Quartiers de haute sécurité

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Cyrcée
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Quartiers de haute sécurité

Message par Cyrcée » 05 juil. 2016, 19:15

Des barreaux froids, des pierres noires et suintantes, parfois le bruit d'un rat courant le long d'une canalisation. Certains pleurent, d'autres hurlent mais la grande majorité reste silencieux, apathique. Les quartiers de haute sécurité d'Uld'ah ne sont pas réputés pour leur hospitalité.

Un bruit de porte lourde rabattue avec fracas, des bruits de bottes, des gardes exhortant un nouveau prisonnier à marcher plus vite.

Quelques-uns se lèvent de leur couche crasse pour apercevoir le nouveau venu, seule occupation de la journée, voire peut être de la semaine.

Il est gros, aussi suintant que les murs, marchant avec difficulté à cause de son obésité, des lunettes à triple foyer. Etrange de voir sa calvitie entre ses oreilles de Miqo'te.

Le garde le pousse devant lui d'un air dégoûté, râlant sur l'homme dont la morve dégoulinante lui donne envie de vomir, l’obligeant à détourner le regard, ne supportant pas cette vue écœurante.

Encore un bruit sonore de porte ouverte à la volée, et le miqo'te graisseux s'affale dans la cellule.

Le garde ricane en refermant la lourde porte.

"Dors bien mon gros, je suis sûr que ton pote de chambrée va être content de se trouver un si joli petit oreiller douillet".

Le "pote de chambrée" ne jette même pas un regard à son compagnon d'infortune. Couché sur la paillasse du bas, les bras croisés sous sa nuque, il regarde le sommier au-dessus de lui, les yeux dans le vague. C'est aussi un miqo'te, mais bien plus svelte, fin, les traits félins marqués.

"Tu me fous la paix, je te fous la paix, tu fous la merde, je te la fais bouffer". Juste quelques mots, prononcés d'une voix rauque, rugueuse, à l'accent lent, il est clair qu'il ne s'agit pas d'une menace, mais d'un simple fait.

L'homme se relève en reniflant, s'accrochant au montant des lits jumeaux puis souffle longuement hochant de la tête.

Lentement, il escalade le lit, pour retomber lourdement sur sa couche.

Ce n'est que le début de l'après-midi…. Et pourtant, aucun prisonnier ne sortira pour prendre l'air, aucun ne sera appelé pour voir son avocat. Rien…… Rien durant de longues heures, dans une pénombre étouffante.

Puis la nuit transformera l'étuve en glacière, forçant chaque détenu à se recroqueviller sous sa fine couverture.

Seule la lune éclaire les cellules de sa lumière blafarde.

Comme tous ces frères d'infortune, le félin tente de trouver un peu de chaleur sous sa vieille pelure puante, quand il sent une main sur son épaule.

Sans se retourner, il se met à gronder, l'air clairement agressif.

"Je ne suis pas non plus de ce bord la, enlève ta main ou tu la perdras….."

Il se crispe, devenant blême en entendant une voix rauque, féminine, légèrement grondante lui répondre.

"Pourtant je suis venue pour toi".

Lentement, comme dans un rêve, le miqo'te se retourne pour fixer son compagnon de chambrée obèse.

"Toi ?" souffle-t-il, ses yeux s'écarquillant lentement.

"A quoi tu t'attendais ?"

Posément, le miqo'te à la calvitie prononcée retire ses lunettes aux verres épais qui cachaient ses yeux couleur miel pailletés d'émeraude, pour fixer l'homme couché à ses côtés qui déglutit péniblement.

"Tu es venu me tuer, c'est ça ?" son accent n'est plus si calme, ni menaçant. Il semble être redevenu un chaton sous le regard perçant de la créature en face de lui.

"Pourquoi demander ce que tu sais déjà ? Tu nous as trahis…. Je ne peux pas te laisser en vie. Regarde où cela t’as mené, tu avais soif de pouvoir et tu finis enfermé. "

Un frémissement de paupières, des yeux roulants de gauche à droite …. Comme cherchant un endroit où se cacher, il prend une inspiration. Son instinct de survie le pousse à vouloir hurler, avertir les gardes.

"Hurle et c'est ta famille qui mourra….. Choisis, sois ta vie, sois la leur." Le ton est bas mais implacable.

Son hurlement s'éteint avant même d'avoir franchi ses lèvres.

"Et…. Si je meurs ?"

"On prendra soin d'eux…."

L'homme ferme les yeux, serrant un peu la mâchoire. Ce n'est plus qu'un filet de voix qui s'échappe de sa gorge.

"Alors fais-le, vite…."

Le félin obèse incline lentement la tête, comme une approbation avant de venir poser ses lèvres graisseuses sur celle de son compagnon qui grimace de dégoût mais ne se détourne pas.

