Chap 2 : Quand le Coeur vacille en Raison
Ne pouvant vivre seules sur ces terres, la jeune Morgause et sa nurse ,hyur, Cyndelle, prirent manoir en la Sainte Cité. Un régisseur fut nommé par la Maison Dzemael pour prendre en charge et protéger le domaine jusqu’à ce que la jeune pupille soit en âge d’assumer son destin.
N’ayant pas de grands moyens, ils n’eurent qu’une humble bâtisse, digne bon d’un bourgeois et un peu trop proche de Brouillasse pour une jeune noble.
Certains diront que c’est de la faute des origines de sa nurse, mais Morgause , dans l’insouciance et l’innocence de son jeune âge n’avait que faire des convenances, des rangs et des conditions des enfants avec qui elle s’amusait.
Plusieurs fois sa nurse et le garde de faction ont du aller la chercher dans Brouillasse, en la grondant vertement. Mais elle trouvait toujours matière à s’échapper. Voir même plus on cherchait à la restreindre, plus elle mettait d’énergie à s’échapper et à rejoindre ses amis de Brouillasse.
Mais, une fois, elle frôla la mort de froid et c’est un des jeunes garçons de Brouillasse qui prit le risque de sortir au couvre-feu pour aller chercher du secours. La jeune enfant fut trouvée transis de froid dans une sous pente de Brouillasse et le corps meurtri de nombreux coups. Le jeune garçon tenta d’expliquer que Morgause était rentrée dans une rage folle et montrant son propre corps lacéré à plusieurs endroits, il expliqua que ses compagnons n’avaient fait que de se défendre devant sa furie. Bien sur, on ne crut pas le jeune garçon qui fut sévèrement fouetté et envoyé au servage à Brumeroc en compensation.
Il fut donc décidé d’envoyer la jeune fille au pensionnat avant de la faire entrer au Scolasticat.
Commença alors une longue période faite de discipline, de prières, et pas très agréable pour une fille de basse noblesse au passé « sombre » pour ne pas dire autre chose.
On lui apprit d’importantes choses comme la bienséance, faire la révérence, une conversation polie ainsi que la broderie, la haute cuisine, tout ce qu’une future maîtresse de maison, ou dame de compagnie doit savoir.
Étrangement, telle l’eau qui dort sous la glace, Morgause fut un modèle d’exemplarité, humble et travailleuse.
Son entré au Scolasticat se fit donc de manière toute naturelle, même si clairement elle préféra rapidement rejoindre les orphelins non nobles que les rejetons des Dzemael ou de leur maison féale.
Elle y passa encore quelques années studieuse, sans jamais rechigner, et se portant volontaire à chaque fois pour aller aux soupes populaires qui étaient organisées à Brouillasse.
Sa beauté, tout comme sa gentillesse, commencèrent à la placer parmi les « partis » à mettre en valeur.
De plus étant considéré comme héritière de son domaine et de ses titres, clairement en faisant une proie de choix pour qui cherchait à se placer en vue de la Maison Dzemael. Certes il y avait quelques accrocs dans le blason, mais qui pouvait s’en soucier. Ainsi on commença à l’inviter dans des bals et autres soirées, elle n’y brilla pas et cherchait surtout à esquiver les coups de boutoirs des autres jeunes femmes de plus haute ascendance et qui voyait en elle autant une parvenue qu’un risque pour leurs vues et prétentions personnelles.
On commençait déjà à parler mariage et il n’y avait plus qu’à attendre le jugement à l’anniversaire de ses 14 ans
Mais, alors que tous s’attendaient à voir une frêle jeune femme timide, recevoir les instructions du tuteur de la Maison Dzemael tête baissée dans le plus profond recueillement. Quelle ne fut pas la surprise de la voir arriver portant fièrement l’épée et l’armure d’écuyer de sa mère et de réclamer, par Halone, son nom, son titre et ses terres ainsi que le droit de rejoindre les rangs des templiers pour aller châtier les Dravaniens et les hérétiques !
