[BG] Kakita Sanjuro

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Malheur
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[BG] Kakita Sanjuro

Message par Malheur » 26 juil. 2017, 20:11

KAKITA SANJURO
« La lame et le vide ; l’esprit de l’haïku »



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« Soleil et Lune
Couvrent Kamis et Fortunes
L’Ordre Céleste »

Tout à une raison d’être Jun'ichirō chan. A l’origine de tout il y a l’Ordre Céleste voulu par Dame Soleil et Sire Lune et leurs enfants les Kamis, car l’esprit des hommes est propice à l’égarement et à l’inconséquence. Alors les dieux dans leur grande mansuétude nous ont apporté des repères pour mieux conduire notre destin. L’Ordre Céleste divise notre royaume en trois castes, en trois tiers. Les « samouraïs » viennent en premier, suivis des « heimins » le demi-peuple et enfin les « hinins », le non-peuple.

Les trois tiers comme les trois repas quotidiens et les trois âges de la vie ; le jeune, l’adulte et le vieux… l’innocence, la maturité et la sagesse. C’est ainsi que normalement, nous devrions vivre bien que beaucoup ne passe pas le second et encore moins le troisième… surtout en ces temps troublés. L’Ordre Céleste est aussi ce qui conditionne notre devoir ; être fidèle et obéissant à sa destinée.

Chacun à sa place doit œuvrer de son mieux pour honorer son maître, l’héritage de ses ancêtres et les dieux. On ne change pas l’Ordre Céleste ; aucun homme si sage soit-il, à l’exception de Shinsei Sensei lui-même, ne peut prétendre comprendre l’entière portée de ce dessein divin et de ce qu’il permit à notre royaume de s’élever et se couvrir de gloire.

Tu le comprendras, Jun'ichirō chan… tu le comprendras plus tôt encore que moi.


« Battements d’ailes
Son reflet majestueux
Le vol de la Grue » »

As-tu observé le vol de la grue ; comme elle déploie ses ailes immaculées ? Hissée sur ses hautes pattes, elle se préserve de la souillure mais ne refuse pas de fouler le sol comme d’autres oiseaux qui restent perchés loin des réalités et du danger. La grue ne se laisse pas débordée par les autres mais ne manque pas de charité. Y a-t-il allégorie plus juste de ce que doit être un samouraï respectant le bushido en survolant le monde ? Toujours droit, fier et impeccable ; il affronte le monde en faisant fi de la mort, refusant inexorablement de compromettre son honneur par la moindre tache car elle ne peut-être qu’indélébile. Oui, le samouraï survole le monde, conscient de son devoir pour lequel il accepte de ne s’attacher à rien qui puisse l’en détourner ; être prêt à s’envoler, c’est être prêt à mourir.

Toi qui connais si bien la bonté innée et la pureté divine de l’âme humaine bien que ne l’ayant jamais exprimé, pareil à la grue tu as un pris ton envol pour toiser les rivages du « Meido » et caresser les vents du destin au rythme de tes ailes. Avant de t’envoler, n’ai-je pas tenté de te retenir à la chaleur de mes bras ? Que n’as-tu pas agrippé mes doigts dans tes petits poings serrés ? Etais-tu donc si pressé de déployer ton ombre sur vos corps endormis ?

« L’éclat meurtrier
D’une courbe endeuillée
Fil de la lame »


Combien le destin, par la volonté des Kamis, a été clément de nous faire naître sous les claquements secs d’un nom si glorieux ; Kakita. On dirait le décompte, inlassablement répété, du maître d’arme qui cadence les uchi-komi exécutés par ses élèves. Aucun nom n’aurait mieux convenu que celui-ci, à l’une des plus prestigieuses écoles de sabre qu’il ait été donné d’accueillir à notre royaume. Il est une sentence en trois tiers qui à l’image du Iai Jutsu, se dégaine, frappe par le « ki », l’énergie souffle de la vie et se rengaine.

La voix du sabre est un chemin vers la vérité qui appelle le vide ; elle dit tout de l’homme qui l’emprunte. Affuter son esprit, son corps et sa lame pour ne faire qu’un, pour être le souffle de la mort, en abandonnant son sakki pour se faire le miroir de l’autre.

Le souffle de vie peut-être l’as-tu ressenti Jun'ichirō chan ? Il fut peut-être bref, comme l’éphémère brise qui poursuit le sillage de la lame. Au fil de nos sabres on découvre nos âmes, l’instant est précieux ; il met en accord l’action et la pensée. Ne faire plus qu’un avec soi-même, ne pas douter. Qu’importe l’issu, nous exécutons le geste pour sa beauté, nous recherchons l’excellence et la pureté. C’est ça l’esprit des Kakita et l’âme de la Grue, ; offrir sa vie pour magnifier la vertu.

