[Anecdote] Les larmes de Sombrelinceul - Un sourire

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Maeko
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[Anecdote] Les larmes de Sombrelinceul - Un sourire

Message par Maeko » 20 nov. 2015, 02:56

La prison de Gridania n’était pas aussi sordide qu’on aurait pu le croire au premier abord. Contrairement aux ruines de Toto-Rak, abandonnées depuis bien longtemps, on y voyait la lumière du jour. Les gardes conservaient un certain respect pour les prisonniers, ou du moins une pudeur réservée qui contribuait à l’ambiance calme et sereine du centre de détention pourtant rempli de dangereux criminels.

C’est dans ce contexte que vivait depuis quelques jours un Elézéen d’âge mûr. Assis sur la couche de sa cellule lui étant réservée, il était affairé à philosopher avec son compagnon d’infortune. Sa posture et ses vêtements rapiécés n’effaçaient pas le physique avantageux de l’individu, souligné par une posture droite, des bras musclés, un visage fin décoré de deux yeux noisette en amandes et de cheveux blonds et brillants.

Bernard était son nom. Dans le cadre de ce pénitentiaire, il débutait sa peine. Celle-ci prendrait probablement fin à sa mort, mais il ne ressentait ni regrets ni animosité. C’était un homme de calme, de patience et de réflexion. Il acceptait son sort et le jugeait juste, bien qu’il eût préféré une autre issue pour sa vie.

Son compagnon, un Hyur visiblement plus jeune aux cheveux noir de jais, appréciait déjà cette agréable compagnie, ô combien préférable à celle d’un bandit de grand chemin ou d’un quelconque scélérat qui n’aurait pas eu l’once de l’ébauche d’une capacité à converser.

« … Et c’est là toute mon opinion sur la question de l’âme des hommes. Mais au point où j’en suis, elle évoluera probablement. Après tout, j’ai toute ma vie pour réfléchir à ce genre de questions.
- C’est quand même bien dommage de se retrouver dans cette situation pour un motif aussi simple. Il te faudra une grande force morale pour ne pas devenir fou après dix ans.
- Les barreaux de cette cellule ne m’empêchent pas de penser et de communiquer avec les esprits. Je m’en sortirai, ne t’en fais pas pour ça. »


Le soleil n’avait pas fini de se lever qu’un garde de l’Ordre des Deux Vipères en uniforme, accompagné d’une minuscule et frêle silhouette vint se planter devant la cellule de Bernard et de son compagnon. L’air visiblement fatigué, il s’inclina avant de s’annoncer.

« Maître Bernard Loisoux…
- Je vous en prie, ne m’appelez pas comme cela, je suis un prisonnier comme un autre. Le respect dû aux Mages Blancs n’est plus de rigueur dans mon cas.
- Comme vous le souhaitez. Cette jeune fille
, dit-il en désignant la silhouette encapuchonnée, souhaite vous rendre visite. Je vous donne une demi-heure pour parler avec elle.
- Bien, je vous remercie.


Après s’être de nouveau incliné, le garde s’écarta de la cellule, laissant la visiteuse s’approcher des barreaux à travers lesquels filtrait la lumière du jour. Elle s’inclina à son tour avant d’enlever sa capuche, révélant ses cheveux gris foncé surmontant un visage relativement fin par rapport à la plupart des Lalafells – car il s’agissait bien d’une Lalafelle. Sa peau sombre contrastait avec ses grands yeux violets, vidés de la moindre émotion, qu’elle vint fixer dans ceux de Bernard, qui venait de se mettre à genoux pour mieux parler avec la jeune fille.

« Tu es venue très rapidement me voir Maeko. Cela me rend heureux. Pourquoi cet accoutrement ?
- Je ne souhaite pas que l’on me voit ici Bernard. Je risque de ne plus être très bien reçue à Gridania avant un temps.
- Tu t’es débarrassée de ton cristal c’est ça ?


