Une nouvelle piste s'est ouvert à moi dès lors que j'ai fouillé dans ma mémoire pour retrouver un quelconque lien avec cette Tour de Cristal dont Elianh rêvait dans ses histoires fantastiques d'enfant, et j'ai immédiatement contacté Eylion, Kyuuji et J'reya pour leur en faire part. Je pensais être sûre de ce que j'avançais. A son arrivée, Eylion paraissait méconnaissable sous sa coule noire, mais j'ai pu reconnaître son Azur briller d'une lueur sans vie, en plus de son corps qui semblait montrer des failles de fatigue voire de maladie tant il ressemblait à un cadavre livide. Je craignais que ce soit une conséquence de notre dernier entretien dans son Refuge Mental, mais je n'ai pas osé m'enfoncer dans le sujet alors que notre relation se tient strictement à des formalités d'aide pour mes tracas anormaux.
Une fois tous installés, je me suis lancée dans mon explication. J'avais enfin saisi de quel apprentissage elle faisait référence, notamment par rapport à tout ce qu'elle avait laissé derrière elle pour moi après sa mort, comme si elle savait déjà qu'elle allait mourir. La boîte à musique et sa clé secrète qui m'a mené jusqu'à une boîte puzzle contenant le Cristal d'Âme Barde dont je suis l'héritière, puis la Broche en forme de papillon et son message secret, et enfin la Plante Chantante... Toutes ces enquêtes et énigmes sans aucun sens, aussi simplets que des jeux d'enfants, me rappelaient fortement notre enfance passée ensemble à constamment jouer justement, à tous les petits jeux et histoires qu'elle inventait. C'était cela, l'Apprentissage dont elle parlait dans son message. Ses jeux d'enfants. Les paroles de la chanson me sont revenus à l'esprit semblable à un coup de fouet. Ce conte autour d'une Tour de Verre dont le sommet offrait un magnifique jardin fleuri sur un ciel immense, nous l'avions inscrit dans les paroles d'une chanson composée par nos soins, dans le but de laisser une trace de nous deux à travers le chant et la musique, une passion qui nous était commune.
"Dans mon Jardin Secret, dans mes Rêves,
Il n'y a de limite ni dans l'Espace, ni dans le Temps,
Où vivent en harmonie deux cœurs entre qui brûle un amour incandescent,
Ni même l'Union de la Lune et du Soleil dans une éternelle lumière qui s'élève,
Ni même un énième Fléau
Ne sauront séparer le tintement de l’Écho
Qui résonne et résonne de l'Aube au Crépuscule
Autant que vivra cette Ode aux Cieux.
Seule cette incroyable Tour de Verre pourrait atteindre les Dieux,
Et leur prouver que pour notre Amour, dans une Dernière Prière, nous n'emploierons aucun Recul."
En relisant encore, et encore les paroles en cherchant un quelconque indice sur la destination à trouver, je me suis rendue compte que mon regard s'attardait beaucoup trop sur l'ultime vers. "Dernière Prière", il ne s'agissait pas d'un lieu anodin. Le plus troublant est que cette chanson ait été écrite de son vivant, et que cette "Dernière Prière" est le lieu où sa vie s'est éteinte. Leur ayant fait part de mon ébauche d'une piste à suivre, nous nous sommes préparés à partir sur le champs. Malgré mes doutes, j'étais plus que jamais prête à aller jusqu'au bout maintenant que j'étais en plein dans l'enquête, en espérant ne pas rencontrer d'obstacles trop insurmontables tels que la Tribu Coeurl ou les Amalj'aa qui vivent dans les parages... Mais il suffisait simplement d'y penser pour en croiser sur la route, à un croisement de chemins. Deux Amalj'aa faisaient le gai pour un campement entier derrière eux, et au vu de leurs armements ils étaient respectivement occultiste et lancier. Les deux mages qui m'accompagnaient se sont mis d'accord pour endormir chacun un garde Amalj'aa pour nous permettre de passer devant eux sans alerter leurs confrères. Notre plan avait presque été parfait, au moment du passage de Eylion qui fermait la marche derrière moi, un Amalj'aa archer avait remarqué sa présence et s'était approché, mais ni une ni deux, Eylion et Kyuuji n'ont pas attendu pour lancer un sort de Sommeil combiné, faisant tomber l'homme-bête comme une mouche.