Oui, ne l’oublie pas… je serai fidèle à ce principe pour que toi aussi tu sois fière, Fuyuka, toi qui sera à jamais le parfum de l’hiver. Sur ta peau neigeuse, où meurt le souvenir de mes baisers, je laisse l’éclat de mes larmes te faire cette dernière promesse avant de vous laisser.


« Face au destin
Seule conduite à tenir
La voie du guerrier »

A toi petit homme, il me faut évidemment te parler du bushido, car il a cours même dans le « Meido ». Le Bushido c’est mourir chaque jour pour être prêt à le faire vraiment. Celui qui craint la mort ne peut avancer dans la voie du guerrier. Rien n’est éternel, tu le sais au même titre que moi. Nous sommes appelés à passer mais de nous seuls dépend la manière et le sens que nous donnerons à notre mort. Il n’y a qu’une seule façon honorable de livrer son dernier soupir ; c’est en accomplissant son devoir.

Ne te méprends pas sur le sens de mes paroles, le samouraï ne recherche pas la mort, il l’accompagne. Il en fait sa confidente, elle recueille son affection et sa dévotion, car il sait devoir la rejoindre un jour sans ciller. Nul samouraï ne peut prétendre accomplir son devoir sincèrement et loyalement s’il n’est pas prêt à mourir à chaque instant. Mais mourir n’est pas la fin, c’est seulement un autre moyen de servir honorablement.

Si tu imagines à chaque instant toutes les manières de succomber, même les plus effroyables, elles finiront par te paraître familières et au jour de choisir entre l’honneur et la honte, tu sauteras avec vigueur dans le brasier. Tu ne reculeras pas devant le mur de lames, ou la fureur du torrent. Tu plongeras dans la mort comme tu te lèves à l’aube ; serein et déterminé.

De l’autre côté, connaîtras-tu un tel destin ? Aucun de nous ne saura te le dire avant de l’avoir expérimenté. Il n’y a qu’une seule manière de vivre, c’est de mourir en étant honorable. A l’heure de nous rejoindre, sauras-tu dire que je l’ai été ?


« Face au chemin
Faire sienne la sagesse
Tao de Shinseï »

Sache cependant, Jun'ichirō chan, que la vie, comme la mort, ne sont rien si nous ne nous attelons pas à les traverser en recherchant la sagesse. Si la maturité succède à l’innocence c’est pour accoucher d’un sage. Ce chemin-là n’est pas moins ardu que celui du guerrier, car il nourrit ce dernier. Combien de bushi se sont évertué à mourir en croyant le faire pour l’honneur alors qu’il le faisait par fierté ? Sans la sagesse, le bushido peut facilement être dévoyé. Shinseï Sensei a dit « n’essaye pas d’être quelque-chose, mais d’être quelqu’un » ; il invitait certainement à ne pas devenir une interprétation du bushido mais à être le bushido lui-même. Celui qui s’affranchit de l’humilité et de la réflexion, manque de sagesse et empruntera un chemin qui le perdra.

Accède-t-on à la sagesse aux portes de la mort quand on ne l’a pas atteint au cours de sa vie ? Et quand le souffle de la vie émerge et s’abîme dans un même temps, a-t-on le temps de gagner l’illumination ?


« Le cœur alourdit
Du poids des corps endormis
Parfum de l’hiver »

Il y a trois ans déjà et dans mon coeur c’est toujours un peu l’hiver. J’observe la neige et je devine encore le voile qui couvrait la vie de tes yeux verts. Petit corps endormi sur le souvenir de ta mère. Les larmes obscurcissent ma vision, le sang brouille ma raison... C’était hier et pourtant déjà combien de saisons ? C’est ma lame qui ouvrit la porte de ta misère, quand je cherchais tes bras dans les entrailles de ta mère. Je sais bien comment elle t’aurait trouvé ; beau, fier et bien proportionné. Nous t’avions choisi un nom à l’image de ta pureté ; jamais aussi bien porté puisqu’il n’aura pas le temps d’être souillé. Il n’y avait que son sang ce jour-là pour te protéger… rien pour t’accueillir, ni femme, ni guérisseur puisque je n’en ai pas trouvé.

