I. Des breloques, un bâton, un drap mais surtout beaucoup de comédie.
Il faisait chaud sous le soleil du Thanalan et la petite cité d'Horizon grouillait de monde. Comme à son habitude convois, commerçants et badauds en tous genre se croisaient en un éternel va et vient. A l'ombre d'un platane bordant l'unique et seule voie du village, sous le lourd soleil d'après-midi, une silhouette obscure malingre, perdue sous de larges guenilles de lins claires ne manquait rien de la cavalcade qui duraient sans cesser un seul instant.
"Cette cité ne dort dont jamais..." Maugréa t'il tout en préparant ses affaires.
Des affaires, il en avait peu, mais pour le peu qu'il avait, il y tenait. Le tout tenait dans un seul et unique vieux sac: un cristal, un carnet usé et défraîchi, des notes éparses, et d'autres babioles. Mais son trésor le plus précieux était étalé face à lui sur un petit drap pourpre: un jeu de carte, ancien, au bord grignoté par le temps mais aux arcanes finement illustrées. D'une main, il les survola, dans un sourire satisfait. Il y tenait comme on tient à son gosse; et avec le temps, elles étaient presque devenues une extension de lui-même, de sa psyché, l'outil principal de son savoir, sa représentation. Alors redressant ses yeux vairons, il scruta de nouveau la foule devant lui, nul ne lui prêtait, pour l'instant, attention. Il n'était qu'un homme du voyage, un gueux pour certains, personne pour d'autres. De ceux que la misère effraie et que l'on refuse de regarder par peur d'être irrémédiablement infecter. En vérité, il n'était ni pauvre, ni riche, mais dans une vie d'errance, posséder était plus un fardeau qu'autre chose. S'il était pauvre ce fut de contraintes et si riche de liberté.
Tout était prêt et à sa place, il était temps de gagner, pour lui aussi, quelques gils. Après tout la philosophie ca ne remplit pas son assiette.
"La bonne aventure m'sieurs dames! Venez entendre les oracles d'Yverault Chatelforrrrrt! Allez! Quelques gils ce n'est rien pour la science du miracle..." Criait à la sauvette l'étrange individu tout en agitant ses nombreuses breloques qu'il portait aux poignets et tintaient alors d'argent et de clochettes. "Demain, n'est pas hier! et Yverault, il peut ouvrir les voies de votre avenir..." Continuait-il quelques trémolos dans la voix, tandis qu'il lorgnait de son regard vairon le poisson prêt à être pêché.
Quelques voyageurs lui jetèrent des regards mais aucun ne s'arrêtait. Il suffisait qu'un seul seulement s'arrête, un seul et alors...
"Allez m'sieurs dames! les oracles ne mentent jamais, laissez les vous guider, laissez les vous parler"...Rien, nul regard, nulle attention...! L'affront! Il allait devoir y mettre un peu plus du sien. Et tel un vieillard fourbu, qu'il n'est pas, il se redressa à l'aide de son bâton dans un soupir empli de fainéantise plutôt que de quelconque douleur. Ha! Qu'ils voulaient du spectacle! Alors, il leur en donnerait! Et c'est en gesticulant, redressant son bâton qu'il proclama haut et fort: "Iverault le GRRRRRRRAND ASTROMANCIEN est là pour vous! Et il a des choses à vous dire! Les arcanes l'ont conduis jusqu'à vous!"
Ca marchait! Quelques voyageurs se retournaient, son numéro portait ses fruits. Il happa tel un coup de pêche alors le premier regard porté sur lui, la première personne qui s'était arrêtée. Tant pis pour lui! C'était cuit! La proie était dans le filet! Un homme blond, à la belle carrure et à la peau bronzée, il n'avait pas les mains calleuses, et portait de belles vêtures, ce n'était pas un mineur, pas un gars du coin, peut être un marchand, un riche marchand espérait.
"Ha vous! Dit-il le ton haut et dramaturge, tout en pointant son bâton vers le pauvre ère. Apprrrrrrochez, apprrrrrrochez, (Il avait cette manie qui lui était venue seule et dont il n'arrivait plus à se défaire; de faire rouler les R pour appuyer la force de ses interprétations.) oui vous voyageur...Je vois dans votre regard la curiosité ou bien est-ce l'inquiêtude des lendemains malheureux. Mais n'ayez crainte..."
Ha le fourbe, il le perdait! Il ne viendrait pas, il sentait que la proie était pleine de terreur, ou bien d'hésitation..En effet l'homme portait sur lui un regard quelque-peu hautain et perplexe. Il passait pour un fou, après tout peut être l'était-il. Il devrait encore donner de sa personne, celui là ne se laisserait pas faire aisément. Pêtard!
"N'ayez crainte...N'ayez crainte." Minaudait alors "l'astromancien" tout en s'avançant lentement vers son homme, pour ne point le brusquer. "Venez, laissez les arcanes vous parler...Vous ne me croyez pas? Hoo, je vois dans votre regard la suspicion mais...Attendez..." Et levant le bras, il laissa une carte se glisser de sa manche jusque sa main, vieux tour de magie d'illusioniste paresseux, mais au clin d'oeil malicieux. "Qu'est-ce dont? Tiens, la voila qui s'échappe, qu'a t'elle à vous dire...La forrrrrtitude...Hmm de la force, mais la force d'esprit oui, la Vo-lon-té..." Articula t'il outrageusement afin d'apporter que plus de persuasion à son numéro. "Un long voyage vous attend parsemé d'embuches...Voila qui va mettre à l'épreuve votre volonté..." Déclara le devin tout en glissant insidieusement un bras sur son épaule afin de le guider jusque son étal de fortune. "Marchand, c'est cela? Commerçant?"
"Hm..pas exactement..Enfin si je mène bien une caravane mais..." Répondit l'homme quelque-peu gêné, mais il n'eut le temps de s'en retourner que le devin repris aussitôt.
"Ha! Je le savais! Un voyageur! Les cartes m'ont prévenu, c'est de vous qu'elles parlaient! Ha laissez les vous prévenir du danger...Elles ont tant à dire...Venez là avec Iverault, il va vous montrer..." Et dans un sourire qui se voulait chaleureux, Iverault guida le voyageur jusque l'ombre de l'arbre où reposait le drap pourpré et le jeu d'arcane...
(A suivre...)