Une étincelle verdoyante luisant de mon Cristal d'Âme Barde confirma mes craintes : nous étions face à la Stèle d'Azeyma, dernier repaire où la vie d'Elianh avait pris fin. Rien n'avait changé depuis ce jour funeste, l'herbe était sèche , la terre craquelée, le paysage au-delà du rebord de la falaise demeurait le même, froid à mon cœur assaillis par la culpabilité des souvenirs malgré un vent lourd de chaleur. Je suis revenue à la réalité lorsque mes deux compagnons de fortune me signalèrent un source d'éther présente sous terre. Kyuuji cherchait à palper la terre et à la creuser du bout de sa botte, Eylion observait les alentours par une analyse de l'éther environnant, et avec mes faibles capacités en terme de magie, je n'ai fait qu'utiliser mes yeux et ma ruse pour finalement tomber sur un trou en forme de serrure à l'arrière de la Stèle d'Azeyma. Il ne semblait absolument pas naturel. Dans le même temps, Kyuuji avait sorti de terre un petit coffret en bois, celui-ci sans serrure, similaire à celui dans lequel Elianh m'avait fait trouvé mon Cristal. Je connaissais parfaitement ce petit jeu à force de pratique, il s'agissait d'une boîte puzzle, le plus dur était de trouver le départ de l'énigme, puis il suffisait de continuer jusqu'à un cliquetis, signe de la résolution et de la victoire de ce jeu.
Le coffre était plus complexe qu'à l'habitude, de plus, il y avait des dessins sculptés avec des outils enflammés : une Lune, une Tour, une Femme, et un Œil. Il faudrait sûrement les retenir, rien n'est jamais fait par hasard avec Elianh. Pendant que je résolvais l'énigme, nous cherchions à comprendre s'il fallait réfléchir à un ordre pour disposer chaque symbole plus tard. Eylion pensait suivre la démarche de la façon suivante : "Une Femme qui se rend à une Tour pour Observer la Lune." ; quant à Kyuuji, il était plus dubitatif et ne comprenait pas totalement l'importance de l'Œil, pour lui j'étais la Femme ou Elianh l'était, la Tour était celle de la Chanson qui nous permettait d'atteindre les étoiles, la Lune. Quant à moi, j'ai pensé à un ordre de logique, du plus petit au plus grand. Mais nous étions tous d'accord que la Lune serait le dernier point à apporter. Lorsque le coffret s'ouvrit, nous avions découvert que l'éther était concentré en l'objet qu'est son contenu : un pendentif en forme de croissant de Lune avec un cœur en Saphir ou en Cristal, ainsi qu'une clé en forme de Papillon, semblable à celle qui ouvrait le coffre contenant anciennement mon Cristal Barde. Les garçons étaient certains que la source d'éther provenait du petit cœur justement, et que la clé devait correspondre à la serrure de la Stèle d'Azeyma. Lorsque j'insérais celle-ci, un bruit sourd et un tremblement nous secoua tous, et à partir de la roche se formait un escalier de pierre longeant la falaise en direction de la rivière en contre-bas. La voie nous était clairement ouverte et distincte, nous devions poursuivre notre enquête sur ce chemin sans aucun doute.
Nous sommes descendus avec beaucoup de prudence, et sommes entrés dans ce qui semblait être une grotte dans la continuité des escaliers sous la falaise, à se demander comment elle tient encore debout. Le chemin s'est changé en un sillon éclairé par des lanternes à base de champignons luminescents, comme ceux que nous avions rencontrés en Forêt de l'Est. Et lorsque nous parvenions enfin à trouver le bout de ce tunnel sinueux et humide, nous arrivions dans une grotte s'élevant très haut à toit ouvert sur le ciel. Je ne savais pas où pouvait se trouver cet endroit, d'autant plus qu'il devrait pouvoir être trouvé avec cette vue sur le ciel étoilé. Et au centre, sortait de terre la Tour de Verre resplendissante par les reflets des sources de lumière des champignons. Une immense porte se dressait sur notre chemin pour monter dans la Tour dépourvue de serrure tout comme le coffre, elle ne pouvait s'ouvrir qu'en déplaçant correctement des plaques formant des cercles les uns dans les autres, sur lesquels étaient gravés divers symboles dont les quatre que nous avions retenus sur le coffret plus tôt, et au centre s'y trouve un quart de Lune en noir.
