Eorzéenne
Mon ancien disciple n’attendit pas que je réagisse : il leva son bâton en incantant et projeta sur moi un gros rocher, qui m’atteignit en plein ventre. J’entendis très distinctement le craquement violent de mes côtes encore fragilisées, sans comprendre ce qu’il se passait, les yeux grands ouverts de stupeur. La douleur me frappa alors de plein fouet, et un hurlement s’échappa de mes lèvres. Avant que je ne puisse ne serait-ce qu’essayer de me relever, Djeor était sur moi et me donna trois grands coups dans le visage. Je sentis mon nez et ma mâchoire se briser sous l’impact de ses poings, et le goût du sang envahissait ma bouche.
Je tentais de lever les yeux vers ceux de mon agresseur, celui à qui, dans une autre vie, j’avais enseigné les rudiments de l’élémentalisme. La haine, le mépris y étaient papables : je compris alors que je n’en rechaperais pas. Djeor avait réussi à me retrouver et, pour une raison qui m’échappait, allait me tuer. Ce constat me frappa lorsque ses mains puissantes de jeune adulte hyurgoth entourèrent mon cou. Je sentis la pression s’accentuer et le souffle me quitter. Une bave sanglante s’échappa de la commissure de mes lèvres.
La fin était proche.
Je tentais de lever les yeux vers ceux de mon agresseur, celui à qui, dans une autre vie, j’avais enseigné les rudiments de l’élémentalisme. La haine, le mépris y étaient papables : je compris alors que je n’en rechaperais pas. Djeor avait réussi à me retrouver et, pour une raison qui m’échappait, allait me tuer. Ce constat me frappa lorsque ses mains puissantes de jeune adulte hyurgoth entourèrent mon cou. Je sentis la pression s’accentuer et le souffle me quitter. Une bave sanglante s’échappa de la commissure de mes lèvres.
La fin était proche.
Je croupissais dans cette geôle depuis trop longtemps déjà. Souillée. Je dormais entourée de ma propre merde, dont l’odeur répugnante me rendait malade. La journée, le légat ordonnait que je sois battue tant que je ne crachais pas le morceau. Il était pourtant hors de question de leur donner la position des autres groupes de rebelles. Je mourrai avant : mais leur saleté d’élémentaliste me soignait pour m’en empêcher. Je devais trouver une solution.
Ah, si j’avais pensé à cela pour nos propres prisonniers, j’aurais ordonné à cette traitresse de lalafelle de tenir en vie tous ces furoncles d’Impériaux : nous aurions pu leur faire endurer tant de souffrances sans risquer de les tuer… Ils auraient tous chanté, sans exception.
Je hurle. Parce que je souffre le martyr. Parce que je vis dans ma propre fange. Parce que je deviens complètement folle, ici, seule. Ils ont abattu Rodj sous mes yeux. Certains d’entre nous ont pu s’enfuir, mais, lorsque les Impériaux ont débarqué, la majorité ont été tués. Je suis la seule prisonnière. Je voudrais mourir ici, mais il faut que je survive. Je survivrai, pour tuer toutes ces ordures. Jusqu’au dernier, je vivrai pour les abattre. Je repeindrai les murs de leurs maisons avec leur sang.
Ici, j’oublie presque tout de mon ancienne vie : ma haine pour cet Empire se condense et ma vengeance devient mon seul objectif. Je me rappelle à peine des sous-sols d’Ala Mhigo, de mes compagnons. Seuls subsistent cette haine, cette exécration, et mon nom.
Je suis Saphi, et je vivrai pour abattre chacun de ces chiens galeux.
Ah, si j’avais pensé à cela pour nos propres prisonniers, j’aurais ordonné à cette traitresse de lalafelle de tenir en vie tous ces furoncles d’Impériaux : nous aurions pu leur faire endurer tant de souffrances sans risquer de les tuer… Ils auraient tous chanté, sans exception.
Je hurle. Parce que je souffre le martyr. Parce que je vis dans ma propre fange. Parce que je deviens complètement folle, ici, seule. Ils ont abattu Rodj sous mes yeux. Certains d’entre nous ont pu s’enfuir, mais, lorsque les Impériaux ont débarqué, la majorité ont été tués. Je suis la seule prisonnière. Je voudrais mourir ici, mais il faut que je survive. Je survivrai, pour tuer toutes ces ordures. Jusqu’au dernier, je vivrai pour les abattre. Je repeindrai les murs de leurs maisons avec leur sang.
