[Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

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Scàthach
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[Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

Message par Scàthach » 03 sept. 2022, 12:35

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DU SANG DANS LE VIN
Une petite silhouette blanche se faufilait entre les colonnes des bains et vint se placer juste au bord du bassin d’eau chaude fumant dans la nuit glaciale. Le regard mauve accrocha l’horizon où commençait tout juste à se dessiner les prémices de l’aurore naissante. On était encore entre chien et loup et Dame Nuit commençait à ramener vers elle son obscur manteau. Pieds nus en petite robe blanche au milieu de toute cette pierre grise glacée, la raenne expira doucement, son souffle produisant un petit nuage de vapeur gelée, on aurait dit quelque étrange et intangible apparition dans des ruines oubliées.

De l’extérieur, on ne l’apercevait guère, la haute silhouette majestueuse de l’édifice la dérobant aux regards. Un pas hésitant, un bras se leva et la danseuse s’élança d’abord à petits pas menus, comme semblant tâter le terrain de cette improvisée, chaque muscle roulant, tandis que les mouvements s’étiraient, d’abord lents, puis, prenant peu à peu un rythme plus soutenu. Le regard mauve ne semblait accrocher qu’un point invisible droit devant lui, sombre, ourlé de profondes cernes bleu-violacées, triste aussi, abattu.

La lune noire avait été difficile et elle en ressentait encore l’écho ombral dissonant au cœur de tout son être. Une vague de mélancolie s’était abattue sur elle, lui faisant tout envisager sans saveur, sans espoir. La soirée improvisée passée chez Meleth avait encore plus plongé la jeune femme dans cet abattement. « Nous n’y arriverons jamais, l’équipage est une cause perdue, je m'épuise à poursuivre des chimères. » avait-elle conclu, en rentrant chez elle.

Malgré l’état émotionnel en proie au plus total et parfait chaos, l’esprit lui continuait d’observer, d’analyser, froid, rationnel, détaché.
«♪ I was given a heart before i was given a mind… ♪


Le pouvoir de l’amour qu’elle décriait tant, ne le comprenant pas véritablement au fond d’elle, était-ce cela la solution ? Aimer inconditionnellement ? Elle avait beau retourner ces principes, Hotaru sentait que cela ne résonnait pas elle, il ne se passait rien au niveau émotionnel. Elevée par deux femmes dures et intraitables, la raenne n’avait pas eu l’occasion de découvrir la tendresse des sentiments entre les personnes et la mention de l’amour la laissait à chaque fois en proie à des abîmes d’incompréhension. Dévouée, à l’écoute, compréhensive, passionnée et attentive à ses prochains, elle se savait l’être, mais pour la jeune femme, il était difficile d’aller au-delà.
« ♪ Come and feel the love like a sinner… ♪ »
Et la voici qui chantait sa peine à la lune démissionnaire déjà tandis que le feu du soleil apparaissait triomphalement sur la ligne d’horizon et qu’Empyrée doucement s’éveillait pour un nouveau jour où tout serait de nouveau mis en balance, pesé, mesuré, jugé, décidé, résolu sans doute. Aucun pouvoir de l’amour ne venait la soulever pour la ramener encore auprès des siens et dans un souffle, Hotaru décida.
« ♪ The glorious teachers are no use for the creatures who plays with the gods… ♪»
A l’intérieur, une lettre l’attendait, celle de pouvoir atteindre et réaliser son objectif de développement des Relais de la Luciole. Et ce projet fou, insensé, qui s’était présentée à elle sous les traits d’une jeune miqo’te sortant tout juste de son île, perdue et craintive.

« Tu es une Passeuse » lui avait-elle dit comme si ça coulait de source. « Tu fais passer les gens de Flammecosme à Noctelune. Chez moi, la caste des Arpenteurs du Rêve est la plus puissante mais on ne parle pas de ces choses-là, non. Il est des Noms qu’il vaut mieux ne pas prononcer.» avait expliqué Mahjeh la voyageuse. Une rencontre qui n’avait rien de fortuit, leurs domaines oniriques respectifs étant venus violemment se percuter une nuit de manière inopinée sans doute mais pas hasardeuse. Il y avait du sens dans cette rencontre et la raenne sentait au fond de ses tripes qu’il y avait quelque chose à creuser.

Mais pour l’heure, Thavnair était le centre de ses préoccupations. Après des semaines et des semaines à prospecter, approcher les Arkasoaras, il y avait peut-être une opportunité qui se présentait à elle, celle de devenir un de leurs glaneurs. Une semaine pour faire ses preuves, démontrer qu’elle était capable de relever tous les défis qu’on lui demanderait tandis que Dadjeel lui imposerait à côté son rythme infernal, sa dureté et sa discipline.

Dans cette effervescence contrôlée dans laquelle il n’y avait aucune part pour les sentiments et les émotions, la petite danseuse de Yanxia retrouverait une forme d’équilibre, de sérénité. Là-bas, elle n’aurait pas le temps à penser à tout ce qui la contrariait.

Il faudrait remettre Mahjeh aux bons soins de l’équipage puisqu’elle ne pourrait l’accueillir elle-même mais elle ne doutait absolument pas que ses compagnons sauraient s’occuper de la nouvelle arrivante et de ses difficultés. Un soir, sans doute en proie à la nostalgie de son pays natal, la miqo’te lui avait révélé pourquoi elle était ainsi conditionnée dans cette attitude craintive et soumise, dont le regard fuyant cherchait toujours en premier la sortie pour s’échapper avant d’envisager quoique ce soit d’autre.

En plus d’apporter à son aide à une aventurière en devenir qui peinait bien à se faire une place au cœur d’une société totalement différente de la sienne. Ça, la jeune femme connaissait bien et dans un élan bienveillant, elle était venue à la rescousse de l’effarouchée. Lui donnant gîte, couvert, quelques vêtements aussi puisqu’elle n’avait que ce manteau loqueteux bien trop chaud pour la douceur de Brumée. Hotaru se revoyait dans cette jeune femme, c’était indéniable et elle avait l’occasion de pouvoir se rendre utile auprès de quelqu’un, elle n’hésita pas une seule seconde. L’étude de ce nouveau cas s’avérait terriblement fascinant et la raenne se réjouissait de pouvoir se plonger à son retour dans cette nouvelle quête aux dimensions très humaines.

Mais pour l’heure, elle dansait tout cela, ses doutes, ses peines, sa mélancolie, ses espoirs, ses envies qui prenaient consistance, elle nettoyait en profondeur son être, se recentrait en son socle, y cherchant assise, puissance sereine et tranquillité de l’âme. Un courant rouge orangé se souleva alors tandis qu’une brise électrique soulevait sa chevelure blonde. Tout autour d’elle, les vagues aux couleurs chaudes ondulaient venant dévorer la fumée violet sombre qui s’échappait d’elle. Shiroyume dans sa nouvelle version éclatante se matérialisa sous l’impulsion, laissant échapper une flopée de petits papillons irisés tout autour d’elle. Le spectacle était magnifique et fascinant ainsi que tout travail de danseur correctement exécuté l’exigeait.

Et l’énergie de mouvement vint dissoudre le doute, la peine, l’impuissance et la léthargie pour les transformer en force brute, une force de mouvement telle que, lorsqu’elle traversait le petit corps diaphane, elle aurait pu le briser si l’esprit, fort et déterminé, n’avait pas tenu le gouvernail de cette manœuvre difficile.
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La danse s’arrêta sur ce point d’orgue mais surtout parce qu’une poigne puissante l’enserra par derrière pour la soulever du sol tandis qu’un souffle chaud dans son cou la faisait légèrement frissonner. Aimait-elle Lucien ? Vaste question à laquelle elle n’avait pas de réponse. Elle respectait, admirait, comprenait cet homme au-delà de bien des gens. Dans la carapace sévère et froide du chevalier, il y avait un malstrom émotionnel et une sensibilité qui en aurait étonné beaucoup. Il la tirait sans cesse vers le haut, mais était-ce cela l’amour ? Pouvoir vivre aux côtés d’une personne au quotidien, entrer dans son intimité sans pour autant empiéter sur elles ?

