[Chronique] Wiloh

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Getaku Ika-Chan
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[Chronique] Wiloh

Message par Getaku Ika-Chan » 15 mars 2019, 03:10

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C'est injuste. Pourquoi la vie me tire-t-elle toujours vers les abîmes de la solitude ?
J'avais pourtant tout fait dans l'ordre. Pourquoi Azeyma continue-t-elle à s'acharner sur moi ?
Il est parti. Comme tous les autres. Et je suis de nouveau seule. Je suis faible, impuissante, je n'arrive jamais à garder mes proches en vie. Peut-être faut-il que je cesse de m'attacher pour sauver des vies ? Est-ce là le destin que me réserve les juges de nos pitoyables vies fragiles ? La solitude éternelle ?

Je ne veux pas y croire. Il m'aurait convaincu du contraire. Il m'aurait rassuré que tout n'est qu'un hasard, la suite d'un fil de coïncidences. Il m'aurait caressé la joue tout en me disant cela. Il m'aurait offert un de ces plus beaux sourires dont il avait le secret. Il aurait poursuivi son discours en m'enlaçant pour me réchauffer. Mais il n'est plus que froideur. Il aurait embrassé ma tempe d'une douceur infinie et m'aurait encourager à garder le goût de la vie. Alors qu'il en est désormais dépourvu.

Comment dois-je avancer maintenant alors que je sens mon corps aussi vide qu'une coquille, aussi froid que l'eau de mer qui me l'a arraché ? Je ne peux sauver les autres... Mais peut-on me sauver ?

Je n'ai plus de force. C'était le coup de grâce. Regardez-moi : pathétique, je n'ai plus de larmes pour déverser ma peine, je n'ai plus de voix pour exprimer ma colère, je n'ai plus de sourire pour espérer vivre dans la joie.

Je crois que je les envie. Ils sont bien là-haut, tous ensemble, en paix, tandis que moi je suis toujours au plus bas, tourmentée par la solitude et les sentiments qui me laissent un goût amer après leur départ à chacun. Et moi, pourrais-je trouver la paix...? Faut-il que j'en arrive à réaliser l'acte ultime ? Serait-ce réellement une fatalité ?
Non. Je ne dois pas penser ainsi. Tous, ils m'en voudraient. Ils souhaiteraient que je vive pour eux. J'aimerais tant leur rendre l'honneur qu'ils méritent, leur partager mes sentiments les plus sincères envers eux, mais je n'en ai pas la possibilité. Je ne l'aurais plus jamais.
Et puis, je baisse le regard et ma vision change absolument.

Parmi tout cette obscurité qui envahit mes pensées, une petite lumière, un miracle persiste et s'accroche à la vie. Notre enfant. Malgré la douleur physique et mentale que j'ai pu subir, il survit, il se bat, il veut vivre. Il le doit. Pour moi, pour son père, pour lui. J'aurais pu créer quelque chose de beau et durable au moins, je dois m'en réjouir. Un tout petit être se développe en moi telle une fleur qui n'attends qu'à éclore et scintiller grâce aux larmes et aux sourires ensoleillés du matin.
C'est à ce moment-là que je réalise enfin... Je ne suis pas seule, et ne le serais plus jamais. J'ai cette chance d'abriter la vie en mon sein, et il est de mon devoir de la faire perdurer. Je dois me battre. Je dois me relever. Plus personne n'aura à se sacrifier pour moi, pour les autres. C'est à mon tour de prendre soin de cet être, le plus cher à mes yeux. C'est à moi de reprendre le flambeau. Je ne dois plus compter sur les autres, il n'y a plus que moi. Il n'y a plus que nous. Il n'y a plus que vous.

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Getaku Ika-Chan
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Re: [Chronique] Wiloh

Message par Getaku Ika-Chan » 20 mars 2019, 14:37

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Le temps des remords est révolu. Il ne pourra y avoir de la place pour les regrets, en aucun cas je ne dois m'instaurer des obstacles à moi-même. La vie continue, c'est dur à le comprendre, à accepter de la passer sans lui mais je vais avoir besoin d'encore un peu de temps...
Cela va bientôt faire une lune qu'il n'est plus des nôtres, et son absence demeure terrible et insupportable tant il laisse un vide en moi. Je crois que je suis fin prête, mais je crois surtout que je désire rencontrer celui pour qui il s'est sacrifié. Il doit forcément en valoir la peine. Elle aussi, l'a fait, pour moi. Je doute encore que cela en valait le sacrifice, mais la vie continue. Je pense que nous devrions tous nous pardonner à nous-même d'être le fruit d'un choix aussi fatal… Je me demande si moi aussi j'en serais capable un jour, pour une personne qui aura une grande valeur à mes yeux le jour où je devrais faire face à un tel dilemme. Vivrais-je dans le regret éternel, ou mourrais-je dans l'honneur ? La vie peut être si courte, si longue, si belle, si affreuse...

Je prends conscience plus qu'auparavant de cette chance de pouvoir assister encore à la vie qui m'entoure. Le vent secoue mes cheveux, signe de souffle de vie, l'eau ruisselle dans un charmant bruissement, signe du temps qui file à son propre rythme, la faune chante un hymne à la vie, la flore danse sous le flot des biens offerts par la nature. Tout est si beau. Je suis si morne.

J'admire chaque chose qu'il nous est possible d'atteindre. Le progrès et l'harmonie entre chaque être, le sentiment de fraternité qui nous unis tous contre un ennemi commun. Je n'ose pas m'avancer malgré l'espoir, je me sens comme une simple feuille fébrile qui flotte selon un chemin imprévisible déterminée par des êtres extérieurs. Parfois semé d'embûches, d'autres fois ensoleillé de joyeusetés, chacun file son propre chemin. Tout est unique, tout est un, un est chacun. Une phrase qu'elle aimait bien prononcer en fixant droit devant elle, vers son avenir. Par moment, je me demandais si elle en connaissait la finalité...

Quoiqu'il en soit, je profite, je ne m'isole plus, je ne survis plus, je vis. Pour ma mère, pour Elianh, pour Raramun, pour mon enfant mort-né, pour Thay, pour Lila et pour mon bébé à l'avenir rayonnant de par son courage et sa lutte à survivre. Sveliannah ou Evan, nous avions choisi ces noms. Et peu importe lequel il sera, je serais la seule à pouvoir lui offrir tout l'amour dont je dispose et qu'il mérite, et le guiderait tel le bourgeon qu'il sera, telle la feuille mature que je suis, sur le chemin que sera sa vie.

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Re: [Chronique] Wiloh

Message par Getaku Ika-Chan » 23 mars 2019, 14:43

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Je recommence tout à zéro. J'ai quitté tout ce qui me raccrochait au passé, pour mieux continuer ma lutte. Je suis partie de notre foyer pour m'en construire un nouveau, en attendant je loge dans mon appartement à la Lavandière pour me sentir bien dans mon cocon qu'est mon chez moi. Je suis partie de mon travail pour ne plus me sentir obligée de devoir revenir en Noscea, toujours plus proche de cette mer qui m'a arraché les êtres les plus chers à mes yeux. Je m'en trouverai un nouveau lorsque je serais en meilleur état, et d'un autre ordre que celui du service en établissement public. Je débute même de nouvelles rencontres en sortant plus souvent le soir pour prendre l'air, grâce à C'Kala ma mère adoptive ou Xynia ma sœur de cœur qui prennent soin de Lila pour me permettre de me ressourcer. Comment ne pourrais-je pas me relever face à tant de belles choses et tenir debout grâce à tout cela ?

Je me suis rendue à une taverne de chasseurs dans le quartier résidentiel de la Lavandière, un endroit vraiment charmant tant par l'ambiance qui y règne que par ses occupants. J'y ai fait quelques rencontres d'un soir, sans même connaître les noms. Je m'étais installée à un tonneau en guise de table, assez rustique avec les murs de briques et le bois sombre du parquet, mais cela reste très agréable. Je pense que si je n'étais pas enceinte jusqu'aux dents, ces femmes ne seraient pas venus à ma rencontre et me proposer un meilleur confort en faisant apporté un fauteuil à un serveur. De nature, j'aurais râlé pour autant d'attention, je ne suis pas une femme désespérément en besoin d'aide pour quoique ce soit, je sais me débrouiller seule, et m'adapter. Or c'est bel et bien le cas, actuellement je me sens comme une femme démunie , ayant cruellement besoin d'assistance pour me relever petit à petit de cette épreuve que je traverse. J'avais presque l'impression d'être une autre personne à ce moment-là, entourée de personnes inconnues mais dont les discussions étaient vraiment amicales. Peut-être que je ne les reverrais jamais, mais simplement partager une soirée en bonne compagnie aura suffit à me réjouir et à me faire oublier même qui j'étais réellement el temps d'une soirée. J'ai même été entraînée pour danser, et cela m'avait fait un bien fou, il y a si longtemps que je ne m'étais pas défoulé ainsi. Je m'y suis rendue à plusieurs reprises par la suite pour toutes ses raisons qui rendent cet endroit plaisant à chacune de mes visites.