Ici, j’oublie presque tout de mon ancienne vie : ma haine pour cet Empire se condense et ma vengeance devient mon seul objectif. Je me rappelle à peine des sous-sols d’Ala Mhigo, de mes compagnons. Seuls subsistent cette haine, cette exécration, et mon nom.
Je suis Saphi, et je vivrai pour abattre chacun de ces chiens galeux.
J’me lève d’ma chaise en titubant. La vie est r’devnue comme avant depuis cette nuit où l’on m’a pris ma barque. Avec l’argent qu’j’ai eu en compensation, j’ai racheté un bateau neuf, avec lequel j’peux aller plus loin et pêcher plus de poisson : du coup, j’gagne mieux ma pauvre vie. J’ai pu changer d’cabane, histoire d’avoir un truc à moi correct. Ça change pas grand-chose, mais c’quand même pas mal. Par contre, j’claque toujours autant à la taverne. Ouaip, on s’refait pas.
La vie change pas, ouaip. Elle s’améliore juste un peu, mais rien n’bouge vraiment, et c’est pas plus mal.
La vie change pas, ouaip. Elle s’améliore juste un peu, mais rien n’bouge vraiment, et c’est pas plus mal.
Ma cabane me parait vide et silencieuse. Non pas que Maeko fut une personne particulièrement bavarde. Mais, pour sûr, cette fille dérangée me manque déjà. J’espère juste qu’elle réussira à rentrer chez elle sans ennuis, car son bercail a l’air de lui manquer. Je regarde l’or qu’elle m’a laissé, sur la table de nuit. Je n’ai pas envie de m’en servir : pas pour moi en tout cas. Je n’ai pas besoin de tout cet argent, et je ne sais pas quoi en faire.
Je pense que j’irai le donner à l’école du village, ils en feront surement un meilleur usage que moi. Oui, je vais faire ça, comme ça les plus jeunes pourront apprendre à lire. Parait que c’est super utile. C’est ce que Maeko semblait marmonner, en tout cas, quand elle était pas trop occupée à tirer la tronche.
En haussant les épaules, je sors de chez moi. Puis, lorsque je vois toutes les fleurs colorées qui ont poussé depuis qu’elle est partie, je souris. De l’extérieur, mon coin est devenu magnifique : y’a du bleu, du jaune, du violet, du blanc… Une semaine plus tôt, je n’avais que des ronces qui daignaient se développer ici. Les gamins viennent jouer ici maintenant, parce qu’ils pensent que ma maison est enchantée : moi, je leur dis juste qu’une sorcière est venue ici et lui a jeté un sort.
Le plus drôle, c’est qu’ils ne me croient pas.
Je pense que j’irai le donner à l’école du village, ils en feront surement un meilleur usage que moi. Oui, je vais faire ça, comme ça les plus jeunes pourront apprendre à lire. Parait que c’est super utile. C’est ce que Maeko semblait marmonner, en tout cas, quand elle était pas trop occupée à tirer la tronche.
En haussant les épaules, je sors de chez moi. Puis, lorsque je vois toutes les fleurs colorées qui ont poussé depuis qu’elle est partie, je souris. De l’extérieur, mon coin est devenu magnifique : y’a du bleu, du jaune, du violet, du blanc… Une semaine plus tôt, je n’avais que des ronces qui daignaient se développer ici. Les gamins viennent jouer ici maintenant, parce qu’ils pensent que ma maison est enchantée : moi, je leur dis juste qu’une sorcière est venue ici et lui a jeté un sort.
Le plus drôle, c’est qu’ils ne me croient pas.
Rien de tout ça ne serait arrivé si cette traitresse n’était pas venue chez nous. A cause d’elle, l’Empire a débarqué dans nos sous-sols et a tué tout le monde. J’ai pu en réchapper par chance : alors j’ai décidé de la traquer. Et me voilà, cette nuit, mes mains autour de son cou, mes yeux fixés sur son visage ensanglanté. Une mort adaptée pour un tel déchet sur la face du monde.
