Il resta prostré les premiers jours, se nourrissant à peine. Chaque Heure passée était une confirmation de plus. La perspective de passer l'Éternité dans le corps d'une Femme suffisait pour le plonger dans un abîme de Terreur sans cesse grandissant. Vers la fin du second jour, il se jeta sur ses livres. Au capharnaüm de sa chambre s'ajoutèrent les multiples papiers qu'il griffonna à la hâte pour noter tous les détails sur son état.
Tout y passa, des instruments de mesure aux sorts d'analyse. Il devait trouver la solution, le Remède.
IL LE FALLAIT.
Mais malgré tous ses efforts, ses recherches ne menaient qu'à des impasses. Il n'avait aucune connaissance en alchimie. Il ne comprit que tardivement qu'il avait besoin d'une aide extérieure. Ce fut au quatrième jour qu'il arriva à ce constat. Il avait ignoré et oublié, durant tout ce temps, sa linkperle dans le tiroir de sa table de chevet. Linkperle qu'il tira avec prudence.
Qui pouvait-il bien appeler...? Un quelconque alchimiste comme celui auquel il avait fait appel pour vérifier les effets des potions?
Il reposa la perle. Il avait le temps d'y penser...
Il se rendit dans le petit salon attenante à sa chambre pour se servir un verre d'une autre bouteille. Trahi par son plus fidèle allié... L'Arcaniste avait de quoi être dépité. Ce fut à ce moment qu'il entendit des pas derrière lui.
Frederick.
Le combattant, inquiété par l'absence du Mage, s'était introduit dans la maison pour voir s'il pouvait trouver une piste pour le trouver. Sa surprise fut entière de trouver une femme en train de se servir dans les affaires d'Eylion. Incapable de révéler la Vérité, l'Arcaniste se débrouilla pour broder une histoire de famille à la va vite si improbable que le combattant finit par le jeter hors de la maison.
À la rue... Oui, Eylion s'y retrouva bel et bien pendant que Frederick, tel un Cerbère vigilant, veillait sur la Maison. La sienne, sans le savoir.
Sa déchéance était totale.
Il pouvait bien tenter de la reprendre par la Force mais c'était un coup soit à alerter les autorités, soit à devoir baisser son Masque, deux cas de figure peu enviables pour lui. Il dut se résoudre à errer dans la Coupe, la mort dans l'âme. "Elle" finit par s'asseoir sur un banc à proximité d'un bassin d'eau, mains agrippant le rebord, tête baissée.
- Bonsoir!
Elle releva la tête vers la silhouette qui venait de la saluer, surprise. Une surprise qui s'accentua quand elle reconnut son propriétaire : Rien de moins que son mandataire, Solid Shield.
- Oh, heu... Erh, bonsoir? finit-elle par lancer, maladroite et nerveuse.
- Que fait une jolie demoiselle comme vous toute seule ici? Vous étiez à l'Antique?
Le "compliment" eut le don de crisper les traits de l'Arcaniste qui s'obligea à offrir un sourire.
- Pas grand chose, je... prends l'air.
- Je vois...
Solid parut pensif en observant la Miqo'te.
- C'est la première fois que je vous vois par ici, vous êtes nouvelle?
- ... On peut dire ça, oui, dit-elle, toujours en conservant un sourire quelque peu crispé.
- Je ne vais pas vous manger, détendez-vous!
Face à la mention, "elle" mima un rire niais et maladroit, portant une main devant ses lèvres dans une parodie de féminité... Ou du moins de l'idée que l'Arcaniste se faisait de celle-ci.
- Oh, heu... Si vous le dites...
- J'espère que je ne vous gène pas trop... peut-être que vous préféreriez un peu plus de solitude?
OUI, hurla l'Esprit d'Eylion, avec une franchise qu'il s'obligea à ravaler.
- Vous ne... me gênez pas, voyons, dit-elle, toujours quelque peu crispée. Mais oui, je pense que j'ai... besoin de solitude...
Elle rajouta par la suite, maugréant entre ses canines de manière presque inaudible.
- De "
beaucoup" de solitude...
- Hum... je vois... fit-il, l'air en pleine réflexion.
Solid était loin d'être idiot, un intellect d'autant plus nourri par des siècles d'expérience. L'attitude inhabituelle de la Miqo'te, la ressemblance frappante jusqu'au cache-œil qui était le même que celui de l'Arcaniste, les vêtements inadaptés à sa corpulence... Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre d'où venait la nervosité de son interlocutrice.
