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par Khorijin Dotharl » 26 juin 2017, 23:16
Alors que l'inconnu berçait la connaissant de l'ennemi et de ses plans, la seule piste de l'arbre tonnerre – un ancien site d'invocation de Ramuh inutilisé depuis longtemps – s'éclairait pour guider les pas de la compagnie Fantôme.
Fort d'une reconnaissance de Callidia dans la région, relatant d'un repli quasi complet des sylphes dans leurs territoires, en proie à du harcèlement et des massacres d'origine inconnue, la Compagne Déploya ses effectifs au sol afin de tracer une route vers le site d'invocation, le sinistre arbre tonnerre.
L'entrée dans les terre sylphes par leur accès dérobé ne fit face à aucune difficulté notable, les secteurs précédemment patrouillé par les dénaturés semblant étrangement abandonnés et la Compagnie entra plus profondément dans la forêt indigo en croisant des villages et postes d'observations sylphes, vides.
Un œil expert y vit la hampe d'une flèche plantée dans l'un d'eux, hors d'atteinte dans les arbres, et dont l'origine était encore inexplicable.
Alors qu'ils continuaient leur progression vers la destination connue, en suivant les instructions de Callidia, une flèche vint frapper la roche au détour d'un muret couvert de mousse, tandis que la silhouette de son tireur – un rapide coursier Xaela monté sur un cheval – se détournait au loin avant de détaler à bonne distance.
Donnant la chasse, la Compagnie se lança au galop aux suites de cet adversaire, battant le sol moussu et couvert d'herbes tout en traversant villages et habitations sylphes aussi vides les unes que les autres.
Un second archer les aborda de la même façon, rejoignant au galop son confrère en les maintenant à distance. Puis un troisième, puis un autre, puis un autre.
Le jeu semblait prendre forme tandis que la Compagnie suivait désormais une petite cohorte d'éclaireurs, le fracas des sabots seulement entre coupés par des chants d'oiseaux, qui rappelèrent à certains compagnons des sons déjà entendus à leur première visite.
La chasse les mena alors à un défilé s'enfonçant en pente douce dans le sol, laissant la roche et les arbres disparaître et menant à la cuvette dans laquelle gisait au loin la dépouille de l'arbre tonnerre.
Peu confiants, les Compagnons se stoppèrent en comprenant non sans mal le piège dans lequel on les attirait. Alors qu'ils envisageaient une autre approche, un contournement ou toute stratégie leur permettant d'échapper au plan de leur ennemi, des chants d'oiseaux reprirent dans leur dos et dans les frondaisons.
Une salve d'archers les toucha depuis les hauteurs des terres sylphes, blessant plusieurs des compagnons malgré des sortilèges défensifs. Ils ne pouvaient plus perdre le temps de s'organiser, ou de se replier. Une seconde salve fut décochée quelques secondes plus tard, laissant planer un doute quand à leur seule capacité à affronter un aussi grand nombre d'adversaire dissimulés.
Ils descendirent alors en file indienne vers le piège évident qui leur avait été préparé.
Les coursiers se dispersèrent rapidement de l'autre coté renfoncement rocheux, au centre duquel trônait la dépouille d'un arbre autrefois majestueux, calciné par la foudre désormais. L'écorce du titan prenait des teintes métalliques là ou le bois noirci était progressivement blanchi en cendres, ajoutant à sa superbe l'expression froide dénuée de vie.
Alors, les silhouettes apparurent, bordant les hauteurs rocheuses qui entouraient cette clairière.
Les revenants.
Ils n'étaient pas quelques dizaines, mais bien des centaines. Les regardant de haut comme un vulgaire gibier, le nombre était sans le moindre doute insurmontable pour les Compagnons au nombre de dix. La silhouette massive du loup argenté – mesurant près de vingt yalms et la tête ornée de bois - se présenta alors en brisant l'harmonie de la palissade humaine formée par les barbares, surmontée de la reine des ossements.
De sa voix forte, galvanisant ses troupes par son discours cinglant, elle les accusa d'être des lâches, des bouchers et des traîtres. Elle se décrit comme la Khan des Khans, qui mènerait son peuple à la gloire et à la conquête de toutes les terres.