Il se permet même de ricaner un peu, un rire sec, sans joie.

"Tu aurais pu au moins enlever ton dégu……" Il ne peut finir sa phrase, ses yeux se révulsent alors que tout son corps s'arque sur sa couche. Ca ne dure que quelques secondes, puis son corps s'affale, comme un pantin désarticulé, les yeux grands ouverts comme fixant à nouveau le sommier au-dessus de lui, ses iris blanchissant lentement, la mort venant chercher son dû.

Le gros félin ferme ses yeux d'ambre pailletés de vert, soupirant longuement, avant de se lever pesamment et d'aller au milieu de la cellule, fixant la lune au travers des barreaux.

Il se met à se déshabiller lentement, n'enlevant pas seulement ses vêtements crasseux, mais aussi toute la graisse de caoutchouc qui le recouvre, pour finir par enlever son masque fait de la même matière.

Ce n'est plus un Miqo'te obèse et à moitié chauve qui se retourne pour regarder une dernière fois le corps de celui qui avait été son bref compagnon de chambrée, mais une femme féline, aux courbes sensuellement recouvertes d'une combinaison noire fixant tristement un de ses hommes l’ayant trahi.

Elle ferme les yeux un instant. Quand elle les rouvre, ils ont retrouvés leur froideur, elle doit rester concentrée, rentrer n'avait pas été compliqué, sortir le sera bien plus.

Elle fouille un peu dans son costume de graisse caoutchouteuse puis se dirige vers la porte.

Une clef, une simple clef, c’est elle qui a été la plus dure à voler, puis à copier avant de la redonner au garde. Mais ses sbires sont doués, patients et ils ont réussis à lui obtenir.

Un cliquetis, une porte s'ouvrant lentement, une ombre se déplaçant rapidement.

Ils avaient été une dizaine à confectionner son déguisement, tous, le regard empreint de tristesse. Ils le créaient pour permettre à leur chef d’aller tuer l’un des leur. Il les avait trahis, tous connaissaient le prix à payer, mais tous savaient aussi qu’elle en souffrirait sans jamais le montrer.

L'ombre se déplace silencieusement dans le dédale des quartiers de haute sécurité. Elle sait où elle doit aller tout en évitant les rondes des gardes.

La seule à l'aider sans le savoir…. A'gla, son amie de longue date, qui lui avait donné les plans pour prévoir une possible évasion de leur camarade Lestaëlle. Jamais elle ne saura qu'ils allaient servir pour venir tuer un prisonnier. Peut-être s’en doutera-t-elle…. Peut-être pas, mais jamais Cyrcée ne lui dira…. Tant de monde à protéger…

Les sanitaires…. Au fond, se faufiler dans la chaufferie, puis derrière un labyrinthe de conduits pour arriver à une trappe qu’elle ouvre lentement…..

Elle sert les dents en fronçant des sourcils. Elle est pratiquement insensible à la douleur…. Mais pas aux odeurs…..

Se glisser dans les immondices des prisonniers. Elle ne peut réprimer un léger gémissement quand elle doit se mettre à ramper. Continuer encore, respirer par le nez, ne pas ouvrir la bouche, continuer, fixer un point, loin…. Cette si petite lumière tremblotante que ses yeux de chat aperçoivent au loin.

Des minutes qui semblent des heures, puis, la délivrance. Elle glisse dans la boue infâme pour atterrir dans la rivière en contrebas, noire de crasse et d'excréments…. L'accouchement d'une créature démoniaque devait ressembler à ça.

Ramper encore dans l'eau, cette fois, pour chercher à se nettoyer. Continuer…. Puis se mettre à marcher, toujours dans l'eau, se laver, tomber à genoux, se relever en grondant…. Jeter un coup d'œil en arrière.

Une sirène, une lueur orangée…… Un incendie vient de se déclarer dans la prison. Son costume caoutchouteux ayant pris feu, dégageant une épaisse fumée âcre.

On retrouvera le corps d'un homme, surement asphyxié par les émanations toxiques, mais aucune trace de son compagnon de cellule obèse.

De cet inconnu, il ne restera que des vêtements calcinés et une bouillasse gluante impossible à reconnaitre.

Les autorités rechercheront un moment cet étrange miqo’te bouffi aux cheveux clairsemés, mais jamais ne retrouveront sa trace.

Et personne ne se doutera que la Directrice du Dojo Arachne rentrant lentement, la tête un peu basse dans son Etablissement, venait de commettre un meurtre qu'elle avait du mal à assumer.

Protéger la Toile par tous les moyens….. Elle se l’était promis, mais le prix à payer était parfois dur à accepter.
Ne jamais se fier aux apparences

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