- Si vous voulez, je peux vous apporter un livre, ça aide bien pour tuer le temps. Et j'ai cru comprendre qu'il y en a certains qui vous intéressaient plus que d'autres.
Un vent de panique souffla au sein d'Eylion. Il ne pouvait pas avoir deviné, si?
- Certains qui m'intéressent plus que d'autres...? reprit-elle, sa nervosité augmentée d'un cran.
- J'ai la sensation que ce n'est pas la première fois que l'on se voit, en vrai.
Solid esquissa l'un de ses sourires assurés dont il avait le secret, son regard guettant la réaction de la Miqo'te.
- Ah, ah... dit-elle, se forçant à un autre rire. C'est, erh... Hm, un peu beaucoup utilisé comme expression, vous ne trouvez pas? Je crois que c'est la première fois qu'on se voit.
- Vraiment? Bon, j'ai dû vous confondre avec quelqu'un d'autre alors... mais comme je ne le trouve pas, je vais devoir me débarrasser des livres que j'avais prévu pour cette personne... Quel dommage...
Il accompagna ses dires du soupir déçu approprié. Eylion n'eut aucun mal à voir la manœuvre même si elle était assez efficace pour lui arracher un frisson à la seule pensée de puits de connaissance jetés.
- Q-quelqu'un d'autre...? Je, hm... Je vous fais peut-être penser à mon frère? avança t'elle maladroitement, le ton suintant presque d'une émotion palpable...
La Peur, une vieille amie que le Miqo'te chercha à conjurer comme il le pouvait. Face à la remarque, Solid esquissa un sourire empreint de malice.
- Je pense que vous êtes plutôt un autre personne, en vrai...
- ... Une autre personne? Comment je pourrai être quelqu'un d'autre que moi-même? demanda t'elle, toujours avec ce sourire forcé. Je... Hm... Je m'appelle Kristina. Et vous?
- Enchantée Kristina... Vous pouvez m'appeler Solid... Dites-moi... qui est votre frère?
- E-enchantée... Solid... Mon frère est...
Elle prit une inspiration, courte. Courage... Mais franchement, KRIStina? Il n'avait pas pu trouver mieux?!
- Eylion Grenn, peut-être que vous le connaissez...?
Il acquiesça.
- En effet, c'est à lui que je pense en vous voyant.
Elle se força à un autre rire crispant, main devant ses lèvres. En son for intérieur, "il" bouillonnait de rage et frustration. Ne pouvait-il pas, ce fichu démon, lâcher l'affaire?!
- C'est vrai qu'on se ressemble beaucoup, dit-elle dans une parfaite parodie grinçante de la féminité.
De la féminité... Du moins, vue à travers le prisme d'un homme habitué à en avoir une vision déformée. À cette remarque, Solid se contenta de le regarder d'une manière... fixe, extrêmement fixe, sans dire un seul mot. Devant ce regard d'un jaune perçant, une montée d'angoisse monta au sein de l'Arcaniste.
- Q-quoi... Qu'est-ce qu'i-il y a...? J'ai dit quelque chose qui ne f-fallait pas?
La scrutation se poursuivit. Aucune réponse. La nervosité augmenta d'un cran chez la Miqo'te, une sueur froide coulant le long de sa tempe.
- P-pourquoi vous ne dites plus r-rien...?
Il finit par briser, nonchalant, le silence.
- Pourquoi êtes-vous si nerveuse?
- Ah, ah... Je... J-je ne suis pas nerveuse, voyons... Je suis... Calme... Oui, calme... fit-elle avec une expression qui trahissait son état...
Si on pouvait parler de trahir à ce stade tant c'était évident et grossier... Elle se leva, tâchant de retrouver sa contenance. Sa dignité était en jeu, plus question de rire, "il" devait filer...!
- En fait, ce n'était pas une question, dit-il en ayant à nouveau un sourire assuré. Vous êtes nerveuse. Je ne peux pas mentir.
Elle se massa le poignet, tâchant d'essayer de garder son calme.
- C'est n-normal, vous êtes un inconnu après tout...
- Je continue de penser que vous ne m'êtes pas si inconnue.
- Ce n'est... qu'une impression, dit-elle, faisant un geste de main de bas en haut, presque de diva, toujours dans cette pantomime de féminité.
