Chroniques d'un chasseur

[Alexois Iseterre]

C’était une mission comme une autre, durant une soirée comme une autre au Thanalan méridional. Une chasse à l’homme. Ils étaient plusieurs mercenaires à sa recherche, mais lui savait comment pister une proie.

Tout était dans les détails. Une trace de pas dans le sable, un scorpion écrasé, même quelques brindilles cassées d’un buisson roulant n’échappe à son regard de faucon. Il se penche, effleurant les indices un par un, observant l’environnement qui l’entoure. La chaleur du désert commence à faire place à la fraîcheur de la nuit, mais cela ne le dérange pas. Il a l’habitude de s’entraîner dans des conditions extrêmes, au Coerthas par exemple.

Le Coerthas. Une pensée lui vient, lui rappelant son pauvre Yui mort pour lui sauver la vie. Un brave chocobo qui n’a pas hésité à s’interposer entre lui et une wyverne. Son regard se trouble légèrement, puis il jette un œil à Inuki, son fier destrier d’un brun chocolat foncé. Un cadeau de la femme qu’il aime plus que sa propre vie.

Eiwa.

Ses pensées s’égarent un peu plus. Elle lui manque. Ses cheveux roses, sa fougue et sa vitalité. Son sourire, son rire. Son cœur se gonfle d’un amour impossible. Elle a trouvé quelqu’un à aimer et qui l’aime en retour. Vanoh prendra soin d’elle à sa place. Il est mieux placé que lui pour la comprendre et lui offrir la vie qu’elle mérite.

Lentement, une larme roule sur sa joue. La douleur est insupportable à nouveau. Comme à chaque fois qu’il pense à elle, il n’a plus qu’une envie : mourir. Inuki, sensible à la tristesse de son maître, penche la tête et lui donne un léger coup de bec sur l’épaule.

Il reprend ses esprits, secouant la tête et tends sa main pour caresser doucement le plumage de son nouvel ami. C’est tout ce qu’il lui reste d’Eiwa et il en prend grandement soin. Mais le travail, c’est maintenant. Les regrets seront pour plus tard.

Il se redresse, reprenant ses observations lorsqu’une silhouette sous la lune attire son attention, à plusieurs yalms d’ici. Un sourire carnassier étire ses lèvres. Le plaisir de la chasse prend le dessus sur sa douleur. Sa cible s’est condamnée à mort au moment même où elle est sortie de sa cachette. La bête gronde en lui, mais il la retient. Ce n’est ni le temps, ni le moment. Il doit traquer sa proie, l’acculer au mur.

Oui. La chasse ne fait que commencer.

[Alexois Iseterre]

Noscéa centrale, non loin des Vergers d’Estival, la nuit.

Assis sur la berge de la rivière d’Agelyss, il réfléchit tandis qu’Inuki s’abreuve. La dernière mission l’a laissé sur sa faim. Sa proie était trop facile à capturer. Aucun combat ne le stimule en ce moment. Il soupire, posant son regard blanc auréolé de bleu sur Limsa Lominsa, non loin. Ville de pirates, il croyait y trouver un combat à sa hauteur. Quelle déception!

C’est là, perdu dans ses pensées, qu’une dague venue de nulle part se plante entre ses omoplates. Il tombe à la renverse, à la fois de douleur et de surprise. Personne n’a jamais réussi à l’attaquer de dos de la sorte. Inuki lève la tête. Son maître n’a pas fait un bruit, mais il voit son assaillant. Dans le regard brillant d’intelligence du chocobo, Arik voit celui qui l’a eu lâchement. Un lalafell. Ces sales petits nains opportunistes, traitres et sans honneur!

Il se redresse et le lalafell recule. L’assaillant croyait pourtant avoir atteint le cœur du xaela. Hélas pour lui, et heureusement pour Arik, ses écailles ont déviées la trajectoire de la lame. Ça fait quand même un mal de chien, mais il continue de se redresser de toute sa hauteur. Son opposant se met à paniquer. Un regard à droite, un autre à gauche puis finalement derrière lui.

Fatale erreur.

Arik s’élance, grondant en sentant la lame raclée contre ses os, mais ce n’est pas cela qui va l’arrêter. Il gagne en vitesse, lève son pied droit et frappe le lalafell en plein sur le côté droit du visage. Le corps s’écroule, giclant des gerbes de sang bourgogne et chaud propulsé par le cœur qui bat toujours tandis que la tête du petit homme roule plus loin, une expression de surprise figée dans son regard que la vie à déjà quittée. Puis le sang se tarit lentement, au rythme des battements du petit cœur qui cesse de fonctionner, laissant Arik couvert de sang jusqu’aux hanches.