Juste faire des choses nouvelles qui sont pourtant banales, mais qui ne m'étaient pas arrivées depuis des lunes, me réjouit suffisamment. Cela me permet d'apprécier encore plus la vie pour toutes ses petites choses, et j'aimerais la partager avec les personnes que j'aime également. Danser, parler avec des étrangers, sortir dehors se promener et consommer dans une taverne, ou juste regarder le monde qui se déroule devant nos yeux. Que faut-il de plus ?

Mais... Malgré tout cela, je demeure encore perdue. Toujours à la recherche de la place que je dois occuper en ce monde serein par sa simplicité, sans lui, sans elles, de mon rôle à jouer de par mes nouvelles responsabilités. Tout ce que je sais, c'est que je suis une survivante, je suis toujours debout et j'ai encore bien des combats et des défis à accomplir pour l'avenir, le mien, le leurs.

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Re: [Chronique] Wiloh

Message par Getaku Ika-Chan » 29 avr. 2019, 19:58

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Je me suis rappelé de ce mystère à résoudre que nous avions reçu avec Thay il y a quelques lunes, alors que Lila était restée calme grâce à son attention attirée par le tintement de la boîte à musique qui ornait sur ma table de chevet. Je me rappelle que Thay voulait vraiment m'aider à comprendre cet objet qui m'avait tant troublé... Cette broche en forme de papillon, incrustée de pierres précieuses, je l'avais offert à mon premier amour, Elianh, tandis qu'elle m'avait offert cette boîte à musique qui renfermait tout autant d'intrigue que le retour de ce cadeau... Elle le portait le jour de sa mort, alors qu'elle coulait au fond des eaux sombres.

Je me suis torturé l'esprit des jours durant pour essayer de comprendre comment cela pouvait être possible. Était-ce une mauvaise blague ? Une réplique ? L'authentique modèle que j'avais créé ? Pourquoi l'avais-je reçu ? Comment et qui me l'a envoyé ? Rien ne pouvait être un hasard, la personne qui me l'a envoyé savait pertinemment qui je suis, et quel est mon lien avec cet objet. Tout ça n'a rien de rassurant, toutefois je suis tiraillée entre la curiosité et le désir fou d'en apprendre plus, et le sentiment d'insécurité et de crainte pour mon enfant à venir. Devrais-je écouter mon cœur, mon instinct, ou ma raison ?

J'ai suivi mon cœur, à défaut de ma raison, je suis probablement encore trop attachée au souvenir d'Elianh... Il est si difficile de déterminer si j'éprouve des regrets face à cet attachement ou non.

Alors j'ai tout simplement contacté la personne la plus apte à m'aider puisqu'il l'avait déjà fait par le passé, et que par conséquent il connaissait presque toute l'histoire. J'avais laissé un message à l'endroit qu'il fréquentait le plus, de mémoire, pour lui donner rendez-vous à mon adresse à la Lavandière. Quelques soleils après, il est venu à ma porte. Eylion semblait changé depuis la dernière fois que je l'avais vu. Ce n'était pas réellement par plaisir que je le retrouvais, mais plus par nécessité. Je n'avais pas envie de perdre de la salive avec de nouvelles personnes concernant mon histoire avec Elianh, de plus, il était le mieux placé pour connaître cet étrange aspect de magie qui rôde autour d'elle depuis toujours, et encore maintenant avec cette broche.

Je lui ai donc expliqué la situation, la réception d'un colis dont l'expéditeur était anonyme, et dont le contenu était des plus troublants. Il m'a posé de nombreuses questions, et m'a avoué que cela lui faisait pensé à la boîte puzzle du premier événement auquel il m'a... aidé. Il a même émis l'hypothèse qu'une personne en aurait fait une copie, mais nous étions d'accord sur un point : personne dans mon entourage n'avait en connaissance un tel détail concernant ma relation avec Elianh. Avec ma permission, il a finalement entrepris une analyse de l'éther qui se dégageait de l'objet. Tout ce que j'ai pu observer, c'était Eylion qui avait l'azur grand ouvert et qui s'est mis à parler en s'adressant à son interlocuteur sous le nom de Elianh. Ce n'est que lorsqu'il est revenu parmi nous que j'ai compris ce qu'il s'était passé lorsqu'il m'a expliqué avoir eu une vision d'Elianh qui lui confiait un message. Il m'a confié son inquiétude quant au mystère qui tourne autour de l'objet, et du danger qu'il peut représenter. Malgré cela, je souhaitais poursuivre, nous avons enfin un début de piste, nous ne pouvons pas nous arrêter en si bon chemin... Dans sa main, un papier s'y était logée à notre étonnement, et sur lequel était inscrit le message suivant :

"Là où la foudre est la plus forte, mais aussi la plus magique, tu trouveras un chant qui s'élèvera dans les cieux pour te guider sur la voie."

Eylion s'était retrouvé dans une vision où il m'incarnait en plus jeune où il faisait face à Eylion qui lui partageait quelques paroles peu anodines. Dans le doute, je lui ai montré un portrait d'Elianh que j'avais préservé pour qu'il puisse me confirmer ou non son identité. J'étais réellement sous le choc, et mes larmes menaçant de couler obstruaient ma vue... Le message m'était destinée d'après Eylion. L'émotion, les hormones et l'incompréhension m'ont fait perdre le contrôle de mon propre corps le temps de quelques instants jusqu'à ce que je reviennes à la raison. Il a continué de me décrire sa vision - qu'il ne semblait pas pouvoir visionner de nouveau - qui s'était déroulée dans un lieu qui me paraissait inconnu à la description : un lieu au ciel dégagé d'automne, un sol recouvert d'eau dont quelques mottes d'herbes dépassaient ici et là. Cela pouvait être tout et n'importe quoi, et rien, à part ce papier ne nous menait sur la suite d'une potentielle piste à ce mystère. Mais il ne s'agissait pas de la seule chose surprenante qui aurait eu lieu. Elle aurait parlé d'un "Devoir Inachevé" pour lequel elle comptait sur moi pour en reprendre le relais grâce aux enseignements qu'elle m'avait prodigué. "Retrouve-moi, comme tu as toujours su le faire.", il ne pouvait s'agir que d'elle, mais alors...

Les questions se multiplient et les réponses se divisent. Tout se retournait dans mon esprit tourmenté, tels mes pas qui chevauchaient en un cercle infini dans mon salon. Eylion me sortit de mes songes et ses paroles parvinrent à me ramener sur terre : Il fallait rester méfiant en cas de piège, tant que l'on ne connaît pas l'objectif de l'expéditeur. Je détestais qu'il ait raison, et encore plus que j'avais besoin de son aide, mais je dois l'admettre. Il me sera d'un grand soutien durant l'enquête. Je me suis creusé les méninges pour essayer de comprendre le lieu indiqué par le message, Eylion a tenté de m'aiguiller avec des hypothèses sur l'importance du lieu à nos yeux. Je me souvenais qu'Elianh voyageait beaucoup, faisant partie d'un Clan Lunaire nomade. Elle me racontait toutes ses péripéties, des plus ennuyeuses aux plus loufoques durant des heures jusqu'à ce que le Crépuscule fasse son apparition. "Là où la foudre est la plus forte, mais aussi la plus magique, tu trouveras un chant qui s'élèvera dans les cieux pour te guider sur la voie.", qu'est-ce que cela pouvait être...? Foudre... Forte...Magique...Chant... La seule chose qui me vient à l'esprit est Ramuh, le Primordial de la Foudre et du Peuple des Sylphes. Je ne vois que cela pour "la foudre la plus forte et la plus magique". Les Terres Sylves sont sûrement notre prochaine destination, mais je peine à me souvenir de son voyage en ces lieux... Peut-être me souviendrais-je des détails plus tard, je me rappelle seulement qu'elle était agréablement surprise par une découverte amusante et étonnante là-bas. Nous verrons bien, mais j'ai indiqué à mon partenaire d'enquête improvisé notre prochaine destination. Malgré quelques nouvelles protestations de sa part concernant mon état physique, nous nous sommes mis d'accord pour qu'il compose une équipe afin de me protéger en cas de mauvaises rencontres durant l'enquête.
* ~.~.~.~.~ * ~.~.~.~.~ *
Quelques jours plus tard, Eylion avait réuni une équipe complète composée d'un Raen élémentaliste, et d'une Solaire épéiste. Nous nous sommes rapidement présentés puis ils m'ont posés quelques questions sur cette affaire et mes intentions. Je ne leur ai absolument rien caché, hormis le fait que je n'ai pas précisé davantage mon histoire avec Elianh, je ne tenais pas à me montrer de nouveau faible... Nous nous sommes tous préparés pour une expédition direction les Terres Sylphes, et avons traversés Gridania et la Forêt de l'Est sur une barque. Je ne m'en croyais pas capable, je m'étais éloignée initialement de la Noscea pour éviter toute proximité avec l'eau dont j'en suis angoissée, et pourtant, me voilà bel et bien sur une barque en train de naviguer sur les eaux tranquilles et claires de Sombrelinceul. Eylion et Kyuuji le Raen sont allés dans une barque à part devant nous, et J'reya, la Miqo'te qui pagaie, me fixe tout en me parlant malgré une tension qui demeurait lourde dans l'air, qui avait le don de me mettre encore plus mal à l'aise que je ne l'étais déjà.