Mon fils, t’ai-je bien tout expliqué ? Sauras-tu te souvenir de ce que je t’ai enseigné ? Je n’ai pas su trouvé dans tes yeux la certitude d’avoir su te donner les armes pour affronter ta destinée. Il y a trois ans déjà et je me souviens mot pour mot ce que je t’ai raconté… n’était-ce pas le devoir d’un père de te préparer, te tout t’expliquer, fut-ce à ton corps abandonné ? J’avais eu tout le temps d’imaginer ce que je voulais te dire quand tu aurais eu l’âge de savoir parler. Il y a tant à dire pour expliquer ce que nous sommes, de crainte que l’occupant finisse par nous le faire oublier… c’est que depuis des années nous ne nous sommes pas vraiment illustrés. Il en aurait néanmoins fallu des années pour faire de toi un samouraï tel que j’aurai rêvé l’avoir été.

Mais ce temps, on me l’a volé…


« Croisée des chemins,
Donner un sens à sa vie
Musha Shugyō »


Tout cela est arrivé parce que nous avons failli… moi aussi mon fils, même si je ne suis personne, seulement un modeste bushi. Mon père encore, eut le bonheur et l’honneur de mourir lors de l’invasion en menant ses hommes, respectable « chui » qu’il était de la garde de notre clan. Mais moi ? J’ai vécu à l’ombre de la soumission de notre clan face à l’envahisseur. Quand bien-même ai-je participé à la résistance, toute fierté est morte lorsque nous avons commis l’irréparable en provoquant la disparition de notre Daimyo dans la destruction de notre palais que nous tentions de reprendre en vain.

Mais la culpabilité et la honte sont bien sur nous tous, qui avons commis la faute de renoncer à cause de la « peur ». Elle est le premier péché du néant quand il comprit qu’il n’était rien. C’est cette même peur nous a paralysé de crainte de n’avoir plus rien. Quant à moi j’ai commis le péché du « désir » en rêvant le bonheur d’aimer et de l’être en retour. A présent puis-je seulement échapper au « regret » pour ne pas commettre ce dernier péché ?

Ne dit-on pas que celui qui failli par la voie des armes ne peut espérer renaître que par elle ? Sinon, il ne reste plus qu’à admettre sa défaite et à commettre le seppuku. J’y ai pensé longuement, mon adorable épouse, mon bien aimé fils, mais j’ai dû y renoncer sauf à commettre une faute plus grande encore, en abandonnant mon daimyo ce qui m’aurait déshonoré. Dans ma misère j’ai trouvé au travers le devoir la force de résister à la tentation de vous rejoindre, à moins qu’il ne fût une excuse bienvenue pour ne pas affronter la mort.

Le Musha Shugyō est par principe un pèlerinage d’aguerrissement, de recherche de soi pour mieux s’accomplir et revenir : utile à son daimyo et par-delà, à son clan. Face au constat de l’échec, lorsqu’on a perdu ce qui nous semblait le plus cher, peut-on avoir l’orgueil de croire qu’une rédemption est possible au travers cette quête de sens et de réalisation. Se réaliser… prendre conscience de soi-même et redonner un sens à sa vie. Si j’ai failli par les armes et d’avoir emprunté le chemin inextricable de l’amour, peut-être devrai-je m’y confronter à nouveau pour conjurer les démons qui hantent maintenant mon esprit.

La voie du milieu… la rivière du destin où l’eau coule pour ne jamais revenir en arrière, bordée du « Meido » et du « Meifumado ». Je suis le loup qui chemine sur les rives enneigées, foulant la mort de mes pieds pour voir où me conduira la rivière avant de m’endormir dans la froideur d’un hiver qui n’aura de cesse d’essayer de me rattraper. Le printemps est-il possible pour celui qui a péché ?

A l’épreuve de la meute, peut-être survivrons-nous aux saisons.


Mon du Musha Shugyo du Loup |------------------------| Mon de la famille Kakita

[Lexique]

• Chui : lieutenant.

• Daimyo : Seigneur.

• Meido : Au-delà.

• Meifumado : Enfer où séjournent les démons et les damnés.

• Sakki : Sens qui permet de ressentir et anticiper un danger présent. Mais ce terme désigne aussi une pulsion meurtrière ou une montée de violence. Cela désigne aussi l’envie de tuer perceptible dans l’air et dirigée vers quelqu’un. On dit parfois aussi « soif de sang ».

• Uchi-komi : répétition d’un mouvement en art martiaux en vue d’en faire un automatisme et d’en accélérer le réflexe et la vitesse d’exécution.

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