Puis le grand xaela s’écroule sur ses genoux en haletant. Sa blessure est grave, il le sait. Il appelle Inuki. Le chocobo le rejoint, obéissant. Encore un ordre, et l’animal saisit le pommeau de la dague avec son bec et l’arrache du dos d’Arik qui ne peut s’empêcher de crier de douleur. Son regard se fait trouble, il a perdu et perd beaucoup de sang. Il n’a plus le temps de se rendre en ville pour trouver un médecin. D’une main tremblante, il prend la potion d’urgence qu’il porte toujours sur lui et la boit en quelques gorgées. Il ferme les yeux, sentant la magie courir dans son corps et commencer à œuvrer pour sa guérison.

Il s’écroule à plat ventre sur l’herbe tendre. Inuki veillera à ce qu’il ne lui arrive rien pendant qu’il récupère. Il s’autorise à perdre conscience. Les questions viendront quand il reviendra à lui.

[Alexois Iseterre]

Brumée secteur 6, pension Samayotamashi


Après une journée à s’entraîner durement dans le désert, il poussa enfin la porte de la pension Samayotamashi et poussa un profond soupir de soulagement. Il s’était dépassé cette fois, repoussant les limites de son corps jusqu’à en avoir mal. Mais on ne devenait ni ne restait pas le meilleur en restant assis chez soi. Pour parvenir au sommet, il fallait faire des efforts et beaucoup de compromis. Et jamais il ne rechignait à la tâche.

Des rires et des éclats de voix lui parvinrent du salon du premier étage. Il était rare que la propriétaire y reçoive des gens, mais les clients étaient autorisés à l’utiliser s’ils en ressentaient envie. Mais, pour le moment, une douche s’imposait. Il alla voir Minki, cette charmante miqo’te lunaire qui tenait la cuisine et le bar, pour lui commander un plateau-repas. Comme à son habitude, elle râla un peu, pour la forme il supposa, mais se mit au travail.

Rassuré sur le fait qu’un bon repas chaud l’attendrait, Arik descendit les escaliers vers le sous-sol et se dirigea d’un pas lent vers sa chambre, retirant son long manteau noir et sa chemise. Il regarda l’endroit et s’autorisa un petit sourire.

La pension était tenue par la femme qu’il aimait plus que tout au monde. Lui qui, il y a quelques semaines à peine, n’aspirait plus qu’à la mort, ria tout doucement de sa situation actuelle. Il remercia la Mère et le Père d’avoir entendu ses prières. Ou peut-être devrait-il remercier Batukhan pour son envie subite de manger, ce qui l’avait laissé seul sur la plage lorsqu’elle l’avait aperçue au loin. Ou même Didimiaou, ce crétin de lalafell arrogant et trop sûr de lui qui avait réussi à le mettre dans une situation embarrassante en « révélant » un soi-disant plan pour une réservation d’un restaurent tout entier pour Eiwa et Arik.

Peu importe, ce soir-là quelqu’un quelque part avait entendu le cri de son cœur, ressenti la douleur de son âme et l’appel de détresse de tout son corps. Eiwa s’était approchée, hésitante. Il fît coulisser la porte de sa chambre, se rappelant son propre cœur qui s’était arrêté de battre en la voyant devant lui, puis s’était retourné à 180 ° pour redémarrer à toute vitesse. Il n’y avait qu’elle pour le faire réagir aussi violemment en moins qu’un quart de seconde.

Un peu hébété et surpris de la voir devant lui, il l’avait laissée l’approcher. C’était si bon de la voir, de sentir son parfum, qu’il n’avait même pas été effleuré par l’idée de fuir. C’est tout naturellement qu’il s’était senti revenir à la vie lorsqu’elle s’était assise à ses côtés pour discuter tranquillement. Il se souvint des quelques interruptions qu’ils avaient eus, dont celle de Nyoss venue demander pardon à Eiwa pour des agissements stupides qu’elle avait eue à son encontre par le passé. Et Eiwa l’avait surpris en acceptant de pardonner à Nyoss. Il se prit à espérer que l’amitié entre les deux miqo’tes reviendrait un jour entre elles. Enfin, si la « Reine Rouge » ne mettait pas encore une fois les pieds dans les plats, il y aurait de l’espoir. Puis vint Didimiaou et son coup fumeux.

Arik claqua la porte de sa chambre derrière lui, tout à ses souvenirs. Ça allait lui coûter la peau du cul de faire une telle réservation, mais cette enflure de lalafell l’avait outrageusement manipulé sans qu’il ne puisse rien répliquer. Heureusement, il ne resta que le temps de bien lui enfoncé la tête dans la merde et parti après, fier de son coup. Ha! Il rira moins quand il recevra la facture du restaurant.