Eylion tenta de presser le symbole de l'Œil apparaissant sur les bords d'un cercle, il se produisit la même chose qu'avec les champignons musicaux, une illumination et un son en jaillirent le temps de quelques secondes. Kyuuji a suggéré d'aligner d'abord les symboles, et de mon côté, j'ai proposé un ordre vertical, comme la Tour. Après un premier échec, Eylion essaya l'ordre que j'avais proposé toujours, et tout se mit à s'illuminer et former une musique claire, mais la porte ne s'ouvrait toujours pas. Il tenta de changer les combinaisons, et c'est à ce moment-là que j'ai réalisé l'utilité du pendentif en voyant que seul le quart de Lune noir ne s'illuminait pas. Je l'ai placé dans le creux pour former une Lune complète avec le cœur bleuté, et je ne parvenais pas à le récupérer, comme fixé sur son emplacement. Les lumières et les chants reprirent de plus belle, et un tremblement lourd fit ouvrir les portes en deux devant nous, nous donnant accès enfin à cette Tour, dernier obstacle pour arriver à la fin de notre enquête, espérons-le.
En entrant, nous avions dû monter un interminable escalier en colimaçon malgré moi, entre les douleurs dorsales, les jambes lourdes et les essoufflements, nous mettions beaucoup plus de temps à cause de moi à atteindre l'objectif. Plus nous étions proches, plus je me sentais pressée de découvrir le fin mot de cette histoire. Elianh était peut-être vivante, au bout de ce chemin... Mais s'il s'agissait d'un piège, nous serions tombés dans la gueule du loup comme de stupides agneaux naïfs. Et en parlant de loup... Nous venions d'entrer dans une grande salle sombre, illuminées par quelques torches accrochées aux murs, et face à nous se dressait une gigantesque Statue de Cuivre d'une Louve à Quatre Yeux Clos entourée de deux piliers desquels lévitaient deux énormes cubes en pierres, comme le sol recouvert de dalles en pierres et sur-lesquels ont été creusés des points. Chaque dalle semblait représenter une face d'un dé, les points dispersés du chiffre un à six. Tout portait à croire que c'était une nouvelle énigme, et je devinais rapidement de la nature de celle-ci : Elianh adorait jouer à "Un, deux, Trois, Soleil", mais avait adapté les règles pour qu'il soit plus complexe et amusant. Or, au vu des enjeux et de l'accident qui était arrivé à Eylion avec la Fleur Chantante, je crains que si l'on rate ce jeu les conséquences en soient plus graves. Et je n'ai pas envie d'y goûter. L'explication des règles a été laborieuse, Kyuuji ayant du mal à comprendre l'adaptation faite par Elianh, je me suis donc lancée dans le jeu pour mieux illustrer mes propos.
Le jeu se déroule en deux phases. Les dalles sont placées en colonnes de dix sur des lignes dix dalles. Lorsque les cinq premières lignes sont franchies, admettons sans soucis, en se posant de façon immobile sur le chiffre demandé par les dés à côté de la Louve qui ouvrira les yeux pour vérifier la bonne application des règles du jeu, la phase deux peut alors commencer, et il faut se placer sur deux dalles différentes ensuite, et tenir l'équilibre pendant quelques secondes. Avec mon ventre de sept lunes, c'était handicapant par rapport à mes treize ans lorsque nous y jouions avec Elianh. Tous les jeux que nous faisions, ils servaient à me préparer à ce moment précis. C'était cela dont elle parlait, l'Apprentissage.