Devant tant de ferveur, mais aussi du fait de voir cette frêle jeune femme brandir une arme avec prestance et dextérité raviva le cœur de la populace présente au jugement : enfin une nouvelle héroïne !! Gloire à Halone !! Si bien que le jugement fut prononcé avant même que quelqu’un n’intervienne !
Morgause de Brumeroc reprit donc ainsi, son nom, son titre, son blason et ses terres mais pas ses griffons qui restaient sous le contrôle de la Maison Dzemael pour l’effort de guerre. Les Dzemael s’engageant à lui fournir un griffon de son propre élevage si elle réussissait à devenir templière.
Ainsi, on comprit que si la petite fille sage était rentrée dans le rang, c’était sous la promesse que lui avait fait sa nurse qui était en fait l’ancienne page de sa mère. Cyndelle avait promis de la former physiquement et mentalement à prendre la relève de la famille au combat durant chaque période de vacances, si et seulement si elle restait dans les attendus de la bonne société et sans aucun écart de conduite jusqu’au jugement.
Ce matin-là avant de partir au tribunal, Cyndelle lui avait amené une ancienne tenue de sa mère ainsi que sa dernière lame. Prétextant de devoir se changer, elle invita la jeune femme à l'écart et la transforma en fière combattante cachée sous un épais manteau d’hiver.
Même si un œil averti aurait pu voir une musculature et des éraflures sur le corps de la jeune femme, mais encore eut-il fallu être une intime ou franchir les limites de la bienséance. De plus la jeune femme se démenant corps et âme dans les œuvres caritatives du Scolasticat, certains avaient remarqués qu’elle ne rechignaient --(rechignait)-- pas, une fois dehors, à porter les charges les plus lourdes avec de plus en plus d’aisance. Mais ce ne sont pas ses camarades orphelins hyurs qui l’auraient trahi.
D’ailleurs suite à cette annonce, plusieurs de ces camarades demandèrent à suivre son exemple, et comme on manque toujours de volontaires motivés à combattre sous la Sainte Bannière, il ne leur fut rien refusé devant tant de ferveur et de patriotisme !
Mais la maison Dzemael ne comptait pas s’en laisser départir et fit pression pour qu’aucun chevalier de rang ne l’accepte en formation d’écuyer. Devant autant de refus, la jeune femme ne baissa pas les bras et proposa même de rejoindre le front prouver sa valeur. Finalement la maison céda, mais en envoyant un Hyur : Bostorus , certes chevalier , mais connu pour sa violence et son acharnement à perdre ses écuyers au combat avant leur adoubement.
Soudard, hirsute, borgne et bagarreur, il n’avait du son rang de chevalier qu’à avoir sacrifié son œil droit dans les griffes d’un dravanien en sauvant un membre influent de la Maison Dzemael. Depuis il était plus considéré comme la main gauche, l’exécuteur des basses œuvres et tourmenteur officiel de toute personne de basse extraction ayant parlé à tort des Dzemael.
Le Comte indiqua à Morgause que ce serait lui ou le mariage, voir les deux si elle tentait de se soustraire de quelque manière. En contrepartie, si Bostorus acceptait de finir sa formation et de la proposer lui-même à l’adoubement, le Comte accepterait sa décision, et il annonça cela officiellement devant témoins.
Ce qui fut rapide à comprendre, c’était que Bostorus n’avait que faire de la condition, de la race, ou du rang de la jeune femme. Cyndelle craignant pour l’honneur de sa pupille demanda à les suivre, mais cela lui fut refusé.Cependant, elle réussit à faire jurer le Chevalier au temple d’Halone d’engager son honneur à préserver celui de la jeune femme.
Celui-ci s’engagea sur ce point et assura qu’il veillerait qu’elle ne vive pas dans le déshonneur tant qu’elle serait sous sa responsabilité.
Commença alors une période de plus de 6 années d’une formation épuisante.