Le ciel s'illumina comme sous l'impulsion du discours tandis que la foudre frappait l'arbre tonnerre, sillonnant son écorce de veinules incandescentes là ou l'énergie l'avait traversé jusqu'à rejoindre sol, éclairant sa dépouille comme un arbre de fête rougeoyant pendant quelques secondes.
Alors, elle descendit du loup titanesque, l'envoyant en contrebas avant de retirer ses troupes, à l'exception de deux barbares volontaires qui descendirent à l'aide de cordages pour venir tenir tête à la Compagnie aux côtés de l'animal de légendes.
Se préparant pour ce qu'elle savait faire de mieux, la Compagnie livra bataille en éliminant rapidement les deux Xaelas ennemis. Et tandis les plus légers et agiles tentaient de monter sur la tête de l'animal pour le mutiler ou le blesser grièvement, les plus adroits frappaient ses pattes et ses flancs au niveau du sol, et les plus solides affrontaient les crocs de la bête en s'exposant à de graves blessures quelles que soient les armures portées.
Un cri déchira l'air en gelant les compagnons, givrant l'air autour d'eux tandis que leurs gestes ralentis luttaient pour trouver une faille dans la peau épaisse de l'animal. Les crocs acérés de la créature déchiraient l'armure du Septième Maître, faisant couler des flots sanguinolents sur sa cuirasse, exposé en première ligne.
Mais aussi féroce fût la créature, poussée par une rage aveugle à attaquer la Compagnie, leurs compétences individuelles mises en commun triomphèrent finalement de la bête. La fourrure blanche tâchée de sang vint finalement s'effondrer sur le flanc en menaçant d'écraser plusieurs compagnons, laissant le calme retomber sur la clairière.
Alors que chacun vérifiait l'état de ses camarades, que les derniers souffles rauques de leur adversaire rompaient encore le silence revenu.
Une vois emplit les alentours, à bout de forces.
« Sont-ils partis, Guerriers Fantômes ? Est-ce que les monstres d'os sont partis ? »
L'espace d'un instant, le temps suspendu laissa les Compagnons en proie à un doute et un regret. Leurs regards se tournèrent alors vers la majestueuse créature qu'ils avaient affrontée et vaincue, mais la joie d'être vivants commençait à s'effacer de leurs visages.
« Ils m'ont obligée à le faire, ils ont tué mon compagnon et tiennent encore captifs mes petits. Je suis désolée je n'avais pas le choix. »
Les dernières étincelles de joie dans les cœurs des fantômes, ceux toutefois capables d'empathie, furent dissipées en un instant. Remplacées par la douloureuse épine du remords. La bête mortellement blessée échappait désormais aux capacités des soigneurs et son décès ne saurait tarder.
« Vous devez sauver mes petits. »
Le chevalier noir s'avança alors de son pas lent et rigide, s'adressant de sa voix glaciale à ce qui était encore son adversaire.
« Nous n'avons aucune raison de t'aider, créature. »
« Ils peuvent vous aider à trouver la reine, ils sauront suivre sa piste, s'il vous plaît sans-âme. »
Le Chevalier agréa alors d'engager la Compagnie dans ce « sauvetage » imprévu. Non pas par bonté d'âme, mais par froide logique venant appuyer leur objectif : « anéantir leur ennemi ».
Il demanda alors sans le moindre détour :
« Es-tu prête, créature. »
« Oui. » Lui répondit la louve.
Sous les yeux énervés, dégoûtés, déprimés ou indifférents de ses compagnons, le chevalier leva sa lourde lame pour l'abattre pointe vers le bas sur le crâne de l'animal, appuyant sur la garde de son arme le poids de son épaule jusqu'à en perforer l'os.
« Ceux qui peuvent goûter à la mort, connaissent un jour la délivrance. »
Le chevalier pivota alors, ordonnant la retraite, tandis qu'un goût amer restait ancré dans la bouche de certains compagnons. Une victoire qui n'avait ni saveur, ni satisfaction. Une lutte à mort contre ce qui n'était en fin de compte, pas un ennemi.
L'injustice.