« Je ne te demande pas que nous soyons fusionnels Lucien, je demande que nous soyons là l’un pour l’autre. »

La jeune femme n’avait pas besoin de son amant, dans l’absolu, elle n’avait besoin de personne.

« J’ai envie de toi. » répondit-elle à l’elezen, comme pour venir conclure cette réflexion. Elle n’avait pas besoin de Lucien mais elle avait envie de lui à ses côtés et personne d’autre. « Tu es celui que j’ai choisi entre tous », lui disait-elle souvent d’un ton grave et cela sonnait pour elle comme la plus touchante des déclarations d'amour.

Tandis que Lucien l’amenait à l’intérieur, pensant juste assouvir son désir du moment, inconscient de ce qui se jouait dans l’esprit de sa compagne, le regard mauve accrocha une dernière fois l’astre de flamme qui étendait ses rayons sur le monde. Une nouvelle aube se levait, pleine d’aventure, de promesses. La lumière chassait les ténèbres une fois de plus et il allait falloir rayonner dans cette nouvelle journée.

Une semaine pour faire ses preuves ? Hotaru les auraient convaincus bien avant, maintenant elle le savait . Le monde s’offrait à elle et elle comptait bien croquer à pleine dents dedans. Tout comme elle allait savourer l’étreinte à venir aussi pleinement et complètement que si elle y engageait sa vie. Se donner de manière inconditionnelle à l’instant, ça elle savait faire.

A défaut d’aimer ?
« ♪ Come on and feel alive, lover
Come on and feel the love like a sinner
Shout it louder, shout it for the ones who could never say
I won't feel ashamed, mother
Can you break the chains, off her?
Shout it louder, not a sinner she's a lover. ♪
»
encore un grand merci à Lerith pour son opération "sauvetage de screen" matinale! ♥
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Scàthach
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Re: [Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

Message par Scàthach » 11 sept. 2022, 12:46

ETRE OU NE PARAITRE
Thavnair- Ecole de Danse du Chaos

Au milieu de la pièce, Dadjeel examinait d’un air critique son élève qui venait d’entrer, le visage fatigué. « En place » lui indiqua-t-il sèchement. Il ne lui fit faire aucun échauffement. Quand on prétendait vouloir suivre l’enseignement d’un maître tel que Dadjeel, on se présentait à lui correctement préparée physiquement et mentalement, dans une tenue adéquate. A ce niveau de danse, il n’y avait plus d’accompagnement, respect, obéissance et discipline étaient les maîtres mots de l’apprentissage. Ici, pas de bienveillance ou de compréhension, non, l’œil exercé du maître à danser relèverait chaque erreur, impitoyable, faisant répéter les figures jusqu’à ce qu’un grognement approbateur ou un signe de tête ponctue soit la fin de la leçon, soit sa suite.

C’était la première fois que les deux se revoyaient depuis les événements de l’Arche du Chaos. L’homme plissa les yeux. « J’espère que tu as travaillé tes sauts. » lui lança-t-il sèchement. « Ce n’était guère glorieux la dernière fois. Allez diagonale de tours fouettés pour commencer, je veux voir si tu as travaillé ta tête comme je te l’avais demandé. »

Hotaru se mit en début de diagonale en quatrième de position ouverte, genoux demi-pliés pour préparer le piquet qui l’amènerait en demi-pointe tandis qu’elle tournerait sur elle-même, avançant dans cette curieuse allure incisive et tournoyante. Le corps de la raenne sembla tout d’un coup comme se détendre et se retendre aussitôt, la danseuse concentrant ses forces et son énergie pour exécuter les tours. Shiroyume se matérialisa alors entre ses mains, elle entama son saut pour retomber lourdement au sol tandis que Dadjeel venait de lui crier de s’arrêter, il avait l’air furieux.

« Qu’est ce que c’est que CA ? » pointa-t-il du doigt, désignant les magnifiques chakrams lumineux dont s’échappaient des papillons irisés. Un peu interloquée, Hotaru répondit dans un souffle. « C’est Shiroyume. » comme si ça tombait sous le sens. Dadjeel avait déjà vu les chakrams mais effectivement, il ne les avait pas vu dans leur version améliorée par les bons soins d’Isaudorel.

La colère de l’homme éclata alors. « Tu te fous de moi ? Tu te crois où là avec tes chakrams à la con ? Au spectacle ? Tu crois quoi ? » Il lui arracha les chakrams des mains, la raenne était bien trop sidérée pour faire le moindre geste. « Qu’est ce que je t’ai appris Crevette ? Mmmh ? » Le visage de Dadjeel vint se mettre à quelques toises du sien. « Ce n’est pas l’emballage qui fait le danseur. C’est son mental. » Il toqua contre le front d’Hotaru. « Sa capacité à ressentir. » Le doigt poussa sur l’emplacement du cœur. « Et des tripes. » Le ventre subit à son tour le même traitement. « Tu rappliques dans mon cours avec tes armes de pétasse et tu crois quoi ? Que t’es danseuse de Thavnair confirmée ? Tu as besoin de ça pour te sentir une grande fille ? »

Au fur et à mesure de la diatribe, les cheveux blonds venaient cacher le visage de la jeune femme qui baissait la tête et les épaules. C’étaient autant de coups qui pleuvaient sur elle et en cet instant, elle se sentait terriblement seule, nulle, incapable.

La main de Dadjeel vint alors emprisonner le menton pointu de la raenne et il lui fit relever la tête pour croiser le regard mauve de noyé que l’eau des larmes emplissaient déjà.

« Relève moi cette tête, petit, bolide et défie moi l’univers tout entier comme tu sais si bien le faire quand je te mets en rogne. Fais-moi monter cette émotion en toi et danse la ! Tu n’as pas besoin de tout ça crois moi. Tu peux danser avec un sac de jute sur le corps et avec des chakrams en bois s’il le faut. » La colère de Dadjeel retombait déjà et ses mots se faisaient plus calmes. « Ne laisse pas le paraître décider pour toi. Danse Crevette, danse vraiment, arrête de vouloir tout le temps plaire. Fais-toi détester. Fais-toi haïr. Fais-toi aduler. Mets-les à genoux, domine-les. Mais ne me reste pas dans ce délire de qui sera la plus belle pour aller danser ou je t’éjecte de mon cours, c’est compris ? On reprend. Diagonale. Tours fouettés. »


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Comptoir de Svarna, Thavnair, à proximité de Yedlihmad.

"Va-t-on se regrouper pour les premières commandes du matin ? »

Maru l’Arkasoara était le principal interlocuteur des apprentis glaneurs et de l’hippochar qui leur avait était attribué. La tâche était simple : Maru et ses assistants organisait toutes les courses d’hippochar, les centralisant dans ce petit centre névralgique à côté de Yedlihmad. Chaque matin, la liste des choses à glaner était réactualisé en fonction des demandes de la journée. Ainsi, ce matin, il fallait prioriser la récolte d’huile de palme, afin de fabriquer des pâtisseries à destination des travailleurs du Grand Œuvre. Levant la main et notant dans son carnet, Hotaru prit en charge la commande. Les palmiers et leur essence n’avaient plus de secrets pour elle depuis ces derniers jours, elle savait exactement où aller récolter. A cet exercice, il fallait être malin, rapide et surtout ne pas se laisser dépasser par les déplacements incessants ou la pression de la tâche. Thavnair était aussi loin d’être une région sécurisée et les nombreuses créatures sauvages y rôdant, ne facilitait pas toujours le travail de ces récolteurs et le rendait dangereux même. Sur certaines missions, il n’était pas rare qu’un garde les accompagne pour les assister sur d’éventuelles échauffourées.

Les tests dureraient une semaine durant laquelle leurs compétences seraient mises à l’épreuve, étudiées et où seulement la moitié d’entre eux resterait. La politique du recrutement des glaneurs, sous la demande, s’était durcie un peu et en devenir un n’était plus aussi facile. La spécialisation en fleurs d’Hotaru été ici reconnue, elle était envoyée en priorité sur la récolte de ces essences dont elle savait tirer l’extrait sans abîmer les stocks puisque permettant la repousse. La raenne se souviendrait de la récolte d’anémones de mer rouges qui l’avait obligé à plonger en bord de mer, couteau entre les dents pour trouver la ressource précieuse après les explications éclairées de Meleth.