Néanmoins, tout ceci avait permis à Arik de se détendre, de lui changer les idées et surtout de les lui remettre en place. Il se souvint de leur discussion par la suite, des paroles échangées. Après des mois passés loin d’elle à pleurer sa perte, il lui avait ouvert son cœur. Elle l’avait écoutée sans l’interrompre, parfois en le regardant, parfois en ayant ses beaux yeux vairons sur l’océan et les vagues qui venaient mourir doucement sur le sable blanc de la plage. Puis elle avait parlée à son tour, lui avait fait des révélations qui l’avait laissé complètement ahuri et avec un profond sentiment de stupidité personnelle. Il n’avait jamais été doué dans les relations amoureuses. Sa première femme avait été la seule qu’il n’ait jamais aimée, avant de rencontrer Eiwa en Éorzéa.

Arik jeta ses vêtements sales sur le sol, dans un coin de sa minuscule chambre. Il s’occuperait de faire sa lessive plus tard. Toujours plongé dans ses pensées, il termina de se dévêtir puis attrapa une serviette. Il se rendit jusqu’à la douche, ouvrir le robinet d’eau et la laissa se réchauffer. Il s’était toujours comparé à un lézard, adorant le soleil brûlant du désert et la chaleur de l’eau ou d’un bon feu de cheminée. Imaginant un énorme lézard de sa taille en train de paresser sous les rayons ardents du soleil, il se glissa sous l’eau chaude, un sourire étirant ses lèvres. Dans pas long il finirait par croire, bien naïvement pour ceux qui le croyaient déjà, que les Ao Ra étaient en fait les fils et les filles des dragons et qu’ils pouvaient cracher des flammes tout comme eux.

Il leva la tête tout en fermant les yeux vers le jet d’eau brûlant et se détendit. Pendant un long moment, il savoura le contact du liquide coulant sur son corps et chassant une partie du sable qui s’était collé à son corps en sueur, puis il prit finalement le savon et s’occupa de nettoyer soigneusement son corps et ses cheveux. Aussi sauvage qu’il pouvait être, Arik prenait toujours un grand soin de sa personne. Un esprit sain dans un corps sain, tout était là.

Une fois ses ablutions complétées et vêtu d’un unique pantalon de cuir, il retourna au rez-de-chaussé pour prendre son repas sur un plateau et monta rejoindre les gens qu’il entendait toujours discutés au salon du premier étage.

Il sourit intérieurement en voyant Batukhan, Haruna, Eji et Leon. Mine de rien, il s’était attaché à chacun d’entre eux. La soirée promettait d’être plaisante.

Du moins c’était ce qu’il croyait.

[Alexois Iseterre]

Il errait dans les rues d'Ishgard, après un départ précipité du Thanalan. À peine une lune qu'il était revenu et déjà il avait perdu le contrôle de sa bête. Cela ne pouvais plus durer. Il devait s'entraîner plus fort... et oublier son amour pour Eiwa.

Ils s'étaient revus et comme toujours, leurs retrouvailles furent intenses. La joie de se revoir se mêlait au désir d'être à nouveau ensembles, sans pouvoir l'être. Il crevait d'amour pour cette miqo'te, sans rien pouvoir faire que de la regarder aller dans les bras d'un autre. Il allait finir fou s'il continuait ainsi.

Et puis, étrangement, il y avait cette raen, Sayuri, qui commençait à prendre un peu trop de place dans son cœur. Une raen... Il grimaça presque de dégoût. Il avait bien changé, depuis son retour. Mais bon, elle lui plaisait. Oh, rien qui ne puisse déloger Eiwa de ses pensées, mais suffisamment pour qu'il se pose des questions. Cette femme était auréolée de mystère, à la fois sauvage, glaciale et pourtant douce. Il était troublé, plus qu'il ne voulait bien l'admettre. Il l'avait dit à Eiwa, bien sûr. Il aimait la voir jalouse. Même si c'était malsain, il appréciait de voir de son unique œil que cela la dérangeais.

Inuki marchait à ses côtés, aussi fidèle que par le passé. Les Ishgardais le regardait de travers, et avec raison. Malgré le froid et la neige, il se promenait avec à peine un manteau léger, qui avait plus sa place en Noscéa, que dans cette ville hivernale. Et comme à son habitude, il posait un regard indifférent sur ceux qui avaient l'audace de le dévisager.

Quelqu'un l'interpella, un peu plus loin. Un hyurois qui couru pour le rejoindre. Intrigué, il baissa la tête et tendit la corne aux propos de l'humain. Une grande chasse se préparait. Une horde de loups sauvages tournait autour de Nid-Faucon depuis quelques semaines et commençait à faire des dégâts sérieux.

Le xaela sourit. Il s'éloigna avec le hyurois, annonçant ses prix. Tant qu'à s'entraîner, autant le faire en gagnant des gils.