Une pensée lui effleura alors l'esprit. L'affaire de la boîte...! S'il devait être coincé dans ce corps pendant un moment, comment allait-il pouvoir désamorcer la bombe...? Risquer sa dignité ou la sûreté d'Eorzéa... Telle était la question. Après un instant de réflexion, il décida à se lancer.
- Et c'est... Ah, hm... Solid, vous dites? C'est... vous derrière l'affaire de la boîte?
- En effet, oui, dit-il sans se départir de son sourire.
- Ah, mon f-frère vous a peut-être dit que c'est moi qui allais reprendre sa suite, en attendant qu'il revienne?
- C'est l'affiche qui vous a renseigné sur mon nom? demanda t'il, semblant pensif.
- Non, mon frère.
- Dans ce cas, si vous voulez prendre la suite de l'enquête, je vous propose de venir à notre repaire, on n'est pas très loin d'ici.
L'énonciation du repaire la rendit à nouveau nerveuse. Elle sentait le coup fourré venir... Mais c'était ça ou "il" serait écarté de l'affaire et ça, il en était hors de question.
- Heu, oui... Bien sûr.
- Parfait, allons-y alors!
Il ne leur fallut guère de temps pour rejoindre une éthérite qui les téléporta à proximité du QG de la Brigade Rouge. L'Entité lui ouvrit avec politesse la porte d'entrée. Au seuil de celle-ci, "Kristina" s'arrêta un bref instant... pour finalement le passer, peu à l'aise. Une fois à l'intérieur et la porte refermée, elle se frotta machinalement le bras.
- Vous voulez boire quelque chose? demanda Solid en parfait hôte.
- Oh, heu, un r... jus de fruit?
Solid tourna alors lentement la tête pour fixer
intensément du regard la Miqo'te qui avait failli fourcher sur le nom de son poison de prédilection. Elle lui offrit un graaand sourire qui faisait tout sauf naturel.
- Bien, je vais aller vous chercher le jus de fruit, attendez-moi près de la boîte.
- Oui, merci...
Sans y penser, l'Arcaniste suivit le chemin qu'il avait sans cesse effectué. Tourner à gauche par rapport à l'entrée. Descendre les escaliers. Pivoter pour pouvoir apercevoir la "Boîte", un cube volant au-dessus d'un socle, dont les angles et les symboles ésotériques dégageaient une lueur d'un mauve inquiétant. Ce fut devant celle-ci qu'elle attendit Solid qui revint avec deux verres. Un avec du rhum, l'autre avec du jus de fruit.
Il tendit les deux à Eylion qui les regarda, sans comprendre tout d'abord.
- J'ignorai que tu aimais te travestir, Eylion.
Elle sursauta un peu à cette mention. Ses oreilles se dressèrent par la suite.
- C-comment ça, Eylion?
- À moins que ce ne soit cette malédiction?
- Je... ne vois pas de quoi vous parlez!
- Je ne vous ai pas indiqué où se trouvait la boîte, pourtant vous y voici.
Long silence. Puis "Merde" se peigna sur les traits de l'Arcaniste. Il y avait bel et bien eu entourloupe et... Il avait marché en plein dedans. L'expression arracha un rire à l'Entité.
- Pas de souci, si tu souhaites que je garde le secret, je le ferai.
- Je...
Elle essaya de trouver une excuse. N'importe quoi. Presque comme quelqu'un qui se noie. La honte survint ensuite, puissante, teintant sa peau pâle d'un rouge cramoisi, tordant ses traits. Elle serra ses poings, baissant la tête. À la voir, on croirait que Solid lui avait mis un coup de poing au ventre.
- Personne... amorça t'elle de manière presque inaudible tout d'abord.
Puis elle éclata, relevant la tête, désespérée.
- Personne ne DOIT SAVOIR!
La réaction fut à la hauteur des attentes de Solid qui ria de bon cœur.
- Entendu, je ne dirai rien. Promis! Et je ne mens jamais! dit-il en lui faisant un clin d’œil.
Elle se masqua le visage dans ses mains au rire de Solid. Elle aurait certainement voulue être tuée sur le coup à voir son attitude. Un gémissement suivit la pantomime.
- Il a bien fallu que quelqu'un finisse par le découvrir... dit-elle, au bout du rouleau.
- Tu veux qu'on aille s'asseoir pour en discuter de manière plus posée?