La journée, elle glanait ; le soir, elle dansait et puis elle essayait de trouver le sommeil, courbatue, épuisée, traversée encore par les échos désagréables de la dernière lune noire dont les effets avaient été particulièrement dévastateurs. Ce fut une semaine longue et difficile pour Hotaru. Sa faible constitution sans arrêt malmenée et accusant des limites très vite, la jeune femme avait tout misé sur le mental et sa capacité de résilience. Les dents serrés, l’air buté, ne prononçant pas plus de cinq phrases par jour, elle s’économisait sur tout et surtout dans son rapport avec les autres.

Hotaru adorait Thavnair, c’était une terre où elle se sentait particulièrement à l’aise et à l’unisson avec les gens qui y vivaient. La raenne, très désavantagée dans les situations sociales, s’épanouissait parmi ces gens pour qui l’émotion était un quotidien de vie et dont l’empathie, la gentillesse et surtout la prise en compte d’autrui l’étonnait et la ravissait à chaque fois. Ici, la jeune femme n’avait pas l’impression d’être en décalage et sa sensibilité était non seulement acceptée et entendue mais réclamée, demandée. Quand Suin était venue la voir, profitant de son unique demi-journée de repos, Hotaru avait confié à son amie combien elle rêverait de s’installer ici parmi ces gens et de prendre exemple sur eux.

Bien qu’amenuisant des forces déjà faiblardes, la raenne, contre toute attente tint bon, remplit son rôle et cela s’avérant payant. Le dernier jour, tandis que son retour était programmé en vue du concert de Lunaris au Blues Chocobo, Maru en personne lui remit un parchemin avec un beau sceau officiel.
C’était terminé, elle était officiellement désignée comme glaneur et affiliée au poste de Yedlihmad. La première phase du projet des Relai de la Luciole se voyait ainsi concrétisée. La jeune femme avait désormais un pied dans la place et petit à petit elle voyait se rapprocher l’opportunité de pouvoir, un jour, acquérir un de ces fameux hippochars dont, elle n’en démordait pas, elle avait vu tout le potentiel. Bien qu’à bout de forces, la raenne se sentait fière d’elle et prête à rentrer à la maison.
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Re: [Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

Message par Scàthach » 22 sept. 2022, 12:44

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L'HEURE DES LOUPS
Était-ce cette rencontre inattendue et inachevée ou les conséquences de la lecture de cet étrange livre ? Peut-être la saison ou tout simplement que le moment était venu.

Tandis que les portes de l’équinoxe d’automne s’ouvraient lentement pour faire la transition entre la période lumineuse et sombre, Hotaru sentit en elle monter un étrange appel, un appel vieux comme le monde et pourtant si particulier. En elle montait sourde, cette pulsion irrépressible. Tout en elle explosait en une douleur qui lui comprimait le bas-ventre, faisait battre plus vite son cœur, faisait taire pour une fois son esprit analyste et rationnel pour laisser place à l’instinct, la concentration, le désir, la pulsion pure de mort.

« Maintenant. Maintenant. C’est maintenant, maintenant, maintenant! Maintenant. Maintenant. C’est maintenant.» chuchotait cette petite voix qui la rendait folle. N’y tenant plus, elle fit quelques provisions de potions à Gridania, les dents serrées, répondant de manière monosyllabique au professeur Avelaine qui n’insista pas : crépusculaire lui-même, il n’était pas totalement étranger aux affres de ces humeurs sombres et mélancoliques mais se sentait quelque peu étonné de retrouver de pareilles caractéristiques chez son élève.

En fin de journée, elle quitta Gridania par la porte sud pour y retrouver Kuro, son hanyo qui l’attendait, celui-ci ayant établi son territoire de chasse près du don d’Urth. Le jeune loup noir avait repris sa liberté depuis peu, Hotaru ayant refusé de le voir grandir dans le monde des Hommes et la forêt de Sombrelinceul s’était naturellement imposée comme premier choix. Néanmoins, cette solution ne s’avérait que temporaire pour l’animal qui avait déjà attiré l’attention des vigiles sombres, quelque peu inquiets de voir débarquer un super prédateur dans son genre dans une forêt dont l’équilibre déjà peinait à s’instaurer. Hotaru le savait, tôt ou tard, il faudrait trouver une autre solution pour que le jeune loup noir puisse s’épanouir en toute quiétude et liberté.

Empoignant la fourrure du loup, la raenne se jucha sur son compagnon. Ce n’était pas un hasard si Kuro se trouvait au sein de la forêt de Sombrelinceul, Hotaru l’y avait installé afin qu’il se familiarise avec l’environnement si particulier de ce lieu afin qu’il soit parfaitement opérationnel lorsque la traque commencerait. Car c’était bien de cela dont il s’agissait, d’une traque féroce et impitoyable qui ne pourrait se solder que parla destruction de la proie ou des deux chasseurs, ni plus, ni moins. C’est ce que cet équinoxe exigeait, que le sang se verse dans l’humus encore chaud de l’été mais dont les premiers ruissellements humides amenaient la pourriture et faisaient tomber les feuilles des arbres.

Hotaru n’était pas une chasseresse, loin de là même. Mais Kuro, lui, était un redoutable prédateur et ses sens aiguisés tout comme son instinct de traque seraient essentiels pour ce qui allait suivre. Ce furent deux jours épuisants durant lesquels la femme et l’animal écumèrent en long et en large la forêt, remontant vers le nord-ouest, loin, très loin, là où forêt et neige se collisionnent, là où la forêt de Sombrelinceul refuse d’abdiquer face aux neiges éternelles du Coerthas. Leur proie semblait insaisissable, immatérielle et on n’était pas si loin du compte. Mais enfin, au soir du deuxième jour, un hurlement lugubre s’éleva, non loin d’eux, signifiant que la bête était sortie, enfin, répondant enfin aux multiples appels que la raenne, par ses danses et son tissage, avaient fait résonner tout au long de la traque.

Plein de fougue, Kuro se campa sur son arrière-train pour répondre à son congénère, le défiant de toute sa superbe de loup adolescent et couvrant la petite voix grave qui s’était joint à lui.

« Ahouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu… ».

C’était l’heure du loup et la forêt se taisait, laissant les deux adversaires se répondre et se défier dans un rituel de hurlements. Kuro était certes un hanyo mais il était jeune, inexpérimenté. Il était déjà imposant, presque aussi haut qu’Akio mais son allure dégingandée, ses hautes pattes pour un corps encore trop mince et pas assez râblé trahissait son jeune âge. C’était pour lui sa première véritable chasse et il s’y était lancé avec toute l’innocence et toute la détermination propre à la jeunesse et à l’inexpérience.

Au troisième soir, une brise glacée soufflait entre les arbres, amenant parfois quelques flocons égarés qui avaient osé braver la frontière disputée entre les sombres silhouettes des arbres et les premiers reliefs rocheux et enneigés du territoire ishgardais. Il faisait très froid sans doute mais Hotaru ne semblait pas le ressentir, beaucoup plus sensible aux énergies présentes qui venaient s’entrechoquer en un ballet confus et oppressant.