Loin d’être un bourreau lourdaud et insensible, tel que pouvait le laisser penser sa nature peu avenante, Bostorus était un « fils du peuple », ancien chasseur d’ours il lui expliquait qu’en fait il avait été surpris par un fils du comte à braconner sur ses terres et qu’il allait être promptement pendu lorsqu’un Dravanien avait surgi et attaqué le fils du Comte.
Loin de profiter de l’occasion et de fuir, Bostorus avait sauvé la vie du fils du Comte en y laissant un œil, un visage défiguré et une jambe qui le faisait atrocement souffrir et qu’il apaisait chaque jour avec un mélange d’onguent rares et coûteux que lui fournissait la Maison Dzemael.
Certes il avait rejoint la maison où on l’avait d’abord employé comme homme à tout faire, puis on le laissa accompagner les jeunes seigneurs en « goguette » où ses qualités et aptitudes au combat, l’avait propulsé du rang de domestique à celui de soldat. Puis un bon gros dravanien lui avait permis de devenir Chevalier, mais on lui avait fait vite comprendre qu’il ne pourrait jamais prétendre à autre chose que de servir honorablement ses maîtres.
Au bout de quelques années, l’homme et la jeune femme avaient établi une liaison presque paternelle. D’ailleurs étrangement Cyndelle s’était attachée à Bostorus et l’ont pu penser qu’ils se seraient mariés.
Mais sous les yeux de la Maison Dzemael , Bostorus ne faisait que la rudoyer et affichait un froid détachement.
Ce dernier avait fini par lui avouer que ses précédents écuyers n’étaient pas mort au combat, car si le premier était mort dans un terrible accident, on avait fini par lui envoyer des enfants très atypique, et il avait fini par comprendre qu’on lui envoyé des bâtard à faire disparaître « dans l’honneur ».
Il avait donc commencé à s’arranger pour que les enfants disparaissent sans que le comte ne découvre la supercherie, mais il lui jura qu’à sa connaissance ils avaient une vie respectable … au loin…
Il lui apprit donc tout ce qu’il savait, de l’art de pister un gibier, à faire un feu, survivre, savoir gérer et forger son armement, durcir ses muscles et son mental. Mais par-dessus tout l’homme était sincèrement pieux, mais pas très versé dans l’orthodoxie. Il frisait parfois avec l’hérésie, mais pour lui les enseignements d’Halone étaient pour tous sans distinction de rang ou de race, ou de moyen. Il lui apprit donc la valeur des choses, des hommes et des âmes.
Il puisait sa force dans un coin de son âme où régnait une terrible noirceur qu’elle ne put jamais touché, mais elle y sentait une blessure bien plus profonde que les marques laissées sur sa chair.
Puis dans les fleurs du printemps de l’Année 1572, Bostorus fut convoqué devant le Comte de Dzemael, ramenant un farouche guerrière derrière lui. Haut et fort il clama qu’il n’avait eu à subir pire Fléau mais que comme elle avait survécu au contraire des autres, elle avait le droit de combattre par elle-même pour son honneur, en souhaitant une bonne mort à ceux qui la défierait … Laissant sous-entendre clairement qu’il avait essayé mais qu’il en ressentait encore une grande blessure… Ce qui refroidit très vite de jeunes prétendants qui ne connaissait que les sabres d’entrainement en bois.
Le Comte accepta comme il l’avait promis, nul ne sut s’il était heureux de cet arrangement… Elle fut donc autorisée à rejoindre l’armée en tant que Chevalier et demanda à recevoir l’enseignement des Templiers.
Bien qu’on lui fît signer un testament qu’en cas de mort aux champs d’honneur sans descendance officielle, ses biens, ses terres et ses titres reviendraient à la Maison Dzemael, elle put incorporer les Templiers dans l’attente de son adoubement.
Anisi Lady Morgause de Brumeroc prit les armes au nom de la Saint Eglise.