- ... Seulement si vous avez une bouteille de rhum pour aller avec
- Oui, on dirait que ce seul verre ne va pas suffire, dit-il en lui tendant le premier verre.
Elle le prit, l'air vidée, avant de le suivre jusqu'à l'étage supérieur. Il y avait un salon avec deux grands divans l'un en face de l'autre, autour d'une grande table basse. Elle alla s'asseoir sur l'un d'eux pendant que l'Entité était en train de chercher, au passage, une bouteille entière qu'il vint confier au Miqo'te anéanti.
- Tiens, je sens que tu en as réellement besoin.
Eylion prit une longue gorgée de son verre et saisit ensuite volontiers la bouteille tendue de sa main libre.
- Merci... dit-elle d'une voix pâteuse.
- Je t'en prie! fit-il avec un sourire, en retour.
Il alla s'asseoir en face. L'Arcaniste, de son côté, continuait de vider son verre par gorgées entières.
- Une femme... de toutes les humiliations...
- Oh, je peux t'assurer qu'il y a pire comme humiliation.
- Vous ne pouvez pas savoir ce que c'est, pas pour MOI, fit-elle avec un désespoir on ne peut plus exagéré mais sans doute pas pour "elle".
Elle termina son verre pour le remplir à nouveau d'une main tremblante.
- Je suis assez curieux de savoir comment tu t'es retrouvé dans cet état là, en revanche.
- Une histoire stupide. Une gageure, une connerie, une...
Elle poursuivit ainsi de manière on peut plus inventive et éloquente pendant au moins une bonne minute. Elle ne prit son souffle qu'après celle-ci et d'autres gorgées, tâchant de rassembler ses esprits.
- Tout a commencé à cause de ce fichu Bazar Argenté... Jour de marché, j'y suis allé et j'ai acheté plusieurs potions qui se sont avérées être faites par la main d'un charlatan. Je l'ai découvert grâce à un mercenaire qui a testé les potions sur place et qui en a payé les frais... Ce n'était pas beau à voir, toute cette bave qu'il ne pouvait s'empêcher de lâcher. J'ai pu me faire rembourser ET garder les potions. Je me suis dit que ça pourrait être utile contre des ennemis à l'avenir. Je les ai faites analyser par un vrai alchimiste qui a pu en déterminer les véritables effets... Sauf que ce n'est pas moi qui les ai apporté là-bas, je n'avais pas le temps... Ce qui fait que je n'étais pas le seul... à être au courant des véritables effets. Parmi ces potions, il y avait une pseudo-potion d'amour dont l'effet véritable, selon les notes, était sensé "transformer quelqu'un dans sa version plus adorable".
Solid écoutait attentivement le récit pendant qu'Eylion poursuivait, avec un air sombre.
- Quelqu'un, je ne citerai pas qui... a cru bon de me jouer un tour et d'en mettre dans ma flasque de rhum...
L'Entité eut un air pensif en observant "la" Miqo'te avant d'avoir un grand sourire équivoque.
- ... C'est vrai que tu es plus adorable comme ça!
Durant sa beuverie, elle fusilla Solid de l’œil à cette remarque.
- Mais j'aimais bien l'autre version aussi, si ça peut te rassurer, rajouta t'il.
- C'est un enfer... Sans parler que cette saloperie de potion... mal faite... est maintenant à "durée indéterminée", certainement à cause de ma "malédiction"...!
- Oh... aucun antidote connu à ce jour?
- Il y a des chances que ça soit toujours temporaire mais impossible de dire quand...
Elle se resservit allégrement, clairement défrisée pendant que Solid était en pleine réflexion.
- Et ce con de Fred... Il m'a foutu hors de chez moi en pensant que j'étais un intrus...!
- Oh... toutes mes excuses, je lui ai demandé d'aller chez toi pour savoir si tu étais toujours en vie. Le pauvre s'inquiétait pour toi.
Elle fit une grimace éloquente à cette mention.
- Je lui ai envoyé une lettre, en espérant qu'il morde au bordel que j'ai écris...
- Vu que je ne peux pas mentir, je pourrai au moins lui dire que vous êtes digne de confiance.
- Il vaudrait mieux, je préférerai crever que ça se sache, dit-elle, l'air humiliée.
Devant l'air dubitatif de Solid, elle ajouta.
- Comment je suis supposé vivre avec ÇA? dit-elle en écartant les bras et en se regardant.
- Et bien... pourquoi ne pas chercher à en tirer profit, en attendant?