Empoignant son petit tambour, Hotaru commença à jouer, sa voix s’élevant entre les arbres, elle entama un chant guerrier, invoquant l’esprit de Frère Loup pour venir présider à la curée qui allait suivre. La raenne tapant inlassablement sur la peau tendue sentait déjà les effluves du Cauchemar converger vers la clairière dans laquelle elle se trouvait vers Kuro, attirées ici comme un aimant par les paroles invocatoires et impérieuses du chant.
♪ Mie suusi suurin – Je suis l'esprit du Loup
Mie suusi suurin – Je suis l'esprit du Loup
Suveks syömää – Un loup pour les dévorer tous
Mie suusi suurin – Je suis l'esprit du Loup
Suveks syömää – Un loup pour les dévorer tous
Muut lampaaks lautsan alle - Les autres ne sont que des moutons dans leur pâture
Mie suusi suurin - Je suis l'esprit du Loup
Mie karhu kankahalla – Je suis un ours dans la bruyère
Miun veret pieälimmäisinä - Mon sang prime sur tous les autres
Mie suusi suurin - Je suis l'esprit du Loup
Suveks Syömään - Un loup pour les dévorer tous
Muut lauhtuoh lampahaksi -Les autres croissent pour devenir des moutons
Minä sudeksi - Moi j'ai choisi d'être un loup ♪
Et tandis que la voix de la jeune femme partait en vocalises éthérées il fit son entrée dans la clairière, majestueusement monstrueux, roulant ses muscles de manière presque féline. On ne distinguait rien de sa tête, emprisonnée dans un casque lisse argenté qui laissait deux tentacules d’un bleu glacé dépasser là où des crocs auraient dû se trouver. Car il n’était pas tout à fait un loup, mais il en avait toutes les caractéristiques. L’échine et les babines hérissés, Kuro s’avança à son tour pour venir à la rencontre de l’apparition. Il semblait minuscule et frêle à côté de la silhouette massive de son adversaire. Dans les mains de la raenne, Shiroyume se manifesta sous forme de chakrams et déjà, les pieds légers s’élançaient pour esquisser les premiers pas de la danse de combat.

Avant de se mettre en mouvement, Hotaru vérifia que le petit sac de cuir qu’elle avait à la ceinture était bien accessible et à portée de main, le succès de son entreprise résidant dans cette poudre qu’elle était allée chercher auprès de son professeur. « Cette poudre est capable de corroder tous les métaux » lui avait-il assuré de son habituel ton docte et compassé. « Même ceux issus de la forge élémentaire éthérée ?» s’était inquiété Hotaru. « Même celui-ci mademoiselle » lui avait-il indiqué « toutefois, c’est une poudre de contact qui doit être soigneusement répandu sur le métal en question. " Avec appréhension, la raenne s’était demandé dans quelle mesure elle pourrait «répandre avec soin » cette poudre en plein combat sur un monstre déchaîné mais c’était la seule option viable dont elle disposait, alors il faudrait faire avec.

Les deux animaux se jetèrent l’un sur l’autre et le choc fut effroyable. Armé de ses seules griffes et crocs, Kuro ne faisait pas le poids et la jeune femme le savait, son compagnon devait l’occuper tandis que le regard mauve guettait l’ouverture, perdue, chaque coup assené au loup noir résonnant dans sa propre poitrine.

« Maintenant ! » cria-t-elle comme pour mieux s’en convaincre. Une glissade en avant, elle esquiva un coup de dent de Kuro et, se saisissant de la poudre, la déversa en un geste vif sur le casque argenté et lisse du monstre de cauchemar qui, un instant décontenancé, recula, indécis. Les deux combattants se jetèrent alors dans la mêlée et les chakrams s’envolaient, venant percuter à une vitesse folle le casque, non pas en des coups puissants mais précis, rapides dans le style déjà affirmée de la raenne. Inlassable, elle concentrait toutes ses attaques sur cette relique maudite qui ornait le crâne de la bête. Le temps semblait s’étirer à l’infini et déjà la femme et son loup faiblissait, tandis que l’herbe verte de la clairière se teintait de rouge, celui d’un jeune loup dont un hurlement déchirant indiqua qu’un coup avait largement porté.

Pleurant, hurlant, Hotaru ne se laissait pas abattre, tournoyant encore et encore, jetant ses chakrams en des attaques maintenant désespérées tandis que le monstre lui, ne semblait accuser aucune faiblesse, aucune fatigue, aucun ralentissement, prenant un malin plaisir à déchiqueter le jeune mâle qui était venu le défier.

Et puis soudain, tout bascula, un battement de cil, tout se figea.

La bête éjecta Kuro contre un arbre en une ultime attaque et le petit loup ne bougea plus, vaincu. Le regard bleu glacé se tourna alors vers la petite silhouette diaphane, on sentait presque son excitation. Les chakrams s’envolèrent une fois de plus, venant une énième fois percuter le casque. Un craquement et une fumée violette-noire entoura le monstre tandis qu’enfin l’armure maudite cédait. Mais une patte aux griffes comme des rasoirs balaya en même temps devant lui et, dans une gerbe carmine, Hotaru fut violemment projetée en arrière, non loin de Kuro en un amas de chairs ensanglantées et vaincues elles aussi.

Dans un voile de souffrance, Hotaru leva la main vers le monstre en un geste dérisoire puis la petite main retomba, inerte.

Il était tout juste minuit et les portes de l’équinoxe d’automne s’ouvrirent totalement, amenant avec elle le temps du Pourrissement et de l’introspection.
Sans se douter de la tragédie qui se déroulait ici, bien plus loin, une petite silhouette venait de se matérialiser dans un village pris dans les glaces…
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Scàthach
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Re: [Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

Message par Scàthach » 14 oct. 2022, 13:16

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VEILLEE DES SAINTS
Se reflétant dans le miroir, Hotaru effleura du bout des doigts la cicatrice rose et encore gonflée qui lui barrait le bas-ventre. La guérison était si lente chez elle et il avait fallu les efforts conjugués de plusieurs médecins, dont l’art magique de Valorius pour faire de sa blessure une cicatrice saine. C’était la première fois qu’elle était atteinte dans sa chair et la perspective d’avoir échappé à la mort la terrifiait et la fascinait en même temps. Depuis l’affrontement mortel avec le Traqueur, une force brute s’était éveillée en elle, qui la rendait sombre et instable, peu encline à la patience ou aux bons sentiments. A quelques rares exceptions près, tout lui semblait stupide, fade, sans intérêt. Elle s’était de nouveau installée dans le petit appartement de l’Escale, y trouvant refuge pour sa solitude, mais elle ne faisait que passer, évitant par calcul les autres membres de l’équipage à qui elle n’avait rien à apporter, rien à dire.

La raenne avait fait le choix de la solitude et de l’introspection ces derniers jours, ne privilégiant que les tête-à-tête, les rencontres particulières. La pratique de la danse occupait la majorité de ses journées, épuisant son corps physique, retenant son attention concentrée, lui donnant un peu de répit dans le chaos qui, de nouveau, venait de bousculer son existence. Il lui fallait de nouveau faire des choix, pour la plupart douloureux, mais tous lourds de sens. La période amenait à elle son lot de choix funestes, de deuils, de tristesse. En femme de tête, elle saurait les faire, elle saurait mettre en action sa volonté de se défaire de ce qui la faisait souffrir, la maintenait au sol ou bien l’obligeait à faire des concessions dont elle n’avait aucune envie. Mais elle se savait aussi tellement vulnérable et prompte ensuite à s’effondrer pour avoir voulu se montrer trop forte, trop absolue.

Hotaru rêvait d’absolu, un idéal d’absolu, un terreau sur lequel chacune de ses décisions venait s’appuyer. On ne la laissait pas dans un coin, on ne pensait pas à sa place, on osait toujours avec elle, car elle ne facilitait à personne le libre accès jusqu’à elle, prenant la distance nécessaire pour ne pas laisser son émotionnel bousculer.

C’est sur ces bases que Lucien fut répudié. C’était un compagnon fort, puissant, présent et loyal qu’elle avait voulu à ses côtés pas un éternel absent marié à son devoir, ne la distinguant même pas. Une visite en une lune et demie, cela avait sonné comme le requiem d’une relation qui n’avait fait que se détendre petit à petit, étirée par les différences, le masque compassé de la politesse et de la bienséance avait fini par ennuyer la raenne, et l’avait plongé paradoxalement dans un état de colère dont elle ne parvenait pas à sortir. Une colère sourde, froide, coupante qui ne la lâchait pas, faisant battre sourdement son cœur, assombrissant le regard mauve. La jeune femme aurait pu choisir de se battre mais contre l’indifférence, elle admettait ses limites, perdant ses moyens tandis qu’une fois de plus le spectre de l’abandon se profilait, venant poser une main sur son épaule.