Un long silence s’installa dans la cellule. Les deux interlocuteurs se regardaient droit dans les yeux sans ciller, comme s’ils pouvaient tout se dire uniquement par ce biais. Ce fut Bernard qui reprit la parole en premier, d’un ton calme et serein.

- Tu leur en veux je suppose. Pourquoi ?
- Ce n’est pas juste ce qu’ils vous font.


Nouveau silence. Nouveaux regards.

- Maeko ?
- Oui Bernard ?
- J’aimerais que tu me promettes quelque chose avant de partir.
- Mon sens de l’honnêteté est assez relatif, je pense que vous l’aurez remarqué après toutes ces lunes à travailler pour vous. Je ne peux pas garantir que je ferai ce que vous voulez. Mais j’essaierai au moins.
- Approche-toi des barreaux.

La petite Lalafelle s’exécuta. Bernard inspira longuement. Avec douceur, il passa sa main à travers les barreaux et la posa sur l’épaule de sa collègue. Sa chaleur réconfortante fit baisser le regard de Maeko, qui se retrouva à fixer ses pieds sans rien dire. Un sourire franc éclaira le visage de l’homme avant qu’il ne prenne la parole.

- Sois heureuse, murmura-t-il avec un calme déconcertant.
- Je… ne peux pas faire ça.
- Je suis sûr du contraire. Tu dois te pardonner à toi-même.
- Je refuse d’oublier.


Bernard posa alors sa tête contre les barreaux et prit les petites mains de la Lalafelle dans les siennes en continuant d’arborer son sourire bienveillant.

« J’ai connu beaucoup de gens Maeko, des gens biens, des gens moins biens, des gens souriants, des gens tristes, des grands, des petits, des riches et des pauvres, des amis et des ennemis. Je les ai tous aimé pour ce qu’ils étaient et je voulais leur rendre cet amour. Ce que j’ai fait pendant toute ma vie. Aujourd’hui, je vais continuer, d’une autre manière, à aimer toutes les personnes qui peuplent cette terre.
Et je t’aime toi aussi, pour ce que tu es. J’ai toujours voulu voir un sourire dessiné sur ton visage si froid, si vide. Offre-moi ceci. En échange de l’amour que je donne à tous, aime-toi toi-même. Aime-toi lorsque tu te réveilles. Lorsque tu fais des erreurs. Lorsque tu dis de mauvaises choses. Aime-toi lorsque le soleil se couche et lorsque la pluie tombe. Donne-toi un peu de ton amour et tu verras alors que tout ira mieux. »

Maeko n’avait pas bougé d’un cil tandis que Bernard parlait. La tête baissée, elle s’était murée dans le silence le plus profond. Alors que Bernard finissait et lâchait ses mains, elle laissa ses bras ballants.
Le silence fut interrompu par un très léger bruit. Un « plic » distinctif, puis un autre. Bernard rentra ses mains dans sa cellule et s’inclina devant la jeune femme. Un nouveau silence s’imposa. Il fut rompu après quelques instants par un sanglot.

« Bernard… Vous êtes vraiment la pire crapule qui soit. Vous allez terriblement me manquer. J’aimerais tant pouvoir en faire plus pour vous…
- Sèche tes larmes et souris-moi une fois, ce sera pour moi le plus beau des cadeaux d’adieu. »


Quelques minutes plus tard, Maeko s’en allait, sa capuche sur la tête, dans un silence presque religieux. Le calme qui suivit son départ fut étrangement éreintant et stressant. Après un temps de réflexion, Bernard se leva, s’étira et se dirigea vers le fond de sa cellule. Il s’assit sur son lit en soupirant. S’éleva alors la voix de son compère Hyur.

« Bernard.
- Oui mon jeune ami ?
- Cette fille avait le plus beau sourire qu’il m’ait été donné de voir de toute ma vie ».


[Cette histoire s'est déroulée il y a près d'un an, le 11e soleil de la 1ère lune ombrale.]
Une question PvE ? Un projet RP à me proposer ? Un irrépressible besoin de voir débouler un vieux troll sur son topic drama ?

N'hésitez pas à me MP directement sur le forum.

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