SPOILER
Exaltant. C’était le terme le plus juste qui venait à l’esprit de la jeune femme à la vue du lever de soleil en grande pompe sur les étendues salines. L’événement quotidien amenait toujours avec lui son lot de magie, de beauté. Mais aujourd’hui, plus encore qu’un autre jour de l’année, l’aube était marquante. Comment la décrire ?
Il paraissait impossible de rendre hommage au tableau qui se présentait sous ses yeux. La lumière rouge était omniprésente, teintant ciel et mer, mais pas seulement. Une aura de sang spectrale s’étalait le long des rues, léchait les bâtiments et s’immisçait entre les branches mouvantes au gré de la brise des cerisiers en fleur. La ville commençait alors à prendre vie, doucement d’abord. Les pêcheurs embarquaient silencieusement sur leurs frêles esquisses, tandis que les marchands commençaient tout juste à monter leurs étalages. Bientôt, les odeurs variées et exotiques empliraient l’air : mais, pour l’heure, seul subsistait un goût d’iode familier.
Le visage de la jeune femme s’assombrit lorsqu’une ombre se présenta sur sa toile de maître. Une animation, imprévue mais habituelle, avait lieu dans le cœur de la ville. Elle se pencha en avant afin de mieux observer, comme si quelques ilms pouvaient prolonger sa vue à l’infini. La scène était floue, mais, pour les habitants, nul doute sur ce qu’il se passait. Une patrouille impériale contrôlait les étalages et avait déniché sur l’un d’entre eux des marchandises issues de réseaux de contrefaçon. Elle serra les poings, furieuse de voir la perfection de l’aurore dissipée aussi vite qu’elle était venue. N’était-il plus possible même de prendre quelques minutes sans qu’il ne se passe quelque chose ?
Voilà que, maintenant, des coups étaient donnés. Chez elle. Dans sa ville. Quel orgueil chez ces gens qui pensaient pouvoir administrer la justice, elle qui était réservée aux sages et aux dieux. Quelle honte pour l’ancestrale cité d’être ainsi souillée par la brutalité nauséabonde de ces barbares du Nord. Elle s’en voulu aussitôt de s’être ainsi laissée aller à la colère. Presque aussi vite qu’elle s’était embrasée, l’émotion s’estompa. Son éducation toute entière la rappelait au calme et au discernement, tant bien que mal. Que dirait sa mère en la voyant ? Qui plus est, les Impériaux en venaient rarement aux mains sans une raison valable : ils obéissaient eux aussi à des lois strictes. Ainsi, elle en vint à la conclusion qu’il valait mieux oublier cette affaire. De toute manière, le marchand ne risquait guère plus qu’une amende et une semaine dans une geôle. C’aurait pu être bien pire, à y regarder. Au moins, le bain de sang qui avait eu lieu dans Doma leur avait été épargné, les dieux soient loués.
D’un geste lent et assuré, la jeune femme se redressa, surplombant la ville de toute sa hauteur. L’heure du filage allait venir, et sa mère ne tolérerait pas qu’elle soit en retard pour l’aider. Elle descendit donc du toit du bâtiment, aussi agile qu’un félin, pour atterrir sur le sol dallé. Puis, après avoir fermé les yeux le temps d’une respiration, elle se mit en route.
Il paraissait impossible de rendre hommage au tableau qui se présentait sous ses yeux. La lumière rouge était omniprésente, teintant ciel et mer, mais pas seulement. Une aura de sang spectrale s’étalait le long des rues, léchait les bâtiments et s’immisçait entre les branches mouvantes au gré de la brise des cerisiers en fleur. La ville commençait alors à prendre vie, doucement d’abord. Les pêcheurs embarquaient silencieusement sur leurs frêles esquisses, tandis que les marchands commençaient tout juste à monter leurs étalages. Bientôt, les odeurs variées et exotiques empliraient l’air : mais, pour l’heure, seul subsistait un goût d’iode familier.
Le visage de la jeune femme s’assombrit lorsqu’une ombre se présenta sur sa toile de maître. Une animation, imprévue mais habituelle, avait lieu dans le cœur de la ville. Elle se pencha en avant afin de mieux observer, comme si quelques ilms pouvaient prolonger sa vue à l’infini. La scène était floue, mais, pour les habitants, nul doute sur ce qu’il se passait. Une patrouille impériale contrôlait les étalages et avait déniché sur l’un d’entre eux des marchandises issues de réseaux de contrefaçon. Elle serra les poings, furieuse de voir la perfection de l’aurore dissipée aussi vite qu’elle était venue. N’était-il plus possible même de prendre quelques minutes sans qu’il ne se passe quelque chose ?
Voilà que, maintenant, des coups étaient donnés. Chez elle. Dans sa ville. Quel orgueil chez ces gens qui pensaient pouvoir administrer la justice, elle qui était réservée aux sages et aux dieux. Quelle honte pour l’ancestrale cité d’être ainsi souillée par la brutalité nauséabonde de ces barbares du Nord. Elle s’en voulu aussitôt de s’être ainsi laissée aller à la colère. Presque aussi vite qu’elle s’était embrasée, l’émotion s’estompa. Son éducation toute entière la rappelait au calme et au discernement, tant bien que mal. Que dirait sa mère en la voyant ? Qui plus est, les Impériaux en venaient rarement aux mains sans une raison valable : ils obéissaient eux aussi à des lois strictes. Ainsi, elle en vint à la conclusion qu’il valait mieux oublier cette affaire. De toute manière, le marchand ne risquait guère plus qu’une amende et une semaine dans une geôle. C’aurait pu être bien pire, à y regarder. Au moins, le bain de sang qui avait eu lieu dans Doma leur avait été épargné, les dieux soient loués.
D’un geste lent et assuré, la jeune femme se redressa, surplombant la ville de toute sa hauteur. L’heure du filage allait venir, et sa mère ne tolérerait pas qu’elle soit en retard pour l’aider. Elle descendit donc du toit du bâtiment, aussi agile qu’un félin, pour atterrir sur le sol dallé. Puis, après avoir fermé les yeux le temps d’une respiration, elle se mit en route.