Je me plaçais sur le chiffre un comme sur les dés aux côtés de la Louve qui ouvrit ses quatre yeux d'une lueur rouge peu rassurante sur moi, je me devais de rester immobile, mais la pression de ne pas savoir les risques que j'entreprends, d'autant plus que je n'y avais pas joué depuis longtemps. Je parvins toutefois sans problèmes jusqu'à la seconde phase qui s'apparentait finalement plus dur que je ne l'avais pensé, la nervosité de ne pas savoir ce qui m'attendait en cas d'échec y jouait pour beaucoup. Elianh me chatouillait lorsque j'avais perdu, or ici, je doute que cette inquiétante statue de Louve vienne se déplacer pour me chatouiller... La sueur coulait de mon front et rendait aussi mes maintes moites, la douleur qui me tirait le bas du dos n'aidait pas non plus lorsque je devais garder un équilibre avec les jambes relativement écartées pour avoir les pieds sur deux dalles différentes telle qu'il le fallait pour la deuxième phase. La pression, la douleur, le stress étaient de plus en plus forts et insupportables, heureusement pour moi, la fin du jeu était proche, et je pouvais enfin me poser et respirer un coup tandis qu'Eylion se lançait à son tour sur le plateau de dalles. Il semblait si aisé dans son équilibre, même s'il avait l'air d'être mort à l'intérieur, je ne savais pas si je pouvais vraiment l'envier dans son état. Ses gestes étaient à la fois agiles et rigides telle un pantin manipulé, derrière lui, je parvenais à voir l'inquiétude persistante de Kyuuji envers Eylion, et je suis certaine que cela ne concernait pas vraiment un potentiel échec de sa part sur le jeu, mais plutôt son état en général. L'effort semblait l'avoir à peine ébranlé lorsqu'il finit par me rejoindre avec d'impressionnantes acrobaties qu'il enchaînait avec beaucoup de facilité. Quant ce fut le tour de Kyuuji, il employait énormément de prudence, beaucoup plus craintif qu'Eylion. Alors que la fin s'approchait pour lui, il perdit son équilibre face au regard de la Louve, nous alarmant tous lorsqu'on la vit se mouvoir pour lancer un sort de foudre sur l'emplacement de Kyuuji. Voilà donc la sanction, cela faisait froid dans le dos... Je me souviens de la dernière fois que j'avais été foudroyée par un sort, et une marque est restée sur mon corps définitivement. Je ne souhaite à personne de subir cela, vraiment. Eylion a réagit plus vif que moi, et a évité à Kyuuji le coup de foudre en le soulevant dans les airs par un sort de vent puissant. Il le guida jusqu'à nous pour le mettre en sécurité, et pendant tout ce temps, je n'avais rien pu faire. La magie surpasse beaucoup, par moment.
Plus loin derrière ce plateau de jeu et de sa gardienne louve, se trouvait la suite : encore un maudit escalier en colimaçon... Pourquoi a-t-il fallu que ça soit une tour, bon sang ? J'aurais peut-être mieux fait d'attendre la fin de ma grossesse pour me faciliter la tâche finalement, mais une lune encore, c'est très long pour une personne aussi impatiente que moi. Eylion vint m'aider à finir de graver les marches en voyant mon essoufflement très pénible, et nous arrivions à atteindre notre objectif final, le toit. Tout était tel qu'Elianh me le décrivait : son Rêve, son Jardin Secret se dressait là devant nous, presque irréel. Le sol était tapi d'une eau sombre, et de la végétation le jonchait ici et là donnant un aspect ancien, mystique, au-delà du Temps. Le Ciel Étoilé et illuminé de sa belle Lune éclairait l'espace grâce aux reflets sur les flots. Au centre de ce toit, il y avait seulement un pilier qui ne paraissait pas naturel, qui faisait tâche dans ce décor naturel. Un miroir y était disposé, sur lequel se reflétait puissamment la lueur lunaire, qui alors, formait une silhouette surnaturelle, et pourtant à la ressemblance humaine. Elle dégageait une aura à la fois douce et forte, même moi qui ressentait difficilement l'éther, je pouvais le détecter aisément tellement cette silhouette en était imbibée. Tout son être n'était qu'éther, tel un spectre venu tout droit de la Mer des Étoiles... A cela, mon cristal d'âme s'illumina d'une lueur si brillante que je n'en avais jamais vu pareille auparavant. C'était forcément elle. Je la voyais, au loin, qui nous attendait, et inconsciemment, alors que mon esprit vadrouillait, mon corps s'avançait pour la rejoindre.
