Pour un frère
Lentement, il ouvrit les paupières. La pièce était plongée dans la pénombre, lui permettant ainsi de s’accoutumer à son environnement. Il chercha à bouger, mais son corps était toujours pris dans sa gaine de coton. À côté de lui, quelqu’un s’agita.
- Ne bouge pas, tu vas aggraver tes blessures. Je vais chercher le médecin.
- … Mère…
- Fait ce que je te dis, Calypse.
Le jeune homme lui obéit, à la fois surpris et intrigué par la sollicitude dont faisait preuve sa mère. C’était bien la première fois qu’il la voyait aussi avenante. Et… ce n’était pas aussi désagréable qu’il le pensait.
Il tourna son regard vers le plafond dès que Cathie fût sortie de sa chambre. Il se concentra, tentant de percer le brouillard qui lui obscurcissait la tête, en vain. Épuisé, il sombra de nouveau dans l’inconscience.
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Il se réveilla en hurlant de terreur, les joues couvertes de larmes. Paniqué, il lui fallut plusieurs minutes avant de comprendre… et de réaliser… qu’il était chez lui, dans son lit. Un rêve… Tout cela n’était qu’un rêve. Haletant, il essuya ses joues d’un revers de la main et repoussa les draps dans lesquels il s’était entortillé durant son sommeil. Il posa un pied sur le sol frais et tout en vacillant, se leva pour aller se passer de l’eau sur le visage, dans la petite salle de bain attenante à sa chambre.
Tremblant, il posa ses mains sur le marbre du lavabo et observa son reflet dans le miroir. Il ressemblait à son frère. Les mêmes yeux d’un bleu profond, auréolé de petits éclats dorés. Le même nez fin, les lèvres charnues, faites pour les baisers. Il ouvrit le robinet, glissant ses mains en coupe sous l’eau pour ensuite s’asperger le visage et la nuque. Fixant à nouveau son reflet, il soupira. Des trois, il était le plus faible. Il maudit son impuissance et jura copieusement. Il fallait qu’il trouve un moyen de gagner en puissance. Mais comment? Et par où commencer? Il était bien évidemment hors de question de suivre le chemin de Daphnée. Mais avait-il une autre solution?
Conscient qu’il allait probablement vendre son âme et provoquer la terrible colère du patriarche, il prit néanmoins sa décision. Il retourna dans sa chambre pour se vêtir de sa tenue de combat, qui consistait en une armure de peau de dragon. Le cuir, solide, mais néanmoins léger, lui assurerait une pleine liberté de ses mouvements. Il attrapa son sceptre en bois d’ébène et se dirigea vers le sous-sol sans rencontrer qui que ce soit sur sa route. Arrivé devant la chambre des rituels, il prit une profonde inspiration et passa la porte… Scellant ainsi son destin, sans même le savoir...