Parmi tous les fléaux dont nous sommes les victimes, la traitrise, la lâcheté et l’irresponsabilité sont les plus insidieux et profanes : pourtant, cette fille réussit l’exploit de réunir les trois à leur paroxysme. Le regard de détresse qu’elle me lance est presque jouissif. J’aurais presque envie de relâcher la pression pour l’entendre m’implorer de la laisser vivre, mais ce serait lui laisser une chance de s’en sortir : même désarmée, ses incantations pourraient me poser problème.
Il faut en finir. Une dernière fois, je force. Ses yeux sont rouges. La bave pleine de sang coule le long de sa joue enflée, avant de souiller le sol.
Adieu, Maeko. Puissent tous les démons des enfers ne jamais te laisser le moindre répit.
Soudain, je sens un glissement au niveau de mon bassin. Puis, sur mon cou, le frottement glacé de l’acier qui s’enfonce dans ma chair.
Parmi tous les fléaux dont nous sommes les victimes, la traitrise, la lâcheté et l’irresponsabilité sont les plus insidieux et profanes : pourtant, cette fille réussit l’exploit de réunir les trois à leur paroxysme. Le regard de détresse qu’elle me lance est presque jouissif. J’aurais presque envie de relâcher la pression pour l’entendre m’implorer de la laisser vivre, mais ce serait lui laisser une chance de s’en sortir : même désarmée, ses incantations pourraient me poser problème.
Il faut en finir. Une dernière fois, je force. Ses yeux sont rouges. La bave pleine de sang coule le long de sa joue enflée, avant de souiller le sol.
Adieu, Maeko. Puissent tous les démons des enfers ne jamais te laisser le moindre répit.
Soudain, je sens un glissement au niveau de mon bassin. Puis, sur mon cou, le frottement glacé de l’acier qui s’enfonce dans ma chair.
Je tranche la carotide d’un coup net. Presque immédiatement, Djeor me relâche pour porter ses mains à son cou et se jette sur son bâton, derrière lui. Je le regarde, son couteau dans ma main pleine de sang, tenter désespérément de refermer la plaie, mais la détresse le fait balbutier. En quelques secondes, il s’écroule, alors que son sang se vide sur la terre. La lumière bleue de l’éthérite s’y reflète étrangement.
Je reste allongée ainsi, la tête sur le côté, crachant la salive écarlate qui m’empêche de respirer. Puis, après quelques minutes ainsi, dans le silence de la nuit, je m’oblige à me relever. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois, tant la douleur de mes côtes brisées et de mon visage boursouflé est grande. Puis, une fois debout sur mes jambes flageolantes. Je contemple le corps de Djeor. Son visage est empli d’une peur indescriptible.
Enfin, je réalise que je viens de le tuer. Mes mains sont littéralement imbibées du sang de mon élève. Mon regard vitreux ne peut se détourner du cadavre, symbole de mon échec permanent à protéger les gens en qui je place de l’importance. Je ressens une tristesse et un dégout infinis.
Mes jambes, dorénavant trop faibles pour porter mon corps brisé, fléchissent. Je m’écroule dans l’herbe, la respiration sifflante. Une côte a probablement percé un poumon. La souffrance irradie. Enfin, le noir se fait et ma conscience part au loin.
A peine arrivée que je m’en vais déjà. Quel gâchis.
Je reste allongée ainsi, la tête sur le côté, crachant la salive écarlate qui m’empêche de respirer. Puis, après quelques minutes ainsi, dans le silence de la nuit, je m’oblige à me relever. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois, tant la douleur de mes côtes brisées et de mon visage boursouflé est grande. Puis, une fois debout sur mes jambes flageolantes. Je contemple le corps de Djeor. Son visage est empli d’une peur indescriptible.
Enfin, je réalise que je viens de le tuer. Mes mains sont littéralement imbibées du sang de mon élève. Mon regard vitreux ne peut se détourner du cadavre, symbole de mon échec permanent à protéger les gens en qui je place de l’importance. Je ressens une tristesse et un dégout infinis.
Mes jambes, dorénavant trop faibles pour porter mon corps brisé, fléchissent. Je m’écroule dans l’herbe, la respiration sifflante. Une côte a probablement percé un poumon. La souffrance irradie. Enfin, le noir se fait et ma conscience part au loin.
A peine arrivée que je m’en vais déjà. Quel gâchis.