- Profit...
Elle le regarda avec un air d'incompréhension total et absolu.
- Tu n'es plus vraiment toi-même, est-ce qu'il y avait des endroits qui t'étaient interdits, par exemple?
Long instant de silence et d'incompréhension.
- ... Pas vraiment?
- Hum... Tu aimes les femmes ou les hommes?
L'Arcaniste le regarda, de plus en plus perplexe.
- Les femmes, c'est une évidence, quel rapport?
- Disons que cela pourrait t'ouvrir une nouvelle gamme de personnes à découvrir de... beaucoup plus près...
Eylion mit un certain temps à capter le message. Quel genre d'endroit pourrait lui permettre de découvrir les femmes de beaucoup plus...
...
Quand il comprit, le Miqo'te vira au rouge vif, terminant son verre d'un coup.
- V-vous ne pensez pas...
Solid laissa un sourire se dessiner.
- C'était une simple suggestion. Voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide.
Elle secoua la tête, presque comme pour chasser quelques pans d'une imagination trop vive, des pans suggérant les allures de plusieurs formes quelque peu trop idylliques pour cette dernière.
- Je d-dis que j'aime les femmes, oui, enfin, c'est... compliqué mais jamais je ne me permettrai un truc pareil...!
- Je vous fais confiance, dit Solid avec un sourire.
Elle soupira.
- Je ne suis pas insensible aux corps féminins mais ce n'est pas ce que je... recherche... et...
- Pas de souci! Je ne veux pas vous pousser à faire des choses que vous n'avez pas envie.
Elle grommela un peu pendant qu'il continuait à sourire.
- C'est une évidence, dit-elle, ses joues néanmoins rouges.
Rouges, à cause de l'Alcool ou bien de la Gêne? Sans doute un mélange des deux.
- Heureusement que vous avez commis cette erreur avec la boîte, sinon je vous aurai dragué jusqu'à ce que vous avouiez, dit-il en riant.
L'Image eut le don de figer littéralement la Miqo'te. Il lui fallut un moment avant de pouvoir baisser la tête, dépitée au dernier degré, semblant complètement écrasée par le désespoir de son état et de sa situation... S'apercevant sans doute des JOIES qui l'attendaient en tant que Femme...
- Tuez moi...
Le démon essayait de cacher son sourire mais c'était impossible face aux différentes mimiques de l'Arcaniste.
- Je vais m'abstenir de faire cela.
Elle se mit à boire but à la bouteille directement, une bonne rasade. L'alcool lui brûla tant la gorge qu'elle ne put s'empêcher de grimacer en reprenant son souffle.
- Ceci dit, il va falloir être plus prudent sur votre démarche, finit par dire Solid.
- C-comment ça? balbutia t'elle quelque peu, l'ivresse s'annonçant.
- J'ai bien vu que vous avez voulu jouer les "filles modèles", sauf que vous n'êtes pas une fille, et ça se voit un peu trop, hélas. Enfin... physiquement il n'y a pas de doute, mais vos manières laissent à désirer.
- Qu'est-ce que j'en s-sais moi? fit-elle d'une voix pâteuse. Cette putain d'potion n'est pas venue avec un manuel de la parfaite petite femme.
- Pas besoin de jouer les parfaites petites femmes en vrai. J'arrive bien à jouer l'humain, après tout. L'important est de ne pas surjouer.
- Si j'garde mes manières... Ça risque d'se remarquer très vite, trop de vraise... vray... vr... de semblance...! Merde, j'sais pas comment vous faites, pour garder votre calme... Moi, j'ne le peux pas.
- Hum... je vois ce que vous voulez dire. Mais vous savez... J'ai eu plus de mille ans pour m'entrainer. C'est encore un peu tôt, vous êtes perdu... c'est normal. Il faut un peu de temps.
Il tâcha de lui offrir un sourire confiant alors que la Miqo'te continuait de boire allégrement à la bouteille, laissant l'alcool dévaster ses sens et sa Raison.
- Putain, ouai, mille ans... C'est clair qu'un jour, c'est pas la même... chose...!
- Juste un jour? C'est vrai que c'est récent...
- J'suis sensé faire quoi, moi...? Hein? Même ces vêtements... J'flotte dedans...
Pensif, l'Entité observait l'Arcaniste avant d'avoir, soudain, une idée.
- Pourquoi ne pas rester ici un peu? Le temps qu'on vous aide dans votre mascarade?