Elle se dessinait de plus en plus précisément sous mon regard oblongue. Elianh. Elle paraissait si jeune, si frêle et si forte à la fois, si insaisissable alors que son apparition spectrale m'avait complètement saisie d'émotions incroyables. Son sourire, lui, était redevenu éternel, et avait pris place à la dernière image de son visage crispé de douleur que j'avais d'elle, ancré dans mon esprit tel une marque au fer rouge sur la peau. Puis, elle éclaircissait sa voix, tournant autour de chacun d'entre nous comme pour s'assurer de notre bienveillance, de notre sincérité quant à notre venue ici. Elle n'aurait jamais permis à quiconque d'entrer dans un lieu aussi important que son Jardin Secret.
Elle se dressait de sa petite taille d'enfant devant moi, me saluant d'un air plus timide malgré son sourire malicieux et ses yeux ambrés toujours aussi mystérieux dont mon regard ne pouvait définitivement plus se détacher. Elle riait comme si de rien n'était, alors que j'avais beaucoup de mal à croire s'il s'agissait de la réalité ou d'un de mes nombreux cauchemars qui obstruent mon sommeil chaque nuit depuis des années... Le mystère demeurait toujours autour de cette fille, tout chez elle l'était, son regard, son histoire, ses paroles, ses gestes, ses jeux... Elle avait le don d'être un mystère entier. Elle regarda Eylion pour lui répondre à sa question pour vérifier si elle n'était pas un imposteur, alors que lui attendait que je puisse retrouver mes esprits pour confirmer l'identité d'Elianh de par une anecdote que nous avions partagé étroitement elle et moi : mon second tatouage, un ensemble de rouages que j'avais fait faire pour soutenir son handicap. Elle était réelle. Les questions se bousculaient entre elles, Elianh nous surprit tous par sa connaissance des noms de Eylion et Kyuuji alors qu'ils se rencontraient pour la première fois. Son rire cristallin, son amusement quant à notre incompréhension, son détachement par rapport à la situation, tout chez elle dans son comportement actuel me paraissait si étrange et familier pourtant... C'était bien elle, mais quelque chose clochait. Avait-elle oublié ce qu'il était arrivé il y a de cela presque six années ? Je me devais de le lui rappeler, cette fatalité qui a touché notre Amour Impossible. Son sourire devint immédiatement peiné à mes mots, durs comme la vérité. Je l'ai vu mourir de mes propres yeux, mais il semblerait que cela ne s'arrête pas là, puisqu'elle est là. Son but en me faisant venir ici était de me confier toute la Vérité qu'il me manque, elle souhaite m'en faire l'héritière puisqu'elle me voue une grande confiance.
Kyuuji nous as tous coupés le souffle en émettant une hypothèse qui s'est avérée vraie contre toute attente : Elianh était parmi nous car elle n'avait jamais pu rejoindre la Mer des Étoiles. N'était-ce pas le sort le plus affreux qui puisse arriver à un Être aussi bon qu'elle...? Errer, entre notre Monde et la Mer Étoilée, cela a dû être si long pour elle... Les questions se multiplient à chaque nouvelle information, et me torture l'esprit confus comme jamais. N'avait-elle jamais connu la paix...?! Pourquoi un tel acharnement sur elle, Azeyma ?! Kyuuji s'est proposé d'aider son âme à rejoindre celles dont la vie n'appartient plus à notre terre, pour cela, je lui en serais éternellement reconnaissante. Mais il attendrait qu'elle ait fait ce qu'elle avait à faire pour agir. Elle se retourna vers moi, ses mains effleurant mes joues et mes cheveux longs telle une brise, une caresse à peine saisissable, en attendrissant son sourire. Pendant ce temps, Eylion semblait méfiant, et Kyuuji discret et respectueux de l'importance du moment. Quant à moi les larmes devenaient de plus en plus difficiles à contenir... Pourquoi persistait-elle à faire comme si sa mort n'avait jamais eu lieu ? Pourquoi n'est-elle pas triste, en colère ? Tout est de ma faute, si elle se retrouve dans un état d'errance entre la vie et la mort. Tout est de ma faute...
