Les Oracles Mol
Conte d'Ombre projetées
Musique
Si en Azim chaque tribu à ses propres moeurs, il existe autant de différences dans les cultes et les croyances. Certains croient aux voyages après la mort, d'autres vénéraient la grande lune rouge Dalamud ou bien Azim et Nhama ou comme la plupart, la Mère du Crépuscule.
Ainsi et depuis toujours, les Mol étaient fidèles aux anciens dieux et perpétuaient leurs croyances siècle après siècle malgré leur nombre souvent inférieur aux autres clans.
Pour chaque décision, les Mol consultaient leurs divinités au travers de leurs chamans, décidant ainsi d'où voyager, de quoi chasser et jusqu'au nom des nouveaux nés. La moindre décision pour le clan, passait par ses yeux et ceux de leurs dieux.
La légende qui suit, naquit de l’incompréhension des plus grandes tribus à l'échec de soumettre les Mol et ce malgré disposer des plus grandes armées barbares. Elle commença il y à bien des lunes...
Il était une fois, trois frères. Khans de leurs clans respectifs, ils s'étaient réunis sous la lueur de lune pour prier la Mère de la nuit.
Après des lunes et des lunes de luttes dans les Steppes avec les autres tribu, ils peinaient à survivre aux assauts répétés des clans rivaux et s'affaiblissaient jour après jour. Désespérés et épuisés par les combats, ils supplièrent la Mère de la nuit d'aider ses enfants.
Deux yeux d'argent déchirèrent le ciel et la voix de la Mère s'éleva pour eux, elle se dessina comme une ombre floue dans la nuit, un visage sans âge entouré de cheveux interminablement longs se perdant dans la voûte étoilée, oscillant entre les multiples couleurs du Crépuscule.
" Mes chers et forts enfants, vous êtes nés et mourrez en guerriers, par équité face à vos frères des autres clans, je ne peux vous aider à vaincre sans coût. "
Le premier des frères, le plus âgé, leva ses mains vers la Mère d'un ton suppliant :
" Ô Mère du Crépuscule, les cycles ont marqué ma peau et les guerres ont brisé mes os. Ce combat sera pour moi le dernier, mais avec courage je me battrais si tu m'accorde la force de me dresser devant mes ennemis. "
Voyant son frère implorer, le second continua ;
" Ô Mère du Crépuscule, les miens chevauchent à mes cotés car ils ont vu en moi le plus grand de leurs guerriers. Accorde moi la force d'affronter nos ennemis ce soir encore pour protéger ma famille."
Et enfin, le plus jeune des frères termina ;
" Ô Mère du Crépuscule, je n'ai pas encore vu assez de jour pour avoir appris à me battre avec autant de courage que mes aînés. Je ne veux pas mourir sans avoir su défendre les miens. "
La Mère du Crépuscule les observa quelques instants puis se pencha vers eux en ouvrant ses bras.
" Je vous accorderai ce que vous désirez, car il y a longtemps qu'aucun ne m'avait ainsi priée. Mais à la fin de la nuit, vous devrez me rejoindre. Plus jamais vous ne foulerez cette terre et pour toujours vous quitterez vos êtres chers. "
Malgré les doutes et la peur, le désespoir et la détresse des trois frères était telle qu'ils acceptèrent le pacte. La Mère du Crépuscule tendit un bras et sa main glaciale les toucha l'un après l'autre.
" A toi l'aîné et le plus agé, celui qui à connu les histoires du passé, je t'offre la force et l'invulnérabilité de la Terre. Que le sang de tes ennemis l'abreuve ce soir, afin que jamais ton sacrifice ne soit oublié. "
" A toi le plus vaillant, celui qui affronte le présent sans peur, je t'offre la violence et la rapidité du Vent. Emporte et balaie tes ennemis loin des tiens, que jamais plus ils ne retrouve leurs chemin. "
" Et à toi le plus jeune d'entre tous, toi qui ne verra plus aucun soleil se lever et dont le futur est dès à présent brisé, je t'offre le Feu destructeur. Il ne restera plus que les cendres de tes ennemis sur ta route. "
Les trois frères s'inclinèrent une fois encore devant la Mère de la nuit dont l'image éthérée s’effaçait lentement dans la ciel, comme un nuage, un souffle, une illusion emportée par le vent glacial de la nuit.