Dans cette soif d’absolu se révélait une femme passionnée, laissant libre droit à ses passions et un tempérament d’un feu glacé. Un esprit libre, aventureux, fantasque, sans cesse en mouvement, c’est ce qu’elle octroyait à ceux qui osaient justement, ceux qui s’avançaient vers elle pour l’étonner, la bousculer, provoquer en elle une réaction et non pas l’ennui qui ne la lâchait pas. « J'ai apprécié cette intimité avec vous, et je note également votre facilité à vous livrer à moi" disaient les mots de cet être étrange croisé par hasard à la faveur d'une halte il y a quelques semaines, arborant fièrement son masque tandis qu’elle avait encore honte du sien. « Vous m'intéressez. » mentionnait-il plus loin et ces simples mots avaient réchauffé le cœur d’Hotaru. Elle n'avait pas besoin des autres mais elle avait envie d’être avec eux, ces autres si rares qui osaient marcher à ses côtés sur la route. « Cesse de vouloir plaire à des gens qui ne comprennent pas et entoure toi de gens qui te ressemblen » avait martelé Jun avec son habituelle franchise brutale. L’évocation du souvenir du raen fit baisser le regard mauve, amenant le rose à ses joues.

La jeune femme secoua la tête, regardant autour d’elle un peu étonnée. La lettre de Mirage – à son nom, elle lui préférait son concept – était toujours ouverte sur la table basse, amenée par un gamin de la rue à qui une ombre avait donné quelques gils. « Nous voilà tout deux face à une porte où nous sommes chacun de l'autre côté. Ma question est de savoir si vous ouvrez la porte, ou non. Car après tout, dans mon sillage, il y aura ténèbres et lumières, des abysses et l'Olympe. Des temps forts et des temps faibles. Est-ce que vous m'ouvrez la porte, chère enfant ? ? »

Un nouveau choix se profilait. « Chaque jour amènera-t-il un bouleversement nouveau ? » maugréa-t-elle, les dents serrées. Mais au fond d’elle, elle adorait ça, cette lancinante incertitude, ce lâcher-prise total qui l’amènerait vers les sommets elle le savait. « Pourvu que ce soit de l’ivresse cette fois-ci et non de la déception…» chuchota Discorde à sa corne.

La raenne releva les yeux vers le reflet du miroir. Ses lèvres étaient encore gonflées par les baisers, aucun endroit de sa peau n’avait pas une marque de morsure, un bleu, des griffures. Au fond de ses yeux brûlait le feu de la colère et du désir. Il faudrait beaucoup de poudre pour être la jolie poupée diaphane pour le spectacle avec Lunaris ce soir. Un sourire farouche naquit sur les lèvres du reflet car lui, il portait ces marques comme des trophées personnels. Celles d’un désir d’un homme pour lui, celles d’un choix assumé, prémices d’un chaos à venir qui donnait le vertige, à l’Autre, prise dans sa propre peur, engluée dans sa toile. Ce reflet là n'avait aucune peur, affichant sa détermination tranquille.

« Mais si tu viens à moi, tu seras mienne »
« Est-ce que vous m’ouvrez la porte, chère enfant ? »

Le menton de la danseuse se releva puis en une fraction de seconde, elle cambra sa nuque, pour rire à gorge déployée, un rire plein de gaieté et de chaleur. Le reflet la contempla de nouveau, le poing droit de la raenne se serra. Là-bas, à la dernière lune pleine, elle avait quitté le campement des raens pour aller danser à la Fontaine d’Urth. Et tandis que la transe s’emparait d’elle tandis qu’elle tournoyait inlassablement au bord des eaux, son alliée s’était balancée au-dessus d’elle, suspendue à son fil. « Prends-le, cesse d’en avoir peur. Incarne-toi, termine ton incarnation. Accepte qu’ils soient émerveillés de te voir danser pour ensuite ne pas oser croiser ton regard. Prends-le ce pouvoir qui te fait si envie et que, abîmée dans tes propres peurs, tu n’oses pas saisir. Prends le pouvoir, Hotaru. »

Le sourire s’étira, prenant une douceur inattendue, presque mélancolique. Le regard lui se mit à brûler d’une lueur froide, déterminée, concentrée qui la faisait passer pour hautaine.

« Chevalier du Chaos. murmura-t-elle. «Skeld Mestra. » Ce ne sont que des mots. Mais le Verbe est tout.

En un battement de cil, la raenne fut sur ses deux pieds, en mouvement. Comme pour s’en convaincre elle-même, elle acquiesça sous le regard blasé d’Akai qui avait réapparu hier à ses côtés, lors de son excursion avec Tarha dans la forêt de Sombrelinceul. Croisant le regard du renardeau, le visage de la jeune femme était semblable à celui d’un enfant. « Si tu veux mon avis, Akai, ça va être un joyeux bordel, mais il y a moyen de s’amuser. » Et soudain tout s’éclaira et, comme le vent chasse les nuages, le rayon de soleil vint la frapper, l’illuminant en un instant, la faisant reculer dans l’ombre, en pestant, éblouie néanmoins.

Une belle journée s’annonçait : ce serait une journée où elle danserait avec Lunaris, alors elle serait forcément bonne, au moins le temps du spectacle où le chaos s’ordonnait assez pour lui amener ces instants de paix et de sérénité qui manquaient tellement dans cette réalité brutale et froide. Comment aurait-elle pu ne pas être une Fille des Songes tandis que jour après jour les gens et la vie l’écorchaient aussi sûrement que l’on pèle un fruit avant de le consommer. Pour ne pas sombrer ou vouloir détruire cette réalité, elle rêvait désormais, s’autorisant parfois à débarquer dans les songes de certains, désignés par son instinct. Ou parvenant à graver parfois en un appel inconscient des souvenirs que recevaient l’un ou l’autre de ceux, rares, qui importaient.

Revenant dans le soleil, la danseuse esquissa un petit pas de samba, levant ses bras vers le plafond en un geste d’accueil, se laissant traverser par la lumière le temps d’une danse seulement, pleine de vie et d’énergie, évacuant ce qui devait l’être.

Quelque part dans la forêt de Sombrelinceul, la mâchoire puissante de Kuro se referma sur la nuque d’un écureuil, le tuant sur le coup. Se redressant, sa proie entre les dents, le loup contemplait, fier, l’étendue sombre autour de lui. Un rire mesquin lui répondit dans un saule tandis que deux yeux rouges apparaissaient dans les ténèbres.

« Danse Louve blanche, une belle journée s’annonce. »
La Saison Sombre commençait..
"Tant qu'il y aura de la lumière sur scène, il y aura des ombres pour danser." (les Ombres Vagabondes)

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Re: [Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

Message par Scàthach » 06 nov. 2022, 09:15

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TISSE, ARAIGNEE (Partie 1)
« Ce que je distingue devant moi : l’abysse d’un distant et lointain passé,
Ce que je distingue devant moi : ces yeux horribles et glacés,
Ce que je distingue devant moi : le rêve éveillé d’un mignon petit agneau,
Ce que je distingue devant moi, devant moi : l’espace entre chaque bruit, un berceau
Personne ne peut faire frissonner cette peau.
L’espace entre chaque bruit, un berceau, des cicatrices rouge sang.
Ce silence est mien ?
Lui, ce silence.
Silence. »


Au fond de son lit à l’Escale, Lune s’agitait dans son sommeil, en proie à un de ces rêves échevelés qui ponctuaient ses nuits dernièrement.

« La silhouette du traqueur, dominant Kuro de toute sa mortifère splendeur, chaque coup porté venant lui déchirer le cœur, les tripes. Impuissants, les chakrams rebondissaient encore et encore contre ce casque maudit et l’angoisse lui étreignait le cœur, celle de ne pas avoir réussi à verser assez de poudre corrosive sur l’artefact. Les larmes troublaient sa vision. La peur. La peur, insidieuse s’était de nouveau faufilée dans la brèche et détruisait tout sur son passage. La danseuse se sentit sortir d’elle-même, soulevée par cette gigantesque lame de fond. Elle frappait aussitôt que Shiroyume revenait dans ses mains, encore, encore un coup, tout plutôt que de voir son fidèle compagnon se faire déchiqueter parce qu’elle… »
« Mes larmes sont toujours gelées.
Je peux voir l'air que je respire.
Mais mes doigts peignent des images,
Sur l'herbe devant moi.
Allongée sous la rivière gelée
Où les bateaux me passent dessus
Tout ce dont j'ai besoin c'est de me souvenir
Comment c'était de se sentir vivant. »


A son réveil sous cette yourte, il n’y avait plus rien à part ce goût de cendre dans la bouche. Le monde lui paraissait vide, fade, sans saveur. Ses mains ne pouvaient se saisir de Shiroyume sans que la peur ne les fassent trembler, elle ne parvenait plus à s’harmoniser à la relique Tenshi. La raenne avait alors renoncé, renoncé à retourner prendre les enseignements de Dadjeel, renoncé à manier son arme familiale, renoncé à tout ce qu’elle avait construit, chéri, aimé.

