se mirent en garde il eut une moue de surprise: la stance de la jeune femme était correcte. Elle avait du s'appliquer pendant l'entrainement, voire meme étudier la théorie dans des bouquins dans sa jeunesse, typique des bourges quoi, toujours le nez dans leur livres, comme si etre analphabete avait jamais empeché quiconque de faire fortune! Il espérait qu'elle aurait un peu de répondant, cela rendrait cette mise a mort annoncée plus ludique.

Il avait décidé de commencer le combat en douceur, et il envoya plusieurs fois son épée mollement sur son adversaire avec un rictus moqueur. La jeune femme évitait adroitement ces attaques, tout en restant a distance, n'osant prendre l'offensive.
Dans les gradins, les spectateurs goguenards clamaient: "Du sang! du sang!"

Si Caerfyrddin avait fait une aussi belle carriere, c'était en partie parce qu'il savait donner aux spectateurs ce qu'ils voulaient. Sans prévenir, il enchaina une de ses maladroites attaques indolentes avec une frappe du bouclier vive comme l'éclair. Prenant la jeune femme par surprise, il éclata l'arcade soucilliere de cette derniere alors que la foule rugissait de plaisir comme un seul homme. La gamine partit en arriere en titubant, alors que le Roegadyn levait les bras victorieusement en clamant: "Vous vouliez du sang, je vous donne du sang!"

Lorsque les mugissements de bonheur du public se furent calmés, une voix limpide comme une source du Coerthas trompetta ironiquement: "Du sang, ou ca du sang? Allez mon gros, tu peux mieux faire..."

Il se tourna vers la voix, dont la propriétaire n'était autre que la petite réfugiée. Elle avait rabattu ses cheveux devant son front suintant d'hémoglobine pour masquer sa blessure, et alors qu'il croisa son regard, elle lui tira la langue pour le provoquer.
C'était le B.A.BA de la vie dans l'arene. Céder aux provocations de son adversaire était la derniere chose a faire. Un gladiateur vivant était un gladiateur qui savait garder son sang-froid. Il se contenta donc de rire.

Bien entendu, l'assistance fit écho de son rire, et il attendit que l'hilarité ne se calme pour se remettre en garde et recommencer ses lentes attaques destinées a gagner du temps jusqu'au 3e round. La cloche sonna la pause, et il regagna son coin.

Il profita de la pause pour faire un point rapide avec Kakapitali: la donzelle était a présent donnée a 212 contre un. Quasiment tout le monde avait parié, pas besoin donc de prolonger l'agonie jusqu'au troisieme round, il pouvait commencer la mise a mort dans quelques minutes. Il accueillit la nouvelle avec satisfaction.

Lorsqu'il reprit place sur le ring, la jeune femme lacha: "Dis donc, tu serais pas de Sharlayan, toi?"
Il se frappa fierement le torse avant de repondre: "Pourquoi que tu crois donc que qu'on m'appelle "l'égorgeur d'O'Ghomoro", greluche? Des tétons de ma mere coulait le nectar salé des flots de Rhotano!"

A quoi la jeune femme répondit sur un ton autoritaire: "Alors veuillez bien cesser de jouer les escargots! Ces gens sont venus pour entendre chanter l'acier, pas pour subir une berceuse!"

C'étaient bien les bourgeois tout crachés, ça, se dit-il en reprenant sa garde sous les railleries du public. Tellement habitués a se faire servir sans attendre que meme en ce qui concernait leur mort, il fallait que cela se passe fissa!

Il commença donc a attaquer sérieusement, et rapidement, il comprit que quelque chose n'allait pas. Elle lui opposait une garde impeccable, et plus il tentait de prendre de force cette forteresse imprenable, plus ses efforts s'avéraient vains.

Elle avait une technique qu'il n'avait jamais vu auparavant pour diffuser la puissance de ses attaques, a base de moulinets tout en douceur.

Soudain, la jeune femme ouvrit une breche inespérée dans sa défense, et le gladiateur aguerri ne pouvait laisser passer cette opportunité. Il s'engouffra lame la premiere dans le trou béant, et pouvait deja sentir le tranchant de sa lame dépecer les entrailles de la jeune beauté.

Mais au moment ou l'acier allait s'unir a la tendre chair de l'abdomen de la jeune femme, celle-ci frappa rapidement le poignet du Roegadyn sur un point de pression avec son bouclier. Il sentit sa main perdre toute vigueur, ses doigts se relacher a l'insu de son plein gré, et la lame finit sa course sur le sol sableux de l'arene dans un bruit mat. La jeune femme avait deja amorcé une virevolte rapide autour de son adversaire massif, et au moment ou il réalisait qu'il etait tombé dans le piege comme un bleu, elle avait deja sectionné son talon d'achille et ses jambes se dérobaient sous lui. Plongeant le nez en avant vers le sol, Caerfyrddin se fit la réflexion que cette victoire trop facile avait un gout désagréable de poussiere.

C'etait le B.A.BA de la vie dans l'arene: ne jamais sous-estimer son adversaire. Un gladiateur prudent était un gladiateur vivant.

Il serra les dents, prets a déverser un tsunami d'injures toutes plus colorées les unes que les autres. Une adolescence passée dans les bas-fonds lominsiens lui avait fourni les épithetes et expressions les plus fleuris du continent, mais une réalisation soudaine le retint de déverser ce flot d'immondices. Elle avait gagné de maniere loyale, et avec brio qui plus est. Elle méritait le respect du aux meilleurs gladiateurs, et que Dalamud sécrase a nouveau s'il allait se comporter comme un vil gougnafier sans honneur!

Il se redressa donc avec peine pour la saluer un genou a terre, acceptant humblement sa défaite: "Je m'incline. Si on m'avait dit que l'Egorgeur d'O'Ghomoro serait terrassé par une demi-portion, j'aurai conseillé a cette personne d'arreter de sniffer de l'huile de rose d'Azeyma avec les Sylphes! Dites votre nom au public afin qu'il puisse acclamer le vainqueur de ce jour!"

Elle lui rendit son salut en silence, avant d'annoncer résolumment: "Je m'appelle Clarisse. Clarisse Vénéon."

Caerfyrddin toisait le visage de son opposant dans la lumiere blafarde, tandis que celle-ci se penchait pour lui murmurer a l'oreille: "J'ai bien peur qu'avec cette blessure, vous ne puissiez jamais vous battre a nouveau. Mais par la grace de Nophica, vous devriez rester suffisamment mobile pour devenir instructeur a la Guilde. Lorsque les paris ont commencé pour ce combat, je n'avais plus que deux gils en poche. J'ai bien entendu misé un gil sur moi, ce qui devrait me permettre de récolter un pécule confortable. Le second gil, je l'ai misé en votre nom, afin de financer votre convalescence. N'oubliez donc pas de récolter votre part avant de partir a l'hopital."

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