Chacun des frères reprit sa route vers son clan, chevauchant à tout rompre avant que la nuit ne s'achève et que leurs ennemis n'arrivent. Fort du don de la Mère et sous son regard perçant, les combats éclatèrent plus tard dans la nuit.
Le premier frère martela le sol de ses poings, fracturant et soulevant la terre, engloutissant dans ses entrailles les guerriers qui déferlaient sur son camp. Et en quelques instants, ils furent tous enterrés vivants.
Le second frère gonfla ses poumons et souffla si fort qu'il éveilla une terrible tempête, tranchante et vive. Comme des brindilles, l'armée qui attaquait son camp fut balayée loin de ses terres et loin d'Othard, oubliée à jamais.
Quand au dernier frère dont le corps s'était enflammé comme un brasier aussi ardent qu'Azim, il consuma la vie de ses ennemis d'un simple geste de la main, les réduisant en cendres sans avoir même à les combattre.
Mais la nuit fini par s'achever et le don de la Mère les avait épuisé. A genoux et à bout de force, leurs corps meurtris vidés d'éther s’effondrèrent sous le regard impuissant de leurs clans respectifs, qui ne pouvaient que contempler leur corps se désagréger.
Poussière et cendres, ce qu'il restait des trois frères qui avaient sacrifiés leurs vies pour leurs clans s'éleva lentement dans une lueur d'argent, scintillant dans la nuit.
Les mains de la Mère recueillit les restes de ses enfants aux creux de sa paume et dans un souffle froid, les dispersa au dessus d'elle dans la voûte étoilée.
Le ciel s'éclaira alors de trois nouvelles étoiles disposées en triangle, aussi vives et brillantes qu'un diamant.
" Ce soir vous retournez dans mes bras pour l'éternité, mais que jamais votre sacrifice ne soit oublié. Dans le ciel vous resterez mes protégés, pour toujours et à jamais.
Ceux qui vers vous regarderont, de courage leurs cœurs s'empliront. Mais ceux qui vous honoreront, davantage recevront. "
Ainsi, pendant des cycles et des cycles après leurs morts, les trois frères Mol furent priés et honorés comme des dieux, le souvenir et l'histoire de leur sacrifice pour préserver leurs familles fut répété génération après génération comme un exemple pour chacun.
Mais on raconte aussi, qu'à force de prières et d'offrandes, les trois frères auraient accordé à leurs descendants un peu du don que la Mère leur avait prêté le soir de leur mort pour continuer à veiller sur eux.
Une fois par génération et après une cérémonie complexe dont ils gardent précieusement le secret, trois enfants à naître seraient désignés dans des trois clans Mol différents pour être Oracles.
L'un recevrait alors la vision du premier frère, le plus âgé et le plus sage. En plaçant ses mains sur la terre des anciens, l'Oracle pourrait entrevoir et voyager dans les actes passés. Mais la terre est figée et nul ne peut changer le passé.
Un autre aurait celle du second des frères, le plus vaillant. Il pourrait transporter son esprit sans que son corps ne le suive à travers Azim. En respirant l’encens sacré, l'Oracle pourrait voir le présent sans être présent. Mais le vent suit les courbes de la terre et ne peut traverser les montagnes, balayant le sol passé.
Et le dernier, recevrait la vision du plus jeune frère, celui dont l'avenir fut scellé trop tôt. Au travers des flammes, l'Oracle pourrait voir les événements à venir et prédire l'avenir du clan. Mais le feu est capricieux et peut rapidement changer de direction en fonction du vent, se retournant parfois contre celui qui l'a fait naître.
Quand les trois Oracles sont réunis lors du grand conseil entre les clans, leurs visions et leurs dons mis en commun permettraient aux Mol de prévoir et d'anticiper les conflits, les voyages et les chasses pour l'année à venir.
Ainsi, les Mol perpétueraient leur mode de vie et leurs traditions malgré les guerres de clan les plus violentes dans Azim.
Mais ceux touchés par le pouvoir des trois frères doivent être prudents, car les visions du passé, du présent ou du futur peuvent devenir un piège duquel ils ne pourraient plus s'extirper, si par ambition ou par aveuglément ils les parcouraient trop longtemps ou trop souvent.
Alors leurs esprits rejoindraient la mère de la nuit, au sein des trois étoiles des trois frères, terminant le chapitre de leur histoire comme celle des frères se termina.