[Alexois Iseterre]

Quelque part, en Éorzéa

Il s'était donné à fond ces derniers temps, côté mission. Il avait bossé dur dans les environs d'Ishgard et commençait tranquillement à se faire connaître par là. Mais ses amis lui manquaient, alors il avait décidé de retourner à Brumée.

Après de longs soleils à réfléchir, il décida de passer à l'acte. Il allait reconquérir le cœur d'Eiwa avec un coup digne des plus grands romans d'amour, ou bien tout perdre en essayant. Après avoir discuté longuement avec Haruna pour se convaincre que son plan était parfait, il le mit en branle. Il se rendit à Gridania, chez les botanistes, pour acheter des roses rouges, blanches et roses. Assez pour que la guilde se frotte les mains d'avoir fait une bonne vente. Ensuite de quoi il se rendit à Ul'dah pour acheter une bouteille d'un vin ultra cher, surtout réservé pour la noblesse ou le Cartel. Il termina son voyage à Limsa Lominsa et se rendit au Birsmark pour commander un repas à emporter pour deux personnes.

Anxieux mais résolu à mener son plan à terme, il se rendit à la pension dont Eiwa s'occupe et, avec l'aide des employés grassement rétribués pour leurs services, il prépara la mise en scène. Des pétales de roses furent dispersées partout, tel un tapis embaumant l'air, de l'entrée de la pension jusqu'aux appartements privés d'Eiwa. Des chandeliers furent installés, des chandelles furent allumées, créant un chemin presque magique. Une musique d'ambiance romantique fût installée dans l'orchestrion et les lumières, tamisées. On installa le repas devant la cheminée des appartements privés, avec un bon feu ronflant dans celle-ci.

Puis il apporta la touche finale, qui le fit grimacer. Il alla enfiler une chemise blanche, un pantalon noir et des souliers noirs cirés. Il passa sur sa chemise une veste rouge foncée et ajusta le tout. Coincé dans un accoutrement qu'il trouvait ridicule, il contacta Eiwa par link perle et lui demanda de le rejoindre, ce qu'elle fît.

Fébrile, il avait attendu qu'elle arrive et l'avait laissé découvrir toute la mise en scène. Puis il était sorti de sa cachette et lui avait déclaré simplement, sans détour, son amour.

Malheureusement, l'histoire ne s'était pas terminé comme il l'aurait voulu. Le coeur d'Eiwa appartenait à un autre : Valeryon. Embarassée, elle dût lui avouer qu'il était son amour de lunaire. Elle ne le quitterait pas à moins que Valeryon ne la rejette. Bien que profondément meurtri, il n'en laissa rien paraître. Il accepta la décision d'Eiwa. Elle avait fait son choix, il ne pouvait que s'y plier. La venue de son rival mis un peu à mal sa résolution de rester stoïque et il ne put s'empêcher de le provoquer un peu. Mais cela n'alla pas bien loin. Valeryon prit la fuite, le temps de se remettre des provocations du xaela. Quand à lui, il parla un peu avec Eiwa, puis repris son chemin, sans un regard en arrière.

Il en avait fini de pleurer d'amour et de se morfondre. Il allait de l'avant.

Il croisa Sayuri, à Brumée. Des événements récents l'avait fait s'éloigner d'elle. Puis sur un coup de tête, il décida de revenir sur cette décision. Bien qu'elle présentait un trouble de personnalité multiple, il décida de lui offrir une seconde chance. De s'offrir une seconde chance. Il l'emmena via éthérite jusqu'à Annexe Trine et lui montra des endroits qu'il aimait bien. Elle qui lui disait que le monde ne méritait que la destruction, il lui fit découvrir que certains endroits valaient la peine d'être conservés et protégés.

Sous le ciel étoilé et la lune, ils discutèrent longuement, perchés sur le sommet de la tour d'Annexe Trine. Il réalisa certaines choses concernant Sayuri. Tous deux avaient affrontés des émotions ainsi que des situations similaires par le passé. Il commençait à mieux comprendre qui était la raen et lui offrit son aide. Est-ce qu'une nouvelle amitié était née sous les naseaux de Vidofnir? Certainement. Le chemin du retour se fît à nouveau par éthérite et les deux Ao Ra se quittèrent sur un sourire, tournés tous les deux vers l'avenir.

Résolu, le xaela se dirigea vers la noscéa pour rejoindre Batukhan et son clan. Il était temps pour lui de retourner auprès de ses amis, de sa nouvelle famille. Il n'oubliait pas Kushina et Hynia, ni son propre clan. Il continuerait à vivre, pour trouver le chemin de la rédemption.

Même si cela devait lui prendre le reste de sa vie.