Le Dépouillement.

Elle avait laissé place à ce grand vide rassurant au sein duquel elle se laissait traverser par tout ce qui se présentait à elle. Aucune protection, aucune défense ne venaient plus résister au quotidien, Lune se laissait balloter, atteindre, déchiqueter. Chaque fois qu’elle tombait, elle mordait la poussière avec une sorte de joie sauvage, estimant que c’était la seule place qu’elle méritait, elle si faible et si décevante, si ... Son critique intérieur s’en donnait à cœur joie, déroulant comme une longue liste ses faiblesses, ses manquements, pointant d’un doigt accusateur ses erreurs passées en un long et éreintant travail de sape.

Il n’y avait que la douleur qui lui semblait familière, alors elle la recherchait éperdument, comme on cherche sa peluche préférée dans la nuit, rampant jusqu’à ses propres ténèbres pour s’y dissoudre, s’y fondre. Elle rompait son corps à des exercices quotidiens bien trop importants, travaillant sur des blessures, répétant encore et encore les mouvements, jusqu’à épuisement complet. La jeune femme s’oubliait sous des caresses trop dures et trop violentes qui laissaient son corps couvert de plaies, d’hématomes, de morsures qu’elle dissimulait soigneusement sous le tissu ou la poudre, comme on cache un secret honteux. Elle plongeait dans la douleur comme on plonge dans son bain, avec presque gratitude et un sentiment artificiel de sécurité, retrouvant dans ce sentiment quelque chose d’habituel, de connu. Le combat contre le Traqueur et la peur qu’il avait fait revenir avec lui avait fissuré l’essence de son incarnation, rebattant les cartes. Seules les émotions exacerbées parvenaient à nourrir l’étincelle suffisamment pour qu’elle enfile son masque de normalité, quand elle ne fuyait pas ceux qu’elle aimait. La colère et la frustration finissaient de régir cet édifice dysfonctionnel érigé en hâte dans le traumatisme. Dans cette descente, la danseuse comme à son habitude, n’avait gardé qu’une seule chose à l’esprit : celle de toujours rester en mouvement, quoiqu’il se passât, portée par ce sentiment venu du plus profond de son intériorité, que si jamais elle s’immobilisait, alors tout serait terminé.
« Quand je prie,
Cela devient chaud au toucher,
Quand je hurle,
Cela passe par ma voix,
Quand je vis,
Cela me fait entamer une danse distordue et folle.
Oh Lumière et Justice.
Ce silence, ce silence
Je vais jeter au loin toute cette tristesse
Et perdre mon cœur
Et même violer mes pensées
Tant que je peux avancer, ah, c’est bien,
Mon corps murmure, murmure, murmure, murmure…
Ta symphonie est sans fin
Oh, dans le silence
Ce silence est mien
Lui, ce silence
Silence. »


La petite silhouette blanche s’assit sur le lit, les cheveux collés par la transpiration, on pourrait croire qu’elle était éveillée mais non : bien qu’ouvert, le regard mauve fixait quelque point inconnu à l’horizon. Dans la poitrine, son cœur manqua un battement, tandis que le drap laissait apparaître une épaule dont la naissance, près du cou, portait une trace de morsure qui avait éclaté en un hématome bigarré. Nulle lune n’éclairait la fenêtre de la petite chambre. La raenne se leva alors, se mouvant en gestes lents, mécaniques, se dirigeant, nue comme à son premier jour, vers le petit rouet, installé non loin. Les mains blanches s’emparèrent du fragile fil de soie argenté et le petit pied délicat se posa sur la pédale, mettant en branle la roue de bois qui entraina la petite roue de bois et le fil. Dans une transe somnambulique, Lune filait. Plus la roue tournait et plus la transe, nourrie du mouvement circulaire répétitif, se faisait profonde, faisant voyager l’esprit de la fileuse bien au-delà du monde matériel. Tout autour de la silhouette, l’atmosphère se satura d’éther tandis qu’une trame de fils se dessinait tel une toile d’araignée et, bientôt, en son sein, un motif symétrique lentement apparut.

« Elle se mouvait dans une sorte d’eau trouble et sombre. Contre toute attente, celle-ci était salée, lui indiquant qu’elle se trouvait en mer et non au fond d’une rivière comme elle l’avait d’abord pensé. Le premier instant de panique passé, elle s’aperçut qu’elle ne se noyait pas dans ce liquide glacé. Ce qui la frappa tout d’abord, ce fut le silence et tout son être se détendit sous l’effet apaisant de cette coupure sensorielle qui lui permettait de pouvoir se mettre au repos. Un instant trop rare pour qu’elle ne prit pas le temps, juste un instant, de le savourer.

Des algues immenses se déployaient dans l’eau en de grands bouquets gluants qu’aucun mouvement ne venait faire bouger. On aurait dit quelque nature morte issue de l’esprit tordu d’un peintre. On distinguait à peine la lumière à la surface et toute la scène baignait dans une sorte de luminosité verdâtre qui laissa une impression désagréable à Lune, déjà perturbée par le manque de mouvement autour d’elle. S’était-elle déplacée ? Peut-être, ce qui était certain, c’est que quelque chose venait d’émerger devant elle, quelque chose qui n’était pas là l’instant d’auparavant.

Elle se trouvait à la verticale, sur sa toile, son énorme abdomen bulbeux replié sous elle. Ses pattes velues reposaient statiques sur la toile pour la maintenir dans cette position. Huit yeux fixaient fixement l’arrivante qui fixait à son tour cette étrange et simiesque apparition, paralysée de terreur. Elle ne bougeait pas en son emplacement stratégique, elle était l’incarnation même de la puissance tranquille, souveraine sur sa toile, à sa place.

Rien ne se passait, l’arachnide ne bougeait pas, rien ne bougeait autour d’elle et cet immobilisme, couplé à la terreur qui la paralysait la plongeait dans des abîmes insondables. Les voix éclatèrent dans sa tête."


Qui est plus puissant que l’espoir ? La mort.
Qui est plus puissant que la volonté. La mort.
Plus puissant que l’amour ? La mort.
Plus puissant que la vie ? La mort.
Mais qui est plus puissant que la mort ? Moi, évidemment.
Tisse, Araignée.


Lune contemplait alors l’éternelle infinité ou l’infini éternité, elle sentait que tout son être allait commencer à se fragmenter. La peur surgit, ayant pour une fois l’effet bénéfique de lui imprimer ce sursaut de volonté qui lui permit de faire volte-face pour revenir en arrière, l’arrachant brutalement à sa transe onirique. La jeune femme s’éveilla en sursaut, éperdue, perdue. La raenne se sentait insatisfaite, noyée dans l’incompréhension de ceux qui perçoivent qu’on attend quelque chose d’eux mais elle ne parvenait pas à bien saisir quoi. Ce qui venait de la traverser lui avait intimé d’agir, de s’inclure dans une dynamique précise, de devenir actrice de sa propre destinée. La jeune femme s’y refusait encore, engluée dans sa propre apathie, son désir de se mutiler, coupant un à un les ponts de sureté, de stabilité autour d’elle pour ne laisser place qu’au chaos et à un désir de détruire qu’elle redoutait par-dessus tout.

Indifférente, dans sa puissance souveraine, l’araignée, incarnation de la patience, restait immobile au centre de sa toile, attendant car ce qui devait être serait lorsque la petite silhouette pelotonnée frileusement au fond de son lit serait prête.