Six ans s'étaient écoulés depuis qu'elle était partie de notre monde, de mon monde, et le vide qui s'était creusé en moi par son absence et la culpabilité du sacrifice qu'elle avait employé pour me sauver me rongeait effroyablement de l'intérieur. Elle semblait se réjouir de me voir grandie, bientôt maman, et de voir que j'ai avancé malgré sa disparition de ma vie, tel qu'elle l'avait espéré pour moi en me permettant de renaître à nouveau, de découvrir l'extérieur de mon village. Cependant elle manquait de temps pour m'expliquer tout ce que je devais savoir, et était navrée de ne pouvoir me demander de lui raconter tout ce qu'elle avait manqué ces dernières années.
"Depuis toujours, j'ai hérité grâce aux Dieux d'un Don incroyable qui me permet de transcender le passé et la parole... Plus communément appelé, le Pouvoir de l’Écho. Mon Devoir était d'être la voix pour Hydaelyn, d'apporter sa lumière sur le monde, comme pour beaucoup d'autres Porteurs de l’Écho."
Une révélation des plus stupéfiantes, moi qui pensait que ce Don n'était qu'un mythe, qu'une légende pour donner espoir aux plus découragés par les événements actuels qui touche tout le continent et bien plus encore. Mais le plus surprenant, c'est qu'elle n'avait pas rejoint la Mer Éthérée parce qu'elle n'avait pas achevé sa mission d'apporter la lumière au nom d'Hydaelyn. Elle souhaitait s'en remettre à moi, mais surtout à mon enfant pour réveiller ce pouvoir, cette pureté que je détenais selon elle, pour hériter de cette responsabilité. Ma venue ici n'était nullement un hasard alors, elle avait tout prévu avec une avance déconcertante. Quand et comment avait-elle pu faire tout cela ? C'étaient les questions les plus importantes qui m'apparaissaient en esprit, tout me paraissait si improbable et à la fois si vraisemblable. Je suis une personne qui ne croit que ce qu'elle voit or là, j'avais beaucoup de mal à y croire. Même cette tour sortie tout droit de ses rêves n'était pas tout à fait réelle, une "simple illusion" disait-elle. Eylion trouvait tout cela discutable, notamment le fait d'imposer un tel devoir à un nouveau-né sans qu'il n'ait le choix pour ce qu'il souhaite vivre, mais elle affirmait comme si c'était naturel d'accepter cela, indubitable, mais la pensée d'Eylion me mettait le doute. Je faisais bien évidemment confiance à Elianh, mais il est vrai que ce qu'elle envisageait d'entreprendre méritait plus de réflexions. Je n'écoutais plus leur conversation, alors qu'ils cherchaient des réponses à leur question, trop préoccupée par le choix qui s'offrait à moi. La confusion grandissait en moi au fur et à mesure qu'ils s'échangeaient ses paroles. Je suis complètement larguée... Je n'avais pas les mots et beaucoup de difficulté à assimiler tout ce qu'elle venait de m'avouer... Entre mon amour pour elle qui ne s'est jamais éteint, ses secrets qui m'ont fait naître des doutes, j'avais beaucoup de mal à me placer dans cette histoire... Ils cherchaient péniblement une solution à ce problème, pour écouter la dernière faveur de ma bien-aimée, et de mon côté, j'étais éprise entre mon dévouement pour elle et ma position de mère pour mon enfant à venir. Serais-je une bonne mère que d'accepter de lui offrir un destin tout tracé et risqué en vue de la responsabilité qui l'attends ? Serais-je capable de vivre avec cette culpabilité, telle que celle qui me colle à la peau pour le sacrifice d'Elianh ? A vue d’œil, elle peinait à maintenir cette forme spirituelle de son âme, ainsi que celle de la Tour, le temps et la force lui manquant cruellement à force de l'avoir épuisé pour se maintenir jusqu'à ce jour. L'idée de la revoir partir me déchirait le cœur, mais j'étais soulagée de pouvoir au moins lui dire au revoir cette fois.