La traversée aurait pu être rapide et j'aurais enfin retrouvé mes pieds sur la terre, mais il a fallu qu'un élémentaire d'eau corrompu interrompe notre petite balade en nous attaquant. L'éther ambiant s'est condensé pour donner naissance à cette aberration entre nos deux barques, et s'est mis à nous agresser à base de sort de magie d'eau assez violent pour pouvoir déstabiliser notre virée, faisant presque chavirer nos embarcations. J'reya et moi étions impuissantes face à la situation, aucune arme physique ne pouvait atteindre cette créature des eaux. Eylion a bien failli passer par dessus bord à quelques reprises, mais les deux mages sur l'autre barque ont tenus le coup et on réussit à affaiblir suffisamment l'esprit corrompu d'eau pour finalement le terrasser et le faire retourner à son état naturel. Les inquiétudes soulagées après cet incident, nous avons poursuivi rapidement notre voyage en barque jusqu'à accoster à la Jetée du Bosquet de la Forêt de l'Est.

Nous avons parcouru la distance qui séparait la Jetée du Bosquet jusqu'au Refuge des Sylphes où nous avons échangés quelques paroles avec les habitants pour obtenir leur permission de traverser leurs terres. Leur salutation atypique par la danse n'avait dérangé que les deux autres Miqo'te du groupe, mais leur participation nous devait être utile pour faire bonne impression devant les hommes-bêtes inoffensifs de la nature. Nous avons pu reprendre notre route avec une formation préparé à l'avance pour pouvoir me protéger devant et derrière moi, le danger rôde toujours dans ces terres peuplées aussi de Sylphes Subjugués.

En pénétrant dans la forêt plus profondément, les lieux se sont teints tels que cela donnait une ambiance peu rassurante et sombre. La présence du Primordial de la Foudre, Ramuh, se faisait sentir de plus en plus grâce à la charge électrique flottant dans l'air. Nous étions arrivés dans une clairière parsemée de hauts champignons fluorescents dont semblaient s'échapper des murmures aux paroles imperceptibles. Au centre face à nous, entre la cime des arbres était suspendue comme un cocon clos chargé en éther et retenue par un nœuds de lianes fleuries. Kyuuji ne se sentait pas en sécurité, et Eylion restait méfiant, et c'est en nous approchant de ces lieux que j'ai senti mon éther se gonfler et mon cristal d'âme de barde s'illuminer. J'avais la conviction que c'était un signe, que mon cristal me signalait que j'étais sur la bonne voie... Après tout, il appartenait à Elianh auparavant, mais n'avait pas briller pour elle.

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Mon intuition et mon cristal me murmurait de me rapprocher des champignons fluorescents, et d'établir un contact physique avec. Alors que je touchais de l'index le chapeau du champignon, les autres se sont mis à clignoter dans un rythme commun, déclenchant un son provenant de la plante suspendue, semblable à une note de musique sur un rythme en quatre temps. Nous avions eu du mal à comprendre, Eylion a supposé que je devais jouer la mélodie que nous avions composés avec Elianh, mais aucune réaction s'en était suivie. Nous étions tous un peu perdus... J'ai reproduit le son rythmé de la plante suspendue, et les champignons se sont mis à clignoter chacun à leur tour en produisant les sons identiques de la plante suspendue. Nous sommes restés de longues minutes à réfléchir, assez perplexe, avant de comprendre finalement qu'il fallait se servir des champignons comme de percussions pour répéter les différents rythme en quatre temps qui auront composé une musique plutôt harmonieuse. Une fois celle-ci entièrement recomposée, les lianes se sont mouvés pour laisser descendre jusqu'au sol le cocon clos, les champignons se sont alors complètement réduit par terre, et puis le silence, presque surprenant comme si on le redécouvrait après tant de minutes comblées par les sons produits par cette étrange flore, fait son apparition aussi glaçante que celle d'un spectre. Sous le conseil de la petite équipe, j'ai finalement reproduit la musique en entière, et l'éclosion d'une magnifique fleurs aux pétales rosées autour du cœur rayonnant de lueur de la plante.

Oreilles et cornes ont pu tous percevoir un chant auquel se mêlait les murmures des champignons, et dont la voix et les paroles étaient insaisissables pour nous. Mais Eylion semblait être le seul en avoir capté le sens, un brin perturbé. Le souffle d'éther que me procurait mon cristal d'âme s'épuisa, mais j'étais toujours perdue quant à la piste à suivre désormais dont seul Eylion en avait la clé. Il affirmait avoir entendu que la chanson parlait d'une Tour de Verre, au sommet duquel se dressait un jardin d'eau et d'arbres, où il m'attendrait des épreuves que seul "mon apprentissage" me permettrait d'être digne de les réussir avec aisance, et qu'au terme de celles-ci un grand Secret me serait dévoilé. Le trouble m'avait habité de nouveau et je n'ai pas fait attention au Lunaire qui s'approchait du cœur de la fleur, et se faire emprisonner le bras par les pétales qui se sont refermées telles une bouche autour de son bras. Au sol, les champignons qui s'étaient écrasés sur eux-même se sont soulevés du sol, et ainsi l'on a pu voir qu'ils faisaient partis d'un jeune tréant qui viennent former une protection de la fleur en l'entourant de leur corps. Grâce aux dons du Raen élémentaliste, tout s'est apaisé, les tréants sont retournés à la terre, et la fleur se mit à faner en libérant le bras meurtri du Lunaire, l'air évasif, il avait prononcé le nom d'Elianh. Il a avoué l'avoir revu, devant un géant cristal flottant dans la Mer d'Ether infini. Il avait même eu l'impression de pouvoir communiquer avec elle un court instant, et qu'elle l'avait regardé comme un intrus.

C'est alors que Kyuuji a émis une hypothèse à en faire froid dans le dos quant à ces visions... L'âme d'Elianh n'avait peut-être jamais rejoint la Mer d’Étoiles. C'était pour moi inimaginable. Non seulement, elle s'était sacrifié pour me sauver la vie et me permettre de gagner la liberté qu'elle estimait que je méritais, mais en plus, elle n'aurait jamais pu trouver la paix, rejoindre ses ancêtres, et n'aurait été qu'une âme errant dans la solitude, entre deux mondes inaccessibles ? Cela ne pouvait être qu'un cauchemar... J'avais suffisamment culpabilisé de sa mort, et m'étais consolé en pensant qu'elle serait désormais en paix alors que... Non, je dois me reprendre, il n'est pas question de faire une nouvelle chute ou mon bébé en ressentira des séquelles de par notre lien qui nous unit en tant que mère et enfant. Eylion a suggéré que nous devions rentrer après cette enquête aussi périlleuse que énigmatique, pour penser à tout cela à tête reposée. Le trajet du retour m'a semblé insurmontable, mon état psychologique était déplorable... L'idée de ce qu'a pu vivre Elianh m'est comparable à un goût de fer dans la bouche. Je n'ai pas fait attention lorsque nous sommes arrivés devant la porte de mon appartement, et qu'ils me suivaient encore tous à l'intérieur.