Elle pencha la tête sur le côté, perplexe et visiblement bien atteinte.
- Oh bah... C'serait chouette, oui, chouette... J'ai plus de baraque moi... Ma propre baraque, quel abruti...!
Elle s'emporta quelque peu face à cet "outrage" qu'elle montait en épingle pour pas grand chose.
- On va s'occuper de corriger ça, que vous puissiez avoir de nouveau votre maison. Je peux vous montrer une chambre de libre, cela vous tente?
- Ouai, ça... m'aiderait, oui, beaucoup, chic type... ou chic monstre, je ne sais pas trop... L'autre Anrad, elle n'aime pas le terme de monstre. 'Croyez que c'est une sorte de tabou...?
- Un tabou ? Mais de qui parlez-vous?
- Juste de l'autre là... Sauf qu'elle, elle ment... allégrement, dit-elle en levant sa bouteille pour en reprendre une gorgée, plus courte cette fois. L'a aussi ce truc là... La méta... La... Bref, les visages.
Solid fut quelque peu confus face aux tentatives de communication de l'ivrogne en face de lui.
- La... malédiction?
- Nooon...!
Elle passa la main qui tenait son verre devant son visage à deux reprises avec un geste exagéré.
- Le, la... La métamorphose, voilà...!
- Ah, la potion, oui !
- Mais noon, je m'demandais c'est quoi les coutumes quand on n'est pas humaiiin...
- Oh... J'aurai aimé vous faire une plaisanterie comme quoi on dévore les jeunes demoiselles passé minuit, mais je ne peux pas mentir...
- Merde... ... Même si c'est pas l'cas, ça doit être insupportable... Ça doit crier... Ouai, les femmes, ça crie et pas qu'un peu... Putain... Et j'en suis une maintenant... Merde... J'ai tué le chat de quel Douze pour mériter ça...?
- Malheureusement, je pense que les créatures du néant sont bien trop chaotiques pour avoir des coutumes... pour ce qui est des femmes... certaines ne crient pas non plus, il n'y a pas que des potiches dans ce monde! souligna t'il, manifestement amusé.
- Ooh, potiches, elles veulent l'faire croire...! Mais sont dangereuses oui... Merde... Ça veut dire que j'suis dangereux... dangereuse... eux...?
Elle haussa les épaules et reprit une gorgée. Quitte à être au fond du trou, autant se rachever.
- Tu es qui tu es. Tu n'es pas obligé de jouer la comédie. Pas trop du moins.
- Ouai bah, si je m'écoutais... Fred, il s'en prendrait une là où ça fait mal... On fait pas ça à son ami... Enfin, voilà, y'a des règles...!
- Je doute qu'il pensait à mal... même si les résultats sont assez imposants.
Elle hocha la tête bien qu'elle ne savait pas trop à quoi elle acquiesçait.
- Va m'entendre, moi je t'le dis...! Hé, sinon... T'as déjà essayé?
- D'être une femme ? Jamais, je l'avoue, fit-il avec un sourire en oin.
- Tu es ça... Peux le faire?
- Je n'en ai jamais eu envie, en vrai. En fait, il me faut un modèle pour ma part. Et de son éther.
- Aah, c'est pratique ça... Pouvoir modifier son... sa face comme on veut. Putain, j'en rêverai...! J'aurai pas à vivre comme un putain de gamin... ou d'avoir à me mater dans un miroir... Merde, ME mater dans un miroir...!
- ... Tu t'es déjà maté ? demanda t'il un peu surpris.
- Bah ouai... Pas eu trop... Nan, en fait, j'avais l'choix, balança t'elle, particulièrement éméchée.
Solid avait du mal à arrêter de sourire à ce stade. Bien que c'était tentant, il évita de se moquer. Pendant ce temps, la Miqo'te atteignait les bas fonds de son état.
- Mille ans, ça doit faire du temps pour faire pleiin de... De...
Elle perdit ses mots mais ne sembla pas s'en soucier plus que ça, continuant de vider la bouteille. Quand il constata l'état de plus en plus pitoyable et incohérent de l'Arcaniste, Solid reprit la parole.
- Tu devrais calmer la boisson, maintenant.
À la remarque, elle regarda avec un œil vitreux le niveau de la bouteille.
- ... J'crois... J'commence à en voir trois... Mais bordel, ça fait du bien...!