Ainsi, c'est dans un sourire réconfortant et un adieu qu'Elianh me confia son Devoir, pour réveiller ce Don qui semblait sommeiller en moi et en mon enfant, pendant qu'elle s'appliquait à me transférer ses dernières forces qui maintenait son apparence spectrale, qui au fur et à mesure de l'opération devenait de plus en plus translucide, signe qu'elle partirait enfin en paix, après tout ce qu'elle a vécu par ma faute. Malgré cela, elle n'avait l'air de m'en n'avoir jamais voulu, son pardon me réchauffait le cœur et calmait ce sentiment nocif de culpabilité. Kyuuji et Eylion conférait leurs forces pour soutenir Elianh jusqu'à la fin, tandis que je me sentais bomber d'éther, et la lueur verte de mon Cristal d'Âme me recouvrait entièrement.Lorsque le processus fut terminé, Kyuuji put guider paisiblement l'Âme d'Elianh jusqu'aux étoiles. La fin de notre petite enquête avait pris fin de cette manière, même s'il demeurait encore des questions sans réponses, que nous n'obtiendrions sûrement jamais. Même de là où elle est désormais, le mystère de cette fille existe toujours.
Et il semblerait qu'autre chose prenne fin aussi à ce moment-là, où le calme revint caresser nos oreilles et cornes. Une douleur s'était soudainement emparée de mon corps, et se concentrait en une boule qui me déchirait de l'intérieur, au niveau du ventre. La douleur était si intense que mes jambes fléchirent et que je me laissais tomber à genoux sur le sol, mes mains enveloppant d'un geste tremblant mon ventre arrondi de huit lunes. Je pensais que le bébé réagissait mal au réveil de ce pouvoir, mais pas au point d'en venir au monde avec de l'avance. Une flaque vraiment désagréable s'étendait sous moi, je perdais les eaux, et les deux hommes face à moi perdaient contenance face à la scène qui se déroulait à l'instant. L'heure était grave, je n'avais nullement prévu son arrivée maintenant, et je n'étais pas préparé à rejoindre la maison que Xynia voulait me prêter pour faire mon accouchement dans un endroit propre et avec un bon entourage de médecins. Je n'allais tout de même pas accoucher ici et maintenant, ce n'était pas la naissance que je voulais lui donner, mais le bébé souhaitait réellement sortir, les contractions me tordait et je fus directement emmenée au village le plus proche, en quittant cette Tour qui disparaîtrait comme elle est apparue par magie, comme Elianh. Kyuuji est resté pour s'assurer que l'éther qui composait cette Tour illusoire retourne bien dans la terre, et Eylion ne perdit pas de temps, bien qu'évitant le camp Amal'jaa, pour m'amener au premier hospice. Il faillit tomber à plusieurs reprises, essoufflé, mais animé d'une hargne peu commune qui l'incitait à m'emmener en sécurité pour mon accouchement surprise, tandis que je me sentais partir dans un sommeil tellement les contractions m'épuisait lourdement. J'entendais seulement qu'il aboyait pour ordonner d'amener un médecin, et des gens lui indiquer où me déposer. Il ouvrit la porte d'un bâtiment en claquant son pied contre celle-ci, il semblait angoissé à me voir dans cet état. Sur le lit, je peinais à garder le calme, j'étais trempée de sueur et mes muscles étaient crispés au point de me faire mal, mais pas autant que les contractions qui me prenaient régulièrement avec quelques pauses entre elles depuis le début du trajet jusqu'à cet endroit. Sous les ordres d'Eylion, la femme apporta tout ce dont il quémandait pour m'aider : torchon, récipient d'eau afin de m'en éponger le front en sueur maladroitement. Il crachait des jurons entre ses dents, alors que je tentais de contrôler ma respiration et mon stress qui n'aideront sûrement pas à rendre cet accouchement plus facile pour moi et le bébé. L'angoisse s'était transformée en panique chez le Lunaire qui m'accompagnait lorsqu'on lui annonça l'arrivée du médecin dans plusieurs heures. Il m'aida à retirer mon poncho qui m'étouffait alors que nous étions tous deux en train de se crier dessus sur ce qu'il fallait savoir faire ou non concernant la situation, et à ce moment-là, il fut contacté par linkperle par J'reya qui tombait à pic pour sûr certainement pour venir nous aider. En l'attendant, il s'efforçait de garder son calme et de me mettre confortable dans le lit, pendant que je calculais le temps d'écart entre les contractions. Plus le temps était court, plus le bébé était proche d'arriver parmi nous.