Et puis cette histoire d'une Tour de Verre... La seule fois dont je puisse me souvenir d'une quelconque Tour de Verre, c'était lors d'une histoire chantée qu'elle avait inventé, une pure fiction dont elle rêvait d'en voir la concrétisation. Mais il ne s'agissait que de rêves d'enfant à cette époque-là, nous étions encore si jeunes... Et les hypothèses fusèrent, visant tout et n'importe quel lieu, le Coerthas, le Mor Dhona, Allag... Ils ont conclu par une idée d'explorer la région et de se laisser guider par mon cristal, seulement cela prendrait des lunes de s'y prendre de cette manière. Eylion a ensuite proposé de réaliser quelque chose dont je n'avais jamais entendu parler, un sort magique qui permettrait de plonger deux personnes dans un sommeil durant lequel leurs esprits seront liés pour broder un rêve qui les représente sous la forme d'un Paysage onirique propre à chacun. Il souhaitait me transférer les souvenirs des visions qu'il avait eu de Elianh, qui m'étaient au départ destinées, il était persuadé que n'importe qui ne pouvait y avoir accès après tous les moyens employés pour garder ces informations cachées du monde. Il m'a rassuré face à mes questionnements et troubles concernant ce sort magique qui me paraissait étrange, et il a ensuite saluer ses camarades qu'il a invité à rentrer chez eux par rapport à l'heure tardive à laquelle nous étions revenus de notre expédition.

Nous nous sommes installés de façon à être le plus confortable possible pour cette drôle d'expérience, il m'a donné les instructions pour retrouver la Frontière entre nos Paysages Oniriques avant de se lancer dans une incantation complexe durant laquelle sa voix s'est mise à prendre de l'ampleur en profondeur et en volume. Les pages de son manuscrit se sont mis à tourner frénétiquement jusqu'à s'arrêter à une en particulière sur laquelle des symboles que je ne saurais définir s'illuminèrent. J'ai rapidement sombré dans un profond sommeil, entrant dans une obscurité totale avant qu'un paysage confus ne se forme sous mes yeux dont l'acuité s'était soudainement développée. Une étendue désertique défilait sous mon regard, et diverses édifices en pierre et cristaux corrompus étaient alignées les unes à côté des autres. Tout semblait en ruines, et chaque édifice me représentait sous différents âges, avec un cristal barde brillant de sa belle lueur verte au cœur des statues. Je suis restée ainsi à les observer pensivement, avant de me retourner vers une lisière qui se dessinait derrière moi, donnant sur un précipice et une mer d'étoiles infinie. Mon odorat s'était développé également, je ressentais non seulement les parfums imaginaires mais aussi des émotions qui provenaient des statues. Je cherchais péniblement un moyen de savoir si m'aventurer dans ce vide serait dangereux ou non. Je me suis mise à bousculer alors un cristal corrompue de mon corps devenu robuste, je savais qu'il s'agissait d'une rêve, et que je ne pouvais sûrement rien risquer à toucher quelque chose provenant de mon imagination. En le poussant dans le vide, j'ai pu constater que les lois de la physique étaient complètement inexistants dans un endroit pareil en voyant le cristal corrompu tomber au ralenti dans le vide avant de disparaître subitement, comme s'il avait traversé une membrane invisible dans ce décor surprenant.

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Je suis allée suivre la trajectoire du cristal, et durant un instant toute conscience d'un quelconque sens directionnel avait disparu : il n'y avait ni Nord, ni Sud, ni Ouest, ni Est, ni haut, ni bas. Je ne voyais que ce ciel interminable, puis enfin un sol dur et froid sous mes pattes. L'environnement s'était changé, le ciel étoilé n'était plus qu'un ciel, et j'étais dans un coin d'esplanade au milieu d'une bâtisse aux allures d'une Académie pour Mages. Et enfin, j'avais retrouvé dans cet espace Eylion, ou du moins différentes représentations de lui à divers âges en rien comparables aux statues inanimées de mon Paysage Spirituel. C'est à ce moment-là que je me suis rendue compte que notre apparence aussi s'adaptait dans cette Vision étrange, je n'étais plus la Wiloh que je connaissais, mais un majestueux Coeurl au pelage noir de jais, j'ornais également un ventre arrondi dans lequel se développait mon petit. Je me sentais gigantesque, et puissante, face à des Eylion tous dans un état déplorable : Un Adolescent au sourire cynique et au regard d'une lueur presque démoniaque, un Adulte aux airs austères, un Enfant aux yeux d'azur emplis de larmes surnaturelles et d'une innocence dont je me suis éprise d'une empathie maternelle, et enfin une Carcasse au bord de l'état de charogne en décomposition. Tout cela, dans une ambiance lumineuse morose qui assombrissait les lieux d'une manière inquiétante.

En me voyant, l'Enfant, l'Adolescent et l'Adulte ont échangés quelques mots concernant la raison de ma présence en ces lieux, peu visité d'après ce que j'ai pu en retenir. L'Adulte avait demandé à l'Enfant d'aller chercher les souvenirs des visions d'Eylion, et pendant que celui-ci était absent, je me suis approché pour sentir ce qui se dégageait de l'Adolescent : Du cynisme, de l'amertume et de l'égocentrisme. Un visage plus ou moins surprenant venant du Eylion que je connaissais dans la réalité. L'Adulte arborait un parfum d'austérité, de droiture et de douleur, des aspects qui ne me paraissaient pas vraiment nouveau dans le fond. La Carcasse était couverte d'une multitude d'odeurs qui se confondaient entre elles tant elles étaient nombreuses et difficiles à décrypter : fierté, droiture, cynisme, espoir, désespoir, blessures, égo, rage. Cette version de lui était des plus étranges et inquiétantes d'autant plus que son apparence était vraiment repoussante au point d'attirer des regards méprisants de la part de ses autres versions.
L'Enfant revint après un moment durant lequel je m'étais simplement assise à observer chacun d'entre eux, près de la Carcasse pour laquelle je ressentais une empathie étrangère. Le jeune Miqo'te portait entre ses mains une sphère de lumière dorée et me le tendit comme une offrande, de son sourire chaleureux contrastant avec les larmes qui coulaient en continue sur ses joues. La sphère s'est fondu en moi dès lors que j'ai établi un contact avec, et une avalanche de souvenirs de Eylion, avec toutes les visions de mon Elianh m'adressant ses messages. Je peinais à l'écouter sainement, l'émotion m'envahissant en revoyant l'image de cette adolescente que j'ai tant aimé. Je sentais les forces de mon corps m'abandonner alors que mes émotions prenaient le dessus, je crois que l'Enfant l'avait ressenti puisqu'il m'a étreint entre ses bras. Il m'a fallu quelques minutes pour m'en remettre doucement, chacune des versions d'Eylion m'encourageait à sa façon quant au bon déroulement de l'enquête et à la résolution de tous ces mystères, peut-être même retrouver Elianh. Une dispute a commencé à germer entre l'Enfant et l'Adolescent, et pour préserver l'équilibre précaire de ces lieux, l'Adulte a dû intervenir pour les stopper et me demander de repartir maintenant que j'avais ce qu'il me fallait.

Mon retour dans mon Paysage onirique s'est déroulé tranquillement, bien que mon esprit était encore troublé par les émotions ressenties à travers les visions d'Elianh, la seule, l'unique... Tout était si réel et rien n'avait changé depuis ce jour funeste : sa voix enchanteresse, ses yeux ambrés ronds comme des billes, sa peau sombre qui faisait ressortir son magnifique sourire avec ses dents du bonheur, ses oreilles longues et toutes duveteuses. Sa beauté paraissait éternelle, jeune, mais le souvenir de sa mort, lorsqu'elle chutait devant mes yeux, son regard m'envoyant une vision de détresse et d'horreur absolue alors qu'elle rejoignait les fonds marins, créant une mare de sang s'échappant du trou béant causée par la lame d'un des miens, un Tia de la Tribu Coeurl, sous l'ordre de notre Nunh envers qui j'avais trahi notre accord pour maintenir secret ma relation interdite avec cette Lunaire. Le réveil de chacun de nous a été assez troublé par ce que nous avions vu l'un de l'autre dans ce Refuge Mental, je m'étais rendue compte que j'avais découvert plus que des souvenirs de visions, mais des visages inconnus de Eylion et une réalité de son état mental étonnante. Un silence pesant s'est installé, et nous avons décidés de nous revoir lorsque j'aurais réfléchi à tous les indices possibles qui m'étaient donnés à disposition désormais. Plus nous avançons dans cette enquête plus je crains ce que je risque de découvrir à la fin soit encore plus bouleversant que tout ce que j'ai pu traversé jusque-là.