- Demain, tu ne diras pas ça, je pense...
- Moh... Mal d'tête, ce sera toujours mieux que d'penser à tout ça.
Elle se leva, les jambes flageolantes. Elle essaya de poser ce qu'elle tenait sur la table.
- Ce serait idiot de te réveiller et d'oublier tout ce qui s'est passé depuis... imagine revivre cette journée...encore!
Eylion ne parvint pas à poser de manière adéquate la bouteille qui se renversa sur le côté, le liquide se répandant sur la table pour couler ensuite sur le tapis.
- ...! ... Oups.
- J'espère que le majordome ne découvrira pas que c'est vous qui avez fait cette tâche par terre...
- ... Désolé... dit-elle en s'employant à passer sa manche sur le meuble avec maladresse.
Il vint à la rescousse avant qu'il n'y ait plus de dégâts, ramassant la bouteille pour la poser sur la table. Quand il vit la Miqo'te vaciller, il s'employa à la soutenir, laquelle s'acharnait à vouloir nettoyer ce qu'elle avait fait.
- Avec un p'tit coup, ça partira... tout seuul...
- Ce n'est rien... venez, je vais vous mener à vos appartements pour cette nuit.
- C'est déjà l'heure d'dormir...? demanda t'elle, pâteuse.
- À voir pour l'heure du dodo.
Il la guida jusqu'aux escaliers, parcourant le QG jusqu'au couloir des chambres. Ils eurent tôt fait d'atteindre la sienne alors que, sur le trajet, Eylion continuait de délirer.
- Z'êtes sympa... mais je crèverai sans doute plutôt que de l'admettre...
- Oh... ça fait toujours plaisir à entendre. Mais pourquoi ne pas l'admettre?
- Ça m'fait bizarre, pas l'habitude... des gens... Bah, j'ai ma fiertéé... C'est important ça, la virilité, tout ça...
- La fierté mal placée... un vilain défaut, ça...
- Jamais dit que j'étais parfait... aite? Bordel, j'm'y perds...
- À chacun ses défauts, oui. Vous ne voulez pas vous asseoir?
Ils étaient maintenant à proximité du lit, Solid faisant en sorte de ne pas relâcher trop brusquement sa prise.
- Ouaai, bonne idée... Tout tourne...
- Hum... peut-être vous coucher, alors?
- J'ne sais pas, c'est vous la sagesse *hips* millénaire...
- Dans ce cas, au lit. Je vais rester auprès de vous le temps que vous trouviez le sommeil.
- Ah, ah, ah, avec une berceuse? lança la Miqo'te avec l'humour de son état.
- Je doute avoir des mélodies pour apaiser vos tourments... Mais venez déjà vous mettre à l'aise... si c'est toutefois possible.
Eylion tangua un peu mais elle parvint à s'allonger sans chuter alors que Solid était déjà prêt à la réceptionner en cas de besoin. Il put se redresser une fois l'Arcaniste hors de danger.
- Niveau confort, vous n'allez pas être déçu, au moins.
- Ça m'changera du banc.
- Je ne prendrai pas le risque de vous déshabiller...
Elle regarda son haut à cette mention. Jamais "il" n'avait conçu une quelconque forme de Pudeur vis à vis de son corps de gringalet. Devait-"il" commencer avec un corps différent?
- ...
Elle dégagea son col et une partie de son haut avant d'enfoncer sa tête dans l'oreiller, l’œil vitreux.
- On va trouver une solution, tenta t'il de la rassurer avec un sourire.
- ... J'ne sais même pas s'il y a...
Elle se regarda avant d'appuyer à deux reprises sur le dessus de sa poitrine, comme si c'était une chose étrangère.
- J'veux pas passer l’Éternité comme ça...
- Je ferai ce qu'il faut pour que cela n'arrive pas.
- Merrrci... Z'êtes... un bon squeu...
- Oh, ce n'est pas dit que la solution soit gratuite si j'en trouve une. Les affaires sont les affaires.
Une partie de cette phrase tomba dans l'oreille d'un sourd... ou d'une sourde. Prise de vertige, elle avait sombré dans l'inconscience entretemps. À peine effondrée, un étrange bruit émana du Miqo'te déchu, un mélange entre un ronronnement et un ronflement... converti à la hauteur de l'apparence actuelle.
Quand il constata ce fait, l'Entité le borda de son mieux pour s'éclipser, par la suite, discrètement de la chambre.