Tout était si intense et allait vite dans ma tête, que je n'arrivais plus à penser sereinement. Sans médecin, ma vie et celle de mon bébé sont en danger, et la peur commence à s'emparer de moi en écrasant le calme que j'essaie de retrouver. Je me sentais alors vriller, mes paupières se fermant petit à petit et mes muscles n'ayant plus la force de se tendre pour encaisser la douleur, heureusement, Eylion me ramena en me faisant de petites tapes sur les joues. Je voyais J'reya s'installer devant moi sur le lit pour s'improviser sage femme, et Eylion qui tentait de me garder éveillée. Les voix fusaient entre elles, nous étions tous perdus, même si j'avais déjà assisté à l'accouchement de Xynia, j'étais appeuré d'y passer avec mon enfant. J'reya jeta un coup d'oeil et nous affirma que c'était l'instant où jamais pour moi de pousser. Je n'arrivais plus à rien percevoir autour de moi, j'avais l'impression de perdre la tête, alors que je réprimandais Eylion gratuitement. Je ne sentais plus rien que le déchirement de mes entrailles, la chaleur étouffante de l'effort physique que je faisais pour supporter la souffrance de l'accouchement et pour pousser le bébé à sortir de mon ventre. C'est dans un dernier long cri d'agonie semblable à un dodo en train de crever, que je finis le travail pénible, en sentant un poids m'être soulagée en dessous du nombril, je pouvais enfin respirer et observer le petit être que tenait J'reya entre ses bras, plein de sang, tout petit, mais silencieux. L'effroi se glissa en moi dans une sueur froide le long de mon échine, la pire crainte que je pouvais avoir était en train de se réaliser, j'étais sur le point de craquer pendant qu'Eylion et J'reya se disputaient sur la question de quoi faire, jusqu'à ce que les sanglots de mon bébé éclatèrent dans la pièce qui résonne. Le soulagement était de mise, enfin. J'reya me tendit mon enfant qu'elle déclara comme étant une fille, alors que je l'accueillis dans mes bras d'un sourire nerveux, essoufflée. Une fille... Je comprends pourquoi Thay avait rit lors d'un des entretiens médicaux pour connaître le sexe de notre bébé. Il aurait dû être là, pour m'assister et m'encourager... Il aurait été le seul homme de la famille, et je comprends pourquoi cela l'avait amusé à l'époque. Tout aurait été si parfait avec lui, même si avoir ma petite fille dans mes bras l'était et me comblait d'une joie immense. Mon bébé, mon sang, ma chaire, elle avait survécu à tant d'horreurs par rapport au précédent... Le sentiment d'amour que j'éprouvais pourrait elle dépassait largement les épreuves que je venais d'affronter, et me faisait tout oublier, je ne voyais plus qu'elle. Mon instinct maternelle s'était éveillé dès que j'avais croisé du regard ce petit être si fragile que j'ai peur de le blesser tant il est aimé. Plus rien d'autre qu'elle n'existait à l'instant pour moi, elle était la perle de mes yeux. Je me voyais déjà dans un futur beau avec elle et sa grande sœur Lila, soudées plus que jamais. Je peinais à me détacher d'elle pour que l'on puisse s'occuper de couper le cordon qui m'avait gardé liée à elle durant de si longs mois, et qui demeurera présent mais invisible à l’œil nu je l'espère. Eylion et J'reya m'avaient tant aidés alors que je ne les connaissais qu'à peine, je leur devenais à eux aussi une éternelle reconnaissance pour tout ce qu'ils avaient fait. J'reya alla nettoyer ma petite fille avant de me la rendre. Je la sentais plus calme, et détendue, ses pleurs s'exténuant en de petits couinements plaintifs, tandis que je la réchauffais contre ma poitrine alors qu'elle pouvait certainement entendre mon cœur battre à toute allure. Je voulais sentir le sien, pour être certaine qu'elle soit bien en vie. Au moins, elle respirait entre mes bras, et semblait en bonne santé malgré ce qu'il venait de se passer, je pouvais en être rassurée. Mais j'étais surtout très hâtive de pouvoir enfin dire cela :
Bienvenue parmi nous, Sveliannah.
Merci à Eylion, Kyuuji et J'reya pour leur participation et soutien durant toute la trame écrite par mes soins. Et merci d'avoir lu cette trame jusqu'au bout, une prochaine viendra très probablement après quelques chroniques moins importantes en terme de longueur d'écriture.