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Getaku Ika-Chan
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Re: [Chronique] Wiloh

Message par Getaku Ika-Chan » 21 juin 2019, 19:39

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Une nouvelle piste s'est ouvert à moi dès lors que j'ai fouillé dans ma mémoire pour retrouver un quelconque lien avec cette Tour de Cristal dont Elianh rêvait dans ses histoires fantastiques d'enfant, et j'ai immédiatement contacté Eylion, Kyuuji et J'reya pour leur en faire part. Je pensais être sûre de ce que j'avançais. A son arrivée, Eylion paraissait méconnaissable sous sa coule noire, mais j'ai pu reconnaître son Azur briller d'une lueur sans vie, en plus de son corps qui semblait montrer des failles de fatigue voire de maladie tant il ressemblait à un cadavre livide. Je craignais que ce soit une conséquence de notre dernier entretien dans son Refuge Mental, mais je n'ai pas osé m'enfoncer dans le sujet alors que notre relation se tient strictement à des formalités d'aide pour mes tracas anormaux.

Une fois tous installés, je me suis lancée dans mon explication. J'avais enfin saisi de quel apprentissage elle faisait référence, notamment par rapport à tout ce qu'elle avait laissé derrière elle pour moi après sa mort, comme si elle savait déjà qu'elle allait mourir. La boîte à musique et sa clé secrète qui m'a mené jusqu'à une boîte puzzle contenant le Cristal d'Âme Barde dont je suis l'héritière, puis la Broche en forme de papillon et son message secret, et enfin la Plante Chantante... Toutes ces enquêtes et énigmes sans aucun sens, aussi simplets que des jeux d'enfants, me rappelaient fortement notre enfance passée ensemble à constamment jouer justement, à tous les petits jeux et histoires qu'elle inventait. C'était cela, l'Apprentissage dont elle parlait dans son message. Ses jeux d'enfants. Les paroles de la chanson me sont revenus à l'esprit semblable à un coup de fouet. Ce conte autour d'une Tour de Verre dont le sommet offrait un magnifique jardin fleuri sur un ciel immense, nous l'avions inscrit dans les paroles d'une chanson composée par nos soins, dans le but de laisser une trace de nous deux à travers le chant et la musique, une passion qui nous était commune.

"Dans mon Jardin Secret, dans mes Rêves,
Il n'y a de limite ni dans l'Espace, ni dans le Temps,
Où vivent en harmonie deux cœurs entre qui brûle un amour incandescent,
Ni même l'Union de la Lune et du Soleil dans une éternelle lumière qui s'élève,
Ni même un énième Fléau
Ne sauront séparer le tintement de l’Écho
Qui résonne et résonne de l'Aube au Crépuscule
Autant que vivra cette Ode aux Cieux.
Seule cette incroyable Tour de Verre pourrait atteindre les Dieux,
Et leur prouver que pour notre Amour, dans une Dernière Prière, nous n'emploierons aucun Recul."
En relisant encore, et encore les paroles en cherchant un quelconque indice sur la destination à trouver, je me suis rendue compte que mon regard s'attardait beaucoup trop sur l'ultime vers. "Dernière Prière", il ne s'agissait pas d'un lieu anodin. Le plus troublant est que cette chanson ait été écrite de son vivant, et que cette "Dernière Prière" est le lieu où sa vie s'est éteinte. Leur ayant fait part de mon ébauche d'une piste à suivre, nous nous sommes préparés à partir sur le champs. Malgré mes doutes, j'étais plus que jamais prête à aller jusqu'au bout maintenant que j'étais en plein dans l'enquête, en espérant ne pas rencontrer d'obstacles trop insurmontables tels que la Tribu Coeurl ou les Amalj'aa qui vivent dans les parages... Mais il suffisait simplement d'y penser pour en croiser sur la route, à un croisement de chemins. Deux Amalj'aa faisaient le gai pour un campement entier derrière eux, et au vu de leurs armements ils étaient respectivement occultiste et lancier. Les deux mages qui m'accompagnaient se sont mis d'accord pour endormir chacun un garde Amalj'aa pour nous permettre de passer devant eux sans alerter leurs confrères. Notre plan avait presque été parfait, au moment du passage de Eylion qui fermait la marche derrière moi, un Amalj'aa archer avait remarqué sa présence et s'était approché, mais ni une ni deux, Eylion et Kyuuji n'ont pas attendu pour lancer un sort de Sommeil combiné, faisant tomber l'homme-bête comme une mouche.

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Une étincelle verdoyante luisant de mon Cristal d'Âme Barde confirma mes craintes : nous étions face à la Stèle d'Azeyma, dernier repaire où la vie d'Elianh avait pris fin. Rien n'avait changé depuis ce jour funeste, l'herbe était sèche , la terre craquelée, le paysage au-delà du rebord de la falaise demeurait le même, froid à mon cœur assaillis par la culpabilité des souvenirs malgré un vent lourd de chaleur. Je suis revenue à la réalité lorsque mes deux compagnons de fortune me signalèrent un source d'éther présente sous terre. Kyuuji cherchait à palper la terre et à la creuser du bout de sa botte, Eylion observait les alentours par une analyse de l'éther environnant, et avec mes faibles capacités en terme de magie, je n'ai fait qu'utiliser mes yeux et ma ruse pour finalement tomber sur un trou en forme de serrure à l'arrière de la Stèle d'Azeyma. Il ne semblait absolument pas naturel. Dans le même temps, Kyuuji avait sorti de terre un petit coffret en bois, celui-ci sans serrure, similaire à celui dans lequel Elianh m'avait fait trouvé mon Cristal. Je connaissais parfaitement ce petit jeu à force de pratique, il s'agissait d'une boîte puzzle, le plus dur était de trouver le départ de l'énigme, puis il suffisait de continuer jusqu'à un cliquetis, signe de la résolution et de la victoire de ce jeu.

Le coffre était plus complexe qu'à l'habitude, de plus, il y avait des dessins sculptés avec des outils enflammés : une Lune, une Tour, une Femme, et un Œil. Il faudrait sûrement les retenir, rien n'est jamais fait par hasard avec Elianh. Pendant que je résolvais l'énigme, nous cherchions à comprendre s'il fallait réfléchir à un ordre pour disposer chaque symbole plus tard. Eylion pensait suivre la démarche de la façon suivante : "Une Femme qui se rend à une Tour pour Observer la Lune." ; quant à Kyuuji, il était plus dubitatif et ne comprenait pas totalement l'importance de l'Œil, pour lui j'étais la Femme ou Elianh l'était, la Tour était celle de la Chanson qui nous permettait d'atteindre les étoiles, la Lune. Quant à moi, j'ai pensé à un ordre de logique, du plus petit au plus grand. Mais nous étions tous d'accord que la Lune serait le dernier point à apporter. Lorsque le coffret s'ouvrit, nous avions découvert que l'éther était concentré en l'objet qu'est son contenu : un pendentif en forme de croissant de Lune avec un cœur en Saphir ou en Cristal, ainsi qu'une clé en forme de Papillon, semblable à celle qui ouvrait le coffre contenant anciennement mon Cristal Barde. Les garçons étaient certains que la source d'éther provenait du petit cœur justement, et que la clé devait correspondre à la serrure de la Stèle d'Azeyma. Lorsque j'insérais celle-ci, un bruit sourd et un tremblement nous secoua tous, et à partir de la roche se formait un escalier de pierre longeant la falaise en direction de la rivière en contre-bas. La voie nous était clairement ouverte et distincte, nous devions poursuivre notre enquête sur ce chemin sans aucun doute.

Nous sommes descendus avec beaucoup de prudence, et sommes entrés dans ce qui semblait être une grotte dans la continuité des escaliers sous la falaise, à se demander comment elle tient encore debout. Le chemin s'est changé en un sillon éclairé par des lanternes à base de champignons luminescents, comme ceux que nous avions rencontrés en Forêt de l'Est. Et lorsque nous parvenions enfin à trouver le bout de ce tunnel sinueux et humide, nous arrivions dans une grotte s'élevant très haut à toit ouvert sur le ciel. Je ne savais pas où pouvait se trouver cet endroit, d'autant plus qu'il devrait pouvoir être trouvé avec cette vue sur le ciel étoilé. Et au centre, sortait de terre la Tour de Verre resplendissante par les reflets des sources de lumière des champignons. Une immense porte se dressait sur notre chemin pour monter dans la Tour dépourvue de serrure tout comme le coffre, elle ne pouvait s'ouvrir qu'en déplaçant correctement des plaques formant des cercles les uns dans les autres, sur lesquels étaient gravés divers symboles dont les quatre que nous avions retenus sur le coffret plus tôt, et au centre s'y trouve un quart de Lune en noir.

