Ouverte dans l'un des secteurs les moins fréquentés de Brumée, la quincaillerie Kasanui bénéficie d'un emplacement sur le front de mer et d'un voisinage paisible. Son propriétaire, Kasanui Fû, est un vieillard chenu originaire de Doma. Les dieux seuls savent comment ce grabataire est parvenu à survivre à une traversée cauchemardesque où de plus jeunes et de plus robustes que lui ont perdu la vie. Comme tous les petits vieux Domiens, il est immuable. Pour ses petits enfants encore vivants sur lesquels il règne en patriarche incontesté, il est déjà une figure ancestrale vivante.
La quincaillerie est une affaire de famille et ce sont généralement les deux petits-fils jumeaux de Kasanui Fû qui tiennent le comptoir : Kasanui Shu, personnage fantasque et extraverti et Kasanui Sû, de nature plus mesurée. Si Kasanui Fû reste généralement dans les environs de la boutique, c'est le plus souvent occupé à jouer au triple-triade dans un coin de la salle avec les habitués de la boutique ou à cultiver le jardin.
La surenchère de produits dépareillés agresse l’œil dès l'entrée dans la quincaillerie. Le nez lui aura fermé boutique après quelques secondes de trop passées à respirer une atmosphère confinée empuantie par les vieilles herbes de l'armoire à médecines artisanales. L'un des petits-fils Kasanui tient le comptoir pendant que le vieillard boit le thé. A gauche de l'entrée, un lot de chaises désassorties côtoie un fauteuil défoncé dont le rembourrage s'échappe par endroits et une harpe désaccordée en bois noir. Derrière le comptoir s'étalent des pots d'onguents, de baumes du coeurl "pour tous usages", des aphrodisiaques Domiens à effet garanti-ou-remboursé, des tableaux d'amateurs éclairés et parfois, miraculeusement, une délicate miniature de maître tombée là comme par enchantement pour accrocher l’œil d'un véritable connaisseur. Un lot d'ombrelles peintes (trois achetées, une offerte !) jonche en tas les étagères du comptoir, des pots de toutes sortes, de la vaisselle d'Hingashi, de la verroterie d'Ul'dah, des encensoirs imprégnés par l'odeur de l'encens qu'on y a longtemps fait brûler, une contrebasse (accordée celle-là) et des sabres domiens de pacotille avec certificat d'authenticité (deux pour le prix d'un !) encombrent les plans de travail. Des caisses de fruits et légumes frais sont remplacées tous les deux jours, sous le regard sévère du portrait de l'amirale. De faux certificats de toutes sortes, des bijoux de mauvaise qualité et des horloges à coucous ou des montres plaquées or se disputent la place sur toutes les surfaces planes disponibles au côté des produits d'origine Domienne. L'une des armoires derrière le comptoir est entièrement dévolue aux plantes de médecine traditionnelle, aux tisanes, infusions et décoctions typiques. Tout, absolument tout dans la boutique y compris les tapis et le mur démonique occupé à dévorer un paravent auquel manque une section, peut potentiellement s'acheter à l'exception du comptoir et du tatami.
Ce discret magasin ne brassant pas foule, les Kasanui louent également des chambres. Les locataires, essentiellement des aventuriers domiens vivant seuls, vont à leurs affaires et en reviennent discrètement, parfois en jouant une partie avec le vieux Fû ou en donnant un coup de main aux jumeaux pour rentrer des marchandises fraîches. La règle de discrétion s'applique à toutes les chambres. Il est interdit d'y faire du bruit passé dix heures au soir, d'entrer sans permission dans la chambre d'un autre et de cuisiner à l'huile de friture. La synthèse, en revanche, y est autorisée. Le tatami représente dans le capharnaüm de la quincaillerie une zone de paix soigneusement entretenue et c'est miracle si aucun des objets entassés partout dans la pièce ne vient empiéter sur la fragile natte. Les habitants y sont autorisés à se reposer - pieds nus - et à y rester causer avec les gérants quand tout est calme, autrement dit souvent.
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La porte du fond de la boutique fait l'objet de rumeurs et de spéculations. Certains des habitués sont en effet autorisés à y passer après un bref entretient avec l'un des jumeaux. Le vieux Fû, lui, ne semble pas prendre part à tout cela. Le voisinage parfois se plaint de voir passer la nuit sous ses fenêtres d'inquiétantes ombres furtives. La découverte d'une tache de sang sur le pavé juste devant l'escalier donna lieu à une enquête classée sans suite faute de matière. Les allées et venues au clair de lune, elles, se poursuivent.
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