Depuis le départ, il n’avait jamais été question de lui demander son avis.
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Re: [Hotaru Tenshi] Chronique d'une danseuse de Thavnair

Message par Scàthach » 24 nov. 2022, 18:07

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TISSE Araignée (partie 2)

La raenne s’accrochait à son compagnon tandis qu’ils se déplaçaient en Noscea sur un tapis volant, cachant son visage dans le dos de l’elezen pour échapper aux bourrasques. Valorius ne lui avait pas laissé le choix et, en cette belle journée célébrant son jour de naissance, il lui avait fait comme le voulait la coutume éorzéenne, un présent.

« Je t’offre la Destruction. »

Dans ces simples mots, la jeune femme s’était aussitôt projetée, frissonnante, une boule au creux du ventre et la peur était remonté tel le ressac pour s’emparer d’elle. Elle savait ce que cela voulait dire : depuis son affrontement avec le Traqueur, une énergie destructrice et impitoyable montait en elle, la rendant impatiente, acerbe, cynique et la détournant de tout ce et tous ceux qu’elle appréciait. Pour la faire taire, il avait fallu s’annihiler soi-même dans sa propre souffrance. Avait-elle espéré disparaître dans le processus ? Sans doute mais l’homme contre lequel elle quêtait un peu de chaleur en cet instant avait refusé qu’elle abdique, ne lui laissant pas le choix et l’obligeant aujourd’hui à affronter ce qu’elle redoutait le plus au monde.

L’aspect sombre de son art, cette danse macabre qui déformait au travers du prisme de la peur.

Le tapis amorça sa descente et Hotaru contempla le cimetière marin qui allait être le théâtre de sa propre perdition ou de sa salvation. De nombreuses épaves gisaient là, vestiges délaissés, abandonnés et échoués là, pour attendre la fin, rongés par le sel et les vagues jour après jour, tristes témoins de ce qui allait advenir. N’importe qui aurait pu trouver déprimant ce lieu mais la jeune femme, elle, y trouvait une émanation de calme et de sérénité qui l’avait toujours de manière instinctive rapprochée de ces lieux de mort et de repos éternel. Accrochée à la falaise, une sorte de rampe métallique, bâtie de la main de l’homme, formait une sorte de pont qui dominait la mer, dont les vagues venaient s’écraser en contrebas, inlassable mouvement d’oscillation qui calmait et berçait la raenne, peinant à dissimuler sa nervosité, remettant encore et encore une mèche imaginaire derrière sa corne, les traits du visage crispés, les épaules voûtées. A cet instant, elle se sentait si vulnérable, si misérable qu’elle aurait voulu disparaître dans un trou de souris.

La voix rassurante de Valorius l’accrocha, la ramena vers l’instant présent. Il lui demandait de chanter cette chanson si particulière, celle qu’elle avait dédié à ses frères loups, cette fratrie qui avait parsemé son existence : Gaïto le père de substitution, Rama le sage au regard doux et sévère à la fois, Kuro son hanyo et fidèle compagnon et tous leurs cousins avec qui, le soir venu, elle mêlait sa petite voix d’enfant, son visage diaphane tendu vers la lune, hurlant en chœur.

« Je suis le plus grand des loups. » s’était-elle mise à chanter, la voix cassée et un peu hésitante encore, tandis que ses pieds s’élançaient sur le pont, s’affirmant peu à peu, danse et chant jouant le rôle cathartique. Dans une sorte d’état second, elle s’harmonisa avec une facilité déconcertante à son compagnon mage qui frappait le sol de son, bâton à un rythme régulier, scandant les paroles de la chanson, projetant vers lui son énergie et sentant déjà affleurer la sien tandis que sa voix grave commençait à incanter, rompue depuis longtemps à un exercice qu’elle découvrait.

Le regard mauve étincelait, cherchant celui de Valorius comme pour y trouver le courage qui lui manquait en un échange intense. Le petit corps frissonnait tandis que les mains s’activaient déjà, commençant le tissage en des gestes répétitifs et gracieux. L’elezen l’accompagnait de sa langue rude et sombre et, comme semblant vouloir la suivre, la danse ralentit tandis que la sombre énergie montait, brute, sauvage, échevelée, maintenue encore par la digue de la volonté de la mince silhouette.

« MAINTENANT HOTARU ! LACHE TOUT ! FRAPPE !»

Mais Hotaru se refusait encore à la libération tandis qu’un vent froid et glacé les traversait tout deux, soulevant les chevelures claires. La peur, la peur s’élevait en maîtresse incontestée et de nouveau imposait sa loi, ravivant les souvenirs douloureux de ce pont de bateau, d’une jeune adolescente en train de danser devant des marins fascinés, sans savoir qu’elle venait de les condamner à la mort. La mort, la mort n’était que la conclusion du déchaînement de cette force incommensurable qu’elle sentait en elle s’arc-bouter, venir taper violemment sur la digue de sa résilience et de sa volonté, seuls freins encore tangibles pour pouvoir contenir l’abominable.

Son esprit bascula tandis que la transe s’emparait d’elle, les mains s’agitant désormais avec frénésie, tissant encore et encore et sa voix, chantant encore, explosa dans toutes les directions tandis qu’elle hurlait qu’elle ne se plierait plus, qu’elle ne se soumettrait plus et une voix grave se joignit à la sienne, venant la soutenir, l’amplifiant tandis qu’elle éclatait dans toutes les directions à la fois.

« Je suis le plus grand des loups. »

Elle sentit l’impulsion de Feu émaner de Valorius et à ce moment précis, la digue céda, disloquant son esprit en une multitude de fragments tandis que la Toile se matérialisait devant elle, faisant émerger les symboles géométriques parfaits canalisés, suivant les courants terrestres là, tout autour d’elle tandis qu’elle s’ancrait, se préparant inconsciemment à ce qui allait advenir. La température baissa brusquement, l’haleine des deux figurants devenant une brume blanche tandis qu’Hotaru déversait avec colère et rage l’énergie de glace dans celle de feu du mage comme pour vouloir éteindre le brasier incandescent. La glace et le feu mélangé, la petite silhouette, électrisée, sembla comme s’élever dans les airs, chevelure déployée en corolle tout autour de sa tête en une couronne dorée et, contre toute attente, la raenne diaphane amena alors à elle l’écume des vagues la faisant monter en une colonne blanche et bouillonnante s’en enveloppant comme on s’enveloppe d’un manteau pour se protéger du froid. Le chant s’était arrêté mais elle devenait une sorte de blizzard écumant, oscillant lentement tel une vague allant et venant vers le rivage. Les petites mains blanches s’étaient arrêtées de tisser et reposaient sur leur ouvrage attendant, comme prête. Le regard de la jeune femme n’était plus que deux prunelles froides, que toute bienveillance ou compassion avaient quittées.

La silhouette se matérialisa alors devant elle : les longs cheveux noirs bleutés semblaient animés d’une vie propre dans ce déchainement élémentaire qui, pourtant, ne semblaient pas l’affecter outre mesure. Shu Tenshi avançait sur ce pont telle une reine conquérante, toisant de toute sa hauteur celle de la petite danseuse qui eut un hoquet de surprise.

« Cela ne se peut. Tu as rejoint la Mer des Etoiles, tu as été révoquée. »

Un petit rire froid lui répondit, tandis qu’autour d’elle le temps et l’espace se dissolvaient ou plutôt se suspendaient. Hotaru repoussait de toute ses forces cette hallucination dont la seule vue lui donnait la nausée, lui rappelant de tristes souvenirs dont elle pensait s’être défaite.

« Décidément Lune… », Shu secouait la tête, « tu es longue à la détente, nous en sommes encore là ?
- C’est impossible, tu ne peux pas être ici.
- Et pourtant me voici. »


Les deux visages si semblables étaient ^presque collés l’un à l’autre et les deux regards mauves semblaient vouloir se fondre par leur intensité. Le cœur d’Hotaru battait la chamade et tout son esprit se tendait pour repousser l’apparition. Peine perdue.