Eylion tenta de presser le symbole de l'Œil apparaissant sur les bords d'un cercle, il se produisit la même chose qu'avec les champignons musicaux, une illumination et un son en jaillirent le temps de quelques secondes. Kyuuji a suggéré d'aligner d'abord les symboles, et de mon côté, j'ai proposé un ordre vertical, comme la Tour. Après un premier échec, Eylion essaya l'ordre que j'avais proposé toujours, et tout se mit à s'illuminer et former une musique claire, mais la porte ne s'ouvrait toujours pas. Il tenta de changer les combinaisons, et c'est à ce moment-là que j'ai réalisé l'utilité du pendentif en voyant que seul le quart de Lune noir ne s'illuminait pas. Je l'ai placé dans le creux pour former une Lune complète avec le cœur bleuté, et je ne parvenais pas à le récupérer, comme fixé sur son emplacement. Les lumières et les chants reprirent de plus belle, et un tremblement lourd fit ouvrir les portes en deux devant nous, nous donnant accès enfin à cette Tour, dernier obstacle pour arriver à la fin de notre enquête, espérons-le.

En entrant, nous avions dû monter un interminable escalier en colimaçon malgré moi, entre les douleurs dorsales, les jambes lourdes et les essoufflements, nous mettions beaucoup plus de temps à cause de moi à atteindre l'objectif. Plus nous étions proches, plus je me sentais pressée de découvrir le fin mot de cette histoire. Elianh était peut-être vivante, au bout de ce chemin... Mais s'il s'agissait d'un piège, nous serions tombés dans la gueule du loup comme de stupides agneaux naïfs. Et en parlant de loup... Nous venions d'entrer dans une grande salle sombre, illuminées par quelques torches accrochées aux murs, et face à nous se dressait une gigantesque Statue de Cuivre d'une Louve à Quatre Yeux Clos entourée de deux piliers desquels lévitaient deux énormes cubes en pierres, comme le sol recouvert de dalles en pierres et sur-lesquels ont été creusés des points. Chaque dalle semblait représenter une face d'un dé, les points dispersés du chiffre un à six. Tout portait à croire que c'était une nouvelle énigme, et je devinais rapidement de la nature de celle-ci : Elianh adorait jouer à "Un, deux, Trois, Soleil", mais avait adapté les règles pour qu'il soit plus complexe et amusant. Or, au vu des enjeux et de l'accident qui était arrivé à Eylion avec la Fleur Chantante, je crains que si l'on rate ce jeu les conséquences en soient plus graves. Et je n'ai pas envie d'y goûter. L'explication des règles a été laborieuse, Kyuuji ayant du mal à comprendre l'adaptation faite par Elianh, je me suis donc lancée dans le jeu pour mieux illustrer mes propos.

Le jeu se déroule en deux phases. Les dalles sont placées en colonnes de dix sur des lignes dix dalles. Lorsque les cinq premières lignes sont franchies, admettons sans soucis, en se posant de façon immobile sur le chiffre demandé par les dés à côté de la Louve qui ouvrira les yeux pour vérifier la bonne application des règles du jeu, la phase deux peut alors commencer, et il faut se placer sur deux dalles différentes ensuite, et tenir l'équilibre pendant quelques secondes. Avec mon ventre de sept lunes, c'était handicapant par rapport à mes treize ans lorsque nous y jouions avec Elianh. Tous les jeux que nous faisions, ils servaient à me préparer à ce moment précis. C'était cela dont elle parlait, l'Apprentissage.

Je me plaçais sur le chiffre un comme sur les dés aux côtés de la Louve qui ouvrit ses quatre yeux d'une lueur rouge peu rassurante sur moi, je me devais de rester immobile, mais la pression de ne pas savoir les risques que j'entreprends, d'autant plus que je n'y avais pas joué depuis longtemps. Je parvins toutefois sans problèmes jusqu'à la seconde phase qui s'apparentait finalement plus dur que je ne l'avais pensé, la nervosité de ne pas savoir ce qui m'attendait en cas d'échec y jouait pour beaucoup. Elianh me chatouillait lorsque j'avais perdu, or ici, je doute que cette inquiétante statue de Louve vienne se déplacer pour me chatouiller... La sueur coulait de mon front et rendait aussi mes maintes moites, la douleur qui me tirait le bas du dos n'aidait pas non plus lorsque je devais garder un équilibre avec les jambes relativement écartées pour avoir les pieds sur deux dalles différentes telle qu'il le fallait pour la deuxième phase. La pression, la douleur, le stress étaient de plus en plus forts et insupportables, heureusement pour moi, la fin du jeu était proche, et je pouvais enfin me poser et respirer un coup tandis qu'Eylion se lançait à son tour sur le plateau de dalles. Il semblait si aisé dans son équilibre, même s'il avait l'air d'être mort à l'intérieur, je ne savais pas si je pouvais vraiment l'envier dans son état. Ses gestes étaient à la fois agiles et rigides telle un pantin manipulé, derrière lui, je parvenais à voir l'inquiétude persistante de Kyuuji envers Eylion, et je suis certaine que cela ne concernait pas vraiment un potentiel échec de sa part sur le jeu, mais plutôt son état en général. L'effort semblait l'avoir à peine ébranlé lorsqu'il finit par me rejoindre avec d'impressionnantes acrobaties qu'il enchaînait avec beaucoup de facilité. Quant ce fut le tour de Kyuuji, il employait énormément de prudence, beaucoup plus craintif qu'Eylion. Alors que la fin s'approchait pour lui, il perdit son équilibre face au regard de la Louve, nous alarmant tous lorsqu'on la vit se mouvoir pour lancer un sort de foudre sur l'emplacement de Kyuuji. Voilà donc la sanction, cela faisait froid dans le dos... Je me souviens de la dernière fois que j'avais été foudroyée par un sort, et une marque est restée sur mon corps définitivement. Je ne souhaite à personne de subir cela, vraiment. Eylion a réagit plus vif que moi, et a évité à Kyuuji le coup de foudre en le soulevant dans les airs par un sort de vent puissant. Il le guida jusqu'à nous pour le mettre en sécurité, et pendant tout ce temps, je n'avais rien pu faire. La magie surpasse beaucoup, par moment.

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Plus loin derrière ce plateau de jeu et de sa gardienne louve, se trouvait la suite : encore un maudit escalier en colimaçon... Pourquoi a-t-il fallu que ça soit une tour, bon sang ? J'aurais peut-être mieux fait d'attendre la fin de ma grossesse pour me faciliter la tâche finalement, mais une lune encore, c'est très long pour une personne aussi impatiente que moi. Eylion vint m'aider à finir de graver les marches en voyant mon essoufflement très pénible, et nous arrivions à atteindre notre objectif final, le toit. Tout était tel qu'Elianh me le décrivait : son Rêve, son Jardin Secret se dressait là devant nous, presque irréel. Le sol était tapi d'une eau sombre, et de la végétation le jonchait ici et là donnant un aspect ancien, mystique, au-delà du Temps. Le Ciel Étoilé et illuminé de sa belle Lune éclairait l'espace grâce aux reflets sur les flots. Au centre de ce toit, il y avait seulement un pilier qui ne paraissait pas naturel, qui faisait tâche dans ce décor naturel. Un miroir y était disposé, sur lequel se reflétait puissamment la lueur lunaire, qui alors, formait une silhouette surnaturelle, et pourtant à la ressemblance humaine. Elle dégageait une aura à la fois douce et forte, même moi qui ressentait difficilement l'éther, je pouvais le détecter aisément tellement cette silhouette en était imbibée. Tout son être n'était qu'éther, tel un spectre venu tout droit de la Mer des Étoiles... A cela, mon cristal d'âme s'illumina d'une lueur si brillante que je n'en avais jamais vu pareille auparavant. C'était forcément elle. Je la voyais, au loin, qui nous attendait, et inconsciemment, alors que mon esprit vadrouillait, mon corps s'avançait pour la rejoindre.

Elle se dessinait de plus en plus précisément sous mon regard oblongue. Elianh. Elle paraissait si jeune, si frêle et si forte à la fois, si insaisissable alors que son apparition spectrale m'avait complètement saisie d'émotions incroyables. Son sourire, lui, était redevenu éternel, et avait pris place à la dernière image de son visage crispé de douleur que j'avais d'elle, ancré dans mon esprit tel une marque au fer rouge sur la peau. Puis, elle éclaircissait sa voix, tournant autour de chacun d'entre nous comme pour s'assurer de notre bienveillance, de notre sincérité quant à notre venue ici. Elle n'aurait jamais permis à quiconque d'entrer dans un lieu aussi important que son Jardin Secret.

Elle se dressait de sa petite taille d'enfant devant moi, me saluant d'un air plus timide malgré son sourire malicieux et ses yeux ambrés toujours aussi mystérieux dont mon regard ne pouvait définitivement plus se détacher. Elle riait comme si de rien n'était, alors que j'avais beaucoup de mal à croire s'il s'agissait de la réalité ou d'un de mes nombreux cauchemars qui obstruent mon sommeil chaque nuit depuis des années... Le mystère demeurait toujours autour de cette fille, tout chez elle l'était, son regard, son histoire, ses paroles, ses gestes, ses jeux... Elle avait le don d'être un mystère entier. Elle regarda Eylion pour lui répondre à sa question pour vérifier si elle n'était pas un imposteur, alors que lui attendait que je puisse retrouver mes esprits pour confirmer l'identité d'Elianh de par une anecdote que nous avions partagé étroitement elle et moi : mon second tatouage, un ensemble de rouages que j'avais fait faire pour soutenir son handicap. Elle était réelle. Les questions se bousculaient entre elles, Elianh nous surprit tous par sa connaissance des noms de Eylion et Kyuuji alors qu'ils se rencontraient pour la première fois. Son rire cristallin, son amusement quant à notre incompréhension, son détachement par rapport à la situation, tout chez elle dans son comportement actuel me paraissait si étrange et familier pourtant... C'était bien elle, mais quelque chose clochait. Avait-elle oublié ce qu'il était arrivé il y a de cela presque six années ? Je me devais de le lui rappeler, cette fatalité qui a touché notre Amour Impossible. Son sourire devint immédiatement peiné à mes mots, durs comme la vérité. Je l'ai vu mourir de mes propres yeux, mais il semblerait que cela ne s'arrête pas là, puisqu'elle est là. Son but en me faisant venir ici était de me confier toute la Vérité qu'il me manque, elle souhaite m'en faire l'héritière puisqu'elle me voue une grande confiance.

Kyuuji nous as tous coupés le souffle en émettant une hypothèse qui s'est avérée vraie contre toute attente : Elianh était parmi nous car elle n'avait jamais pu rejoindre la Mer des Étoiles. N'était-ce pas le sort le plus affreux qui puisse arriver à un Être aussi bon qu'elle...? Errer, entre notre Monde et la Mer Étoilée, cela a dû être si long pour elle... Les questions se multiplient à chaque nouvelle information, et me torture l'esprit confus comme jamais. N'avait-elle jamais connu la paix...?! Pourquoi un tel acharnement sur elle, Azeyma ?! Kyuuji s'est proposé d'aider son âme à rejoindre celles dont la vie n'appartient plus à notre terre, pour cela, je lui en serais éternellement reconnaissante. Mais il attendrait qu'elle ait fait ce qu'elle avait à faire pour agir. Elle se retourna vers moi, ses mains effleurant mes joues et mes cheveux longs telle une brise, une caresse à peine saisissable, en attendrissant son sourire. Pendant ce temps, Eylion semblait méfiant, et Kyuuji discret et respectueux de l'importance du moment. Quant à moi les larmes devenaient de plus en plus difficiles à contenir... Pourquoi persistait-elle à faire comme si sa mort n'avait jamais eu lieu ? Pourquoi n'est-elle pas triste, en colère ? Tout est de ma faute, si elle se retrouve dans un état d'errance entre la vie et la mort. Tout est de ma faute...
Six ans s'étaient écoulés depuis qu'elle était partie de notre monde, de mon monde, et le vide qui s'était creusé en moi par son absence et la culpabilité du sacrifice qu'elle avait employé pour me sauver me rongeait effroyablement de l'intérieur. Elle semblait se réjouir de me voir grandie, bientôt maman, et de voir que j'ai avancé malgré sa disparition de ma vie, tel qu'elle l'avait espéré pour moi en me permettant de renaître à nouveau, de découvrir l'extérieur de mon village. Cependant elle manquait de temps pour m'expliquer tout ce que je devais savoir, et était navrée de ne pouvoir me demander de lui raconter tout ce qu'elle avait manqué ces dernières années.
"Depuis toujours, j'ai hérité grâce aux Dieux d'un Don incroyable qui me permet de transcender le passé et la parole... Plus communément appelé, le Pouvoir de l’Écho. Mon Devoir était d'être la voix pour Hydaelyn, d'apporter sa lumière sur le monde, comme pour beaucoup d'autres Porteurs de l’Écho."
Une révélation des plus stupéfiantes, moi qui pensait que ce Don n'était qu'un mythe, qu'une légende pour donner espoir aux plus découragés par les événements actuels qui touche tout le continent et bien plus encore. Mais le plus surprenant, c'est qu'elle n'avait pas rejoint la Mer Éthérée parce qu'elle n'avait pas achevé sa mission d'apporter la lumière au nom d'Hydaelyn. Elle souhaitait s'en remettre à moi, mais surtout à mon enfant pour réveiller ce pouvoir, cette pureté que je détenais selon elle, pour hériter de cette responsabilité. Ma venue ici n'était nullement un hasard alors, elle avait tout prévu avec une avance déconcertante. Quand et comment avait-elle pu faire tout cela ? C'étaient les questions les plus importantes qui m'apparaissaient en esprit, tout me paraissait si improbable et à la fois si vraisemblable. Je suis une personne qui ne croit que ce qu'elle voit or là, j'avais beaucoup de mal à y croire. Même cette tour sortie tout droit de ses rêves n'était pas tout à fait réelle, une "simple illusion" disait-elle. Eylion trouvait tout cela discutable, notamment le fait d'imposer un tel devoir à un nouveau-né sans qu'il n'ait le choix pour ce qu'il souhaite vivre, mais elle affirmait comme si c'était naturel d'accepter cela, indubitable, mais la pensée d'Eylion me mettait le doute. Je faisais bien évidemment confiance à Elianh, mais il est vrai que ce qu'elle envisageait d'entreprendre méritait plus de réflexions. Je n'écoutais plus leur conversation, alors qu'ils cherchaient des réponses à leur question, trop préoccupée par le choix qui s'offrait à moi. La confusion grandissait en moi au fur et à mesure qu'ils s'échangeaient ses paroles. Je suis complètement larguée... Je n'avais pas les mots et beaucoup de difficulté à assimiler tout ce qu'elle venait de m'avouer... Entre mon amour pour elle qui ne s'est jamais éteint, ses secrets qui m'ont fait naître des doutes, j'avais beaucoup de mal à me placer dans cette histoire... Ils cherchaient péniblement une solution à ce problème, pour écouter la dernière faveur de ma bien-aimée, et de mon côté, j'étais éprise entre mon dévouement pour elle et ma position de mère pour mon enfant à venir. Serais-je une bonne mère que d'accepter de lui offrir un destin tout tracé et risqué en vue de la responsabilité qui l'attends ? Serais-je capable de vivre avec cette culpabilité, telle que celle qui me colle à la peau pour le sacrifice d'Elianh ? A vue d’œil, elle peinait à maintenir cette forme spirituelle de son âme, ainsi que celle de la Tour, le temps et la force lui manquant cruellement à force de l'avoir épuisé pour se maintenir jusqu'à ce jour. L'idée de la revoir partir me déchirait le cœur, mais j'étais soulagée de pouvoir au moins lui dire au revoir cette fois.