« Cela ne sert à rien, Lune. Cesse de faire l’enfant. Tu n’as donc rien appris ? Mon sacrifice était-il vain ? Peut être est ce toi en fin de compte qui aurait dû être sacrifiée ce jour-là. Tu es tellement décevante. » Les longs cheveux ondulèrent tandis qu’elle secouait la tête, une moue de déception plissant ses lèvres. « Je ne suis pas la Shu de Yume Dori, Lune, je suis toi et tu es moi, je suis ta part d’ombre et de ténèbres, ton pire cauchemar, ta peur incarnée et matérialisée. Bon sang, Lune, vas-tu enfin te décider à embrasser ta destinée plutôt qu’elle te donne des coups de pied au derrière ? N’as-tu rien compris, rien n’appris ? Tout ce que toi et tes compagnons avaient enduré et affronté, était ce du vent ? »

Hotaru écoutait, tout en réfléchissant à toute vitesse. Qu’elle soit ou non réelle, les mots de Shu l’atteignaient et la blessaient. Les événements de Yume Dori, l’Apocalypse et puis l’explosion de Thavnair l’avaient conduite à se réformer en profondeur.

« C’est faux. » rétorqua Shu sans aménité. « Tu es toujours cette petite fille stupide paralysée par une peur qui ne lui appartient même pas. Faudra-t-il donc que je t’explique tout ? Tu t’es façonnée dans la peur, Lune, celle que ta mère t’a transmise alors que tu étais encore dans ses entrailles. Tu es née dans la peur et depuis, tu vis dans la peur. Cette émotion te domine tellement que tu m’as créée en un schéma dysfonctionnel mais reflétant la puissance de ta volonté. Que croyais-tu ? Qu’en me matérialisant, tu pourrais continuer à vivre en te cachant les yeux avec les mains ? Tu as un pouvoir immense entre les mains, et ce pouvoir tu le désires et tu le veux bien plus que tu n’as jamais désiré aucun de tes amants. Embrasse ce pouvoir et domine le. Et paie le prix.
- Payer le prix ? »


Shu se mit à rire. « Encore plus naïve et aveugle que je ne l’aurai crû. Tu refuses de voir ce qui est là sous tes yeux, ce que ton esprit te dicte depuis des mois. Tu veux être libre, tu veux être puissante. Mais tu te refuses à voir l’évidence. Il est temps, Lune, il est temps de te défaire de tout ce qui encombre, te ralentit et t’emprisonne. Il est temps de payer le prix inhérent à la liberté et à la puissance. »

Hotaru déglutit et de nouveau un rire moqueur se fit entendre.

Shu reprit. « Oui, tu commences à comprendre, n’est-ce pas ? Ton esprit lui l’avait bien compris depuis longtemps. Depuis des mois et des mois, tu erres sans but précis, la culpabilité chevillée au corps, te pliant encore et encore pour être celle que tu n’es pas. » Le ton de l’apparition se fit plus dur. « Tu n’es pas un agneau, Lune, tu es une louve. Et il te faut rejoindre ta meute, celle composée de gens qui te ressemblent. La plupart des gens que tu rencontres sont de gentils agneaux qui sont terrorisés par ta seule présence. Quel animal proie n’est pas terrorisé devant son prédateur ? C’est la leçon que t’a apprise le Traqueur et son histoire. Cesse de vouloir te faire passer pour un agneau et deviens la louve que tu es. Incarne toi bon sang et pour cela… »

Shu ouvrit les bras comme pour une étreinte et suspendit son geste, attendant. Hotaru se balançait d’un pied sur l’autre, indécise, elle comprenait parfaitement ce qui était en train de se passer et ce que son double lui demandait. Hotaru aimait profondément la plupart des gens qui composaient l’équipage de l’Eternal mais elle ne parvenait pas à évoluer sereinement au sein de ce groupe, au demeurant bienveillant mais qui ne lui correspondait pas ou plutôt ne lui correspondait plus. Sa rencontre avec Jun et son clan avait mis en exergue ce décalage et sa fuite en Sombrelinceul, fuite éperdue étant restée sans écho auprès de ses compagnons avait achevé de dénouer des liens devenus lâches depuis longtemps.
La raenne fit un pas en avant et ouvrant les bras à son tour, elle prit Shu dans ses bras. Les deux silhouettes alors se mêlèrent, s’entremêlèrent pour se dissoudre l’un dans l’autre en une sorte de danse sensuelle, ne faisant enfin plus qu’une.

La voix de Valorius éclata encore. « LIBERE TOI, LACHE TOUT. EMBRASSE LA DESTRUCTION, LAISSE LA TE TRAVERSER, DEVIENS EXALTATION ! »

Et à ce moment précis, la jeune femme lâcha prise, s’abandonnant à son pouvoir, le libérant enfin, se libérant enfin de la peur, de la honte, de la culpabilité et du chagrin. En contrebas, la mer enfla, soulevant des vagues de plus en plus hautes tandis que, dans un cri sauvage, Hotaru se faisait démembrer pour devenir, non pas glace mais bien eau, une eau sombre, salée. Celle-ci n’était pas la manifestation de cette mer bleue et lisse que l’on admire mais la lame de fonds qui entraîne vers la mort le baigneur imprudent, le courant marin dans les profondeurs glacées, celui qui, régit par la lune décroit et croit en fonction de la proximité de l’astre.

La voix de Shu éclata dans sa tête. « Tu n’as jamais été fille de la glace, enfant, tu es fille de la mer, sirène sombre s’emparant du corps des marins et les amenant dans les fonds marins pour les noyer. Tu es le typhon imprévisible et destructeur, profondeur marine abyssale à l’éclat terne et mortifère. Tu t’es cru fille des rêves mais c’est la mort depuis le départ qui t’a choisie et te guide. Deviens ce que tu es, deviens le plus puissant des loups et cesse de t’incliner devant des moutons. Prends-le enfin ce pouvoir, danse les éléments et libère-le ! »

Une brume noire enveloppa alors la jeune femme, chargée de toutes les émotions négatives qu’elle avait véhiculé ces derniers mois : peur, tristesse, solitude, mélancolie, colère, impuissance et plus elle se déversait et plus la mer enflait, semblant lui répondre à l’unisson avec cette décharge de sentiments négatifs qui prirent forme et vinrent se mêler au feu de Valorius.

La chanson de l’Eau et de la Glace. Le mat du bateau face à eux éclata en un millier d’échardes de bois, pulvérisé par la force de leur puissance éthérique combinée. Ensemble, ils devinrent pure force de destruction, force dévastatrice impitoyable et peu à peu, la fragile petite raenne se laissait consumer par toute l’énergie qu’elle déployait, puisant sans retenue dans ses réserves vitales. Une énergie chaude, protectrice vint alors l’entourer aussi sûrement que si Valorius avait refermé ses bras autour d’elle, équilibrant la décharge sauvage et sans retenue, l’amenant à un point provoqué de contrôle jusqu’à ce qu’elle ait enfin évacué tout ce qui l’empoisonnait.

De nouveau, le temps se suspendit et, tel un point d’orgue, il laissa la transformation la transmutation s’opérer pour enfin laisser Hotaru hébétée mais radieuse, libérée enfin. Le pari de du mage, bien que risqué, s’était avéré payant. L’elezen prit dans ses bras la petite silhouette mouillée et tremblante. Il savait que le chemin serait encore long mais en ce jour, et sans doute pour la première fois de sa vie, la jeune femme était libre, totalement libre et surtout sans peur. Avec un petit sourire, il prit entre ses doigts une longue, très longue mèche de cheveux bruns qui vint lui confirmer ce qu’il savait déjà :

Tandis qu’elle entrait dans sa vint-et-unième année, Hotaru s’était enfin incarnée en ce qu’elle devait être. Il était temps pour elle de prendre son nom d'adulte.

Refonte du personnage pour prendre en compte les différents aspects du roleplay que le personnage a traversé. Je remercie tous les gens qui ont accompagné le personnage jusqu'ici. Une nouvelle page se tourne, de nouveaux défis, de nouvelles aventures, il ne disparaît pas, il se transforme. A très bientôt sur les routes d'Eorzea! ♥
***FIN***
"Tant qu'il y aura de la lumière sur scène, il y aura des ombres pour danser." (les Ombres Vagabondes)

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