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Ainsi, c'est dans un sourire réconfortant et un adieu qu'Elianh me confia son Devoir, pour réveiller ce Don qui semblait sommeiller en moi et en mon enfant, pendant qu'elle s'appliquait à me transférer ses dernières forces qui maintenait son apparence spectrale, qui au fur et à mesure de l'opération devenait de plus en plus translucide, signe qu'elle partirait enfin en paix, après tout ce qu'elle a vécu par ma faute. Malgré cela, elle n'avait l'air de m'en n'avoir jamais voulu, son pardon me réchauffait le cœur et calmait ce sentiment nocif de culpabilité. Kyuuji et Eylion conférait leurs forces pour soutenir Elianh jusqu'à la fin, tandis que je me sentais bomber d'éther, et la lueur verte de mon Cristal d'Âme me recouvrait entièrement.Lorsque le processus fut terminé, Kyuuji put guider paisiblement l'Âme d'Elianh jusqu'aux étoiles. La fin de notre petite enquête avait pris fin de cette manière, même s'il demeurait encore des questions sans réponses, que nous n'obtiendrions sûrement jamais. Même de là où elle est désormais, le mystère de cette fille existe toujours.

Et il semblerait qu'autre chose prenne fin aussi à ce moment-là, où le calme revint caresser nos oreilles et cornes. Une douleur s'était soudainement emparée de mon corps, et se concentrait en une boule qui me déchirait de l'intérieur, au niveau du ventre. La douleur était si intense que mes jambes fléchirent et que je me laissais tomber à genoux sur le sol, mes mains enveloppant d'un geste tremblant mon ventre arrondi de huit lunes. Je pensais que le bébé réagissait mal au réveil de ce pouvoir, mais pas au point d'en venir au monde avec de l'avance. Une flaque vraiment désagréable s'étendait sous moi, je perdais les eaux, et les deux hommes face à moi perdaient contenance face à la scène qui se déroulait à l'instant. L'heure était grave, je n'avais nullement prévu son arrivée maintenant, et je n'étais pas préparé à rejoindre la maison que Xynia voulait me prêter pour faire mon accouchement dans un endroit propre et avec un bon entourage de médecins. Je n'allais tout de même pas accoucher ici et maintenant, ce n'était pas la naissance que je voulais lui donner, mais le bébé souhaitait réellement sortir, les contractions me tordait et je fus directement emmenée au village le plus proche, en quittant cette Tour qui disparaîtrait comme elle est apparue par magie, comme Elianh. Kyuuji est resté pour s'assurer que l'éther qui composait cette Tour illusoire retourne bien dans la terre, et Eylion ne perdit pas de temps, bien qu'évitant le camp Amal'jaa, pour m'amener au premier hospice. Il faillit tomber à plusieurs reprises, essoufflé, mais animé d'une hargne peu commune qui l'incitait à m'emmener en sécurité pour mon accouchement surprise, tandis que je me sentais partir dans un sommeil tellement les contractions m'épuisait lourdement. J'entendais seulement qu'il aboyait pour ordonner d'amener un médecin, et des gens lui indiquer où me déposer. Il ouvrit la porte d'un bâtiment en claquant son pied contre celle-ci, il semblait angoissé à me voir dans cet état. Sur le lit, je peinais à garder le calme, j'étais trempée de sueur et mes muscles étaient crispés au point de me faire mal, mais pas autant que les contractions qui me prenaient régulièrement avec quelques pauses entre elles depuis le début du trajet jusqu'à cet endroit. Sous les ordres d'Eylion, la femme apporta tout ce dont il quémandait pour m'aider : torchon, récipient d'eau afin de m'en éponger le front en sueur maladroitement. Il crachait des jurons entre ses dents, alors que je tentais de contrôler ma respiration et mon stress qui n'aideront sûrement pas à rendre cet accouchement plus facile pour moi et le bébé. L'angoisse s'était transformée en panique chez le Lunaire qui m'accompagnait lorsqu'on lui annonça l'arrivée du médecin dans plusieurs heures. Il m'aida à retirer mon poncho qui m'étouffait alors que nous étions tous deux en train de se crier dessus sur ce qu'il fallait savoir faire ou non concernant la situation, et à ce moment-là, il fut contacté par linkperle par J'reya qui tombait à pic pour sûr certainement pour venir nous aider. En l'attendant, il s'efforçait de garder son calme et de me mettre confortable dans le lit, pendant que je calculais le temps d'écart entre les contractions. Plus le temps était court, plus le bébé était proche d'arriver parmi nous.

Tout était si intense et allait vite dans ma tête, que je n'arrivais plus à penser sereinement. Sans médecin, ma vie et celle de mon bébé sont en danger, et la peur commence à s'emparer de moi en écrasant le calme que j'essaie de retrouver. Je me sentais alors vriller, mes paupières se fermant petit à petit et mes muscles n'ayant plus la force de se tendre pour encaisser la douleur, heureusement, Eylion me ramena en me faisant de petites tapes sur les joues. Je voyais J'reya s'installer devant moi sur le lit pour s'improviser sage femme, et Eylion qui tentait de me garder éveillée. Les voix fusaient entre elles, nous étions tous perdus, même si j'avais déjà assisté à l'accouchement de Xynia, j'étais appeuré d'y passer avec mon enfant. J'reya jeta un coup d'oeil et nous affirma que c'était l'instant où jamais pour moi de pousser. Je n'arrivais plus à rien percevoir autour de moi, j'avais l'impression de perdre la tête, alors que je réprimandais Eylion gratuitement. Je ne sentais plus rien que le déchirement de mes entrailles, la chaleur étouffante de l'effort physique que je faisais pour supporter la souffrance de l'accouchement et pour pousser le bébé à sortir de mon ventre. C'est dans un dernier long cri d'agonie semblable à un dodo en train de crever, que je finis le travail pénible, en sentant un poids m'être soulagée en dessous du nombril, je pouvais enfin respirer et observer le petit être que tenait J'reya entre ses bras, plein de sang, tout petit, mais silencieux. L'effroi se glissa en moi dans une sueur froide le long de mon échine, la pire crainte que je pouvais avoir était en train de se réaliser, j'étais sur le point de craquer pendant qu'Eylion et J'reya se disputaient sur la question de quoi faire, jusqu'à ce que les sanglots de mon bébé éclatèrent dans la pièce qui résonne. Le soulagement était de mise, enfin. J'reya me tendit mon enfant qu'elle déclara comme étant une fille, alors que je l'accueillis dans mes bras d'un sourire nerveux, essoufflée. Une fille... Je comprends pourquoi Thay avait rit lors d'un des entretiens médicaux pour connaître le sexe de notre bébé. Il aurait dû être là, pour m'assister et m'encourager... Il aurait été le seul homme de la famille, et je comprends pourquoi cela l'avait amusé à l'époque. Tout aurait été si parfait avec lui, même si avoir ma petite fille dans mes bras l'était et me comblait d'une joie immense. Mon bébé, mon sang, ma chaire, elle avait survécu à tant d'horreurs par rapport au précédent... Le sentiment d'amour que j'éprouvais pourrait elle dépassait largement les épreuves que je venais d'affronter, et me faisait tout oublier, je ne voyais plus qu'elle. Mon instinct maternelle s'était éveillé dès que j'avais croisé du regard ce petit être si fragile que j'ai peur de le blesser tant il est aimé. Plus rien d'autre qu'elle n'existait à l'instant pour moi, elle était la perle de mes yeux. Je me voyais déjà dans un futur beau avec elle et sa grande sœur Lila, soudées plus que jamais. Je peinais à me détacher d'elle pour que l'on puisse s'occuper de couper le cordon qui m'avait gardé liée à elle durant de si longs mois, et qui demeurera présent mais invisible à l’œil nu je l'espère. Eylion et J'reya m'avaient tant aidés alors que je ne les connaissais qu'à peine, je leur devenais à eux aussi une éternelle reconnaissance pour tout ce qu'ils avaient fait. J'reya alla nettoyer ma petite fille avant de me la rendre. Je la sentais plus calme, et détendue, ses pleurs s'exténuant en de petits couinements plaintifs, tandis que je la réchauffais contre ma poitrine alors qu'elle pouvait certainement entendre mon cœur battre à toute allure. Je voulais sentir le sien, pour être certaine qu'elle soit bien en vie. Au moins, elle respirait entre mes bras, et semblait en bonne santé malgré ce qu'il venait de se passer, je pouvais en être rassurée. Mais j'étais surtout très hâtive de pouvoir enfin dire cela :
Bienvenue parmi nous, Sveliannah.

Merci à Eylion, Kyuuji et J'reya pour leur participation et soutien durant toute la trame écrite par mes soins. Et merci d'avoir lu cette trame jusqu'au bout, une prochaine viendra très probablement après quelques chroniques moins importantes